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mercredi 14 mars 2007

L'industrie du mensonge



J'avais acheté "Fast Food Nation" d'Eric Schlosser à Oslo et je l'avais quasiment fini à l'aéroport et je m'étais promis d'en parler. Le temps passe vite, et en rangeant mon bureau je me suis rappelé de cette promesse aux kreukreusconautes et à moi-même.
Ce livre est très bien écrit, parfaitement argumenté, à chaque fois il commence par une histoire horrible et il montre ensuite, chiffres à l'appui, que c'est une tendance générale de l'industrie alimentaire plus qu'un accident de la vie. Je ne vais pas rentrer dans les détails (il tient 289 pages hors notes), mais il est plusieurs leçons intéressantes:

1. L'industrie du fastfood et de la malbouffe est une application des principes d'organisation industrielle à une industrie alimentaire encore mal structurée dans les années 1960. Elle se développe avec l'industrialisation des Etats-Unis à partir de la guerre et correspond à la promotion d'une industrie hyper-rentable, privée, qui est rendue possible grâce à des investissements publics colossaux (en particulier un réseau routier).
Son profit s'appuie aussi (c'est un classique) sur une mise en coupe réglée du secteur agricole, avec des conséquences sociales et écologiques dramatiques: obésité généralisée, misère paysane, pollution massive, perte de diversité des espèces, esclavagisation des immigrés latinos...

2. Aux Etats-Unis, cette industrie a pour but le profit et ne recule devant rien pour y arriver. Toutes les manipulations et formes de corruption sont permises. Il raconte des histoires révoltantes et effrayantes sur des lois de protection des travailleurs vidées de leur substance, des arrangements avec les droits de l'homme, l'hygiène et la santé publique. J'aimerais trouver un livre aussi bien fait sur l'industrie agro-alimentaires européenne, qui n'est pas en reste sur le sujet, même si on n'a pas atteint les sommets américains (il se réfère souvent aux normes européennes, beaucoup plus strictes en la matière).
Il parle bien sûr de la publicité et du matraquage en direction des enfants. Car plus on nous programme tôt, mieux on obéit, c'est connu. La suède a interdit la publicité en direction des enfants, il est tant qu'on sy mette ici aussi.

3. Le pire est pour chacun de nous, à notre petit niveau: il montre comment les produits issus de cette industrie sont non seulement très mauvais pour notre santé (ce n'est pas un scoop et je en vais pas rentrer dans les détails), mais aussi comment elle fait de nous des drogués de la malbouffe et surtout comment on trompe nos sens en les abrutissant de signaux visuels et olfactifs ne correspondant à aucune réalité tangible. Nos steacks de hamburger sont parfumés au steack grillé (ils sont en fait un ramassis de déchets de boucherie, de graisses ajoutées et de produits additionnels pour lui garder sa fraîcheur et sa consistance), nos frites le sont encore plus (pommes de terres mutantes, restructurées avec des produits chimiques pour leur maintenir goûts, aspect et croquant constants, extrait de boeuf et huiles trans), et la plupart des produits utilisés sont là pour nous donner l'illusion de leur consommation.
En gros, on croit consommer quelque chose qui n'est pas là. Et c'est ça le pire. A côté, les sucres synthétiques cancérigènes, c'est pour rire.

Bref, un livre vraiment conseillé si votre souhait de boycott de l'industrie de la malbouffe s'effrite doucement, attaquée par des odeurs de viande saisie à point et des images géantes de tomates juteuses et sucrées... Un livre pour effrayer les enfants et aider les parents à ralentir leur programmation par l'industrie, si c'est encore possible. On m'a dit qu'une version française existait, pour les fénéants.