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mercredi 23 mai 2007

Écoles noires et pics à bestiaux

La semaine dernière, j'ai été invité à venir parler à des jeunes d'une des "écoles noires" (zwarte scholen, ces collèges où l'essentiel des élèves sont allochtones) les moins réputées du pays. Je suis venu avec Martin le chien car il est encore jeune et ne pouvait pas rester tellement d'heures tout seul. A mon arrivée, la vue du chien a eu un effet immédiat sur les élèves du collège, qui ne sont agglutinés le long des murs et sont montés aux barrières par peur que le chien les atteigne. C'était assez ridicule: Martin est un gros bébé, mais il s'agit d'un gentil Labrador chocolat, joueur et câlin, par d'un molosse cruel et anthropophage.
Mais bon... Traversant la cour désormais déserte, je suis arrivé à l'atelier où je devais parler. Ça s'est bien passé, sauf que j'ai peu à peu réalisé que cet atelier avait pour but d'encourager les élèves (13-14 ans) à monter leur entreprise. Il y avait un petit mec d'origine marocaine, à peine pubère, moins d'un mètre quarante de haut, 30kg tout mouillé, à qui le staff conseillait de s'investir dans le restaurant marocain de son père, et d'en faire une affaire florissante.
J'ai gardé le sourire parce que j'étais invité mais j'étais ravagé intérieurement: le pauvre gosse arrive à peine à écrire le néerlandais, et au lieu de lui offrir un bagage culturel et scolaire à la hauteur pour qu'il puisse décider, lorsqu'il est adulte, ce qu'il veut faire de sa vie, on le pousse à rester dans sa banlieue pourrie et aller bosser au resto ethnique de son paternel. Une sortie rapide de l'école est la garantie d'une vie bousillée émaillée de chômage et de problèmes sociaux, et ces enseignants (Hollandais blancs) poussaient le petit beur à quitter l'école. J'étais choqué. J'ai fini par prétexter une rendez-vous ailleurs pour partir prendre mon train vers Amsterdam.

Dans la cour, certains élèves étaient en train de sortir. Mouvement de manique à la vue du chien (photo ci-contre à droite), avec cris hystériques des filles (voilées). A la grille (deux mètres de haut, avec des encoches coupantes au dessus pour décourager toute escalade), il y avait deux gardes, un Surinamien et un Indoustani (Indien/Pakistanais du Suriname) qui tenaient les élèves le long d'une barrière. Un d'eux avait une tige avec une sorte d'embout en plastique en U, comme un trident dont il manquerait la dent centrale. Il s'en servait pour maintenir les élèves à distance à travers la grille. Une fois de plus, j'étais choqué. On traitait les élèves comme du bétail, et comme il n'y avait pas de garde blanc, on ne pouvait pas les traiter de racistes.

Alors c'est donc ça, les écoles noires? Les enfants sont tellement séparés du reste de la société qu'ils paniquent quand ils voient un chien? On les encourage à quitter l'école sans diplôme pour monter un business bidon et éviter qu'ils ne s'émancipent? On les traite comme du bétail avec de hautes barrières et des pics à vaches? Pas étonnant que les autochtones n'y envoient pas leurs enfants. La société néerlandaise qu'on nous promet où les allochtones sont "intégrés" m'a l'air très très mal partie...