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vendredi 14 juillet 2006

Financer ses études

Dans le Parool d'hier, Bart Tromp (photo) parle du nouveau projet du leader travailliste, Wouter Bos, de forcer les diplômés à financer les prêts qui seront accordés aux étudiants. L'idée est que, comme les étudiants coûtent cher mais bénéficient d'un salaire supérieur à ceux qui n'ont pas fait d'études, ils doivent financer eux-même leurs études avec des prêts dont le remboursement s'adapte à leur salaire. Le point de départ des conseillers de Bos est que les pauvres qui n'étudient pas financent les études des riches qui vont étudier aux frais de l'Etat néerlandais.

L'agrument de Tromp est que produire des diplômés profite certes aux étudiants eux-mêmes, mais aussi à la société en général, car cela crée de la richesse. Par ailleurs, à travers leurs impôts (d'autant plus élevés que leur salaire est conséquent), les ex-étudiants remboursent largement ce que l'Etat a pu investir pour les éduquer. Enfin, et il s'agit là d'un argument essentiel selon moi, la peur de la dette risque de décourager beaucoup de jeunes (et leur famille) à aller faire des études supérieures. Il est donc contre le système proposé par Bos.
Je n'ai pas fait toutes mes études aux Pays-Bas, mais j'ai suffisement vu comment ça se passait à l'université pour en tirer quelques remarques:

- si mes parents avaient dû s'endetter (ou moi-même) pour me payer mes études (ils me payaient déjà la nourriture et le logement, certes spartiates mais cela n'était pas rien), jamais je n'aurais étudié. Les expériences familiales avec les dettes et les emprunts ont créé un précédent extrêmement défavorable, et je ne suis pas le seul.

- Si l'Occident reste très riche, c'est avant tout grâce à son avance technologique. Cette avance ne s'est obtenue (et ne se conservera) qu'à travers une éducation aussi poussée que possible pour tous.

- Le problème de l'université, ce n'est pas qu'il y a trop de riches, c'est qu'ils n'y a pas assez d'étudiants issus des classes défavorisées. Leur imposer un emprunt va les dissuader encore plus de se lancer dans des études, surtout si elles ne rapportent pas à court terme (choisir donc force de vente au lieu de la physique nucléaire ou les études médiévales).

- A l'université néerlandaise, il y a deux probèmes principaux: 1°) le fait que les étudiants sont trop focalisés sur les petits boulots qui leur permettent de survivre, et n'ont pas le temps ni l'énergie d'étudier. Une bourse bien ciblée ferait gagner du temps et de l'argent à tout le monde. 2°) L'investissement des universités se fait beaucoup trop sur des critères financiers et de court terme. Au lieu de garder ses assistants et d'en faire des prof, elle les transforme en esclaves précaires et investit dans de beaux bâtiments et des ordinateurs. ce qui fait une université, c'est surtout ses enseignants, ses étudiants et ce qui y est enseigné, par le luxe d'une cafétaria ou l'écran plat dernier cri que les étudiants peuvent utiliser.

Tout cela demande une remise en cause de la logique individualiste et comptable de l'enseignement. On en est loin, car les comptables sont au pouvoir. Enseigner, ça coûte cher, c'est vrai, et ça ne rapporte pas à court terme. Mais finalement tout le monde en profite. Mais peut-être est-ce une vision trop socialiste pour Wouter Bos et ses conseillers?