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dimanche 28 octobre 2007

Disparition par non-reproduction



On me donne souvent des explication culturalistes pour expliquer la montée spectaculaire de la xénophobie aux Pays-Bas. Je pense que la "culture" (je ne parle pas d'art, mais de façon de percevoir, de concevoir et d'exprimer la réalité) n'est pas un explication en général, mais plutôt un symptôme. Ce n'est pas la "culture néerlandaise" qui explique la xénophobie: la xénophobie qui parcourt la culture néerlandaise est plutôt le reflet d'autre chose. Mais de quoi?
Une des théories qu'on a développée un peu pour rire avec Lewis (mais qui semble parfois faire sens) est que les Néerlandais sont en phase de réaction xénophobe parce qu'ils sentent qu'ils sont en danger. Physiquement. Et ils le sont: la population totale des Pays-Bas baisse chaque année de la taille d'une bonne ville moyenne, et jamais le nombre de naissances pour 1000 habitants (11,7) n'a été aussi bas. Tous les bébés que l'on voit dans le quartier, avec ces parents en peu gros mais si fiers avec leurs landeaux supertechno (la fameuse Straight Pride™), ne doivent donc pas faire illusion.
Pire encore, les taux de fécondité pour les femmes néerlandaises autochtones (femmes nées aux Pays-Bas métropolitains et dont les deux parents y sont aussi nés) sont aussi au plus bas: sur les 170.000 bébés nés en 2005, 33.000 sont le fait de femmes allochtones non-occidentales (turques, marocaines, surinamiennes, antillaises...), et 10.000 de femmes allochtones occidentales (italiennes, allemandes, françaises, américaines...), soit un bébé sur quatre! Alors que les allochtones (comptés très largement, donc) forment moins de 20% de la population et que la moitié d'entre eux n'est pas encore en âge de procréer. D'après les projections du CBS (Bureau central des statistiques), les allochtones seront 40% d'ici vingt ans. Non pas parce qu'ils font plein de bébés: leurs taux de fertilité sont plutôt dans la moyennes européenne, mais bien parce que les autochtones ne font pas/plus d'enfants.

Je ne vais pas raconter les mêmes histoires encore une fois, mais il est temps de changer les habitudes ici: introduire le travail des femmes avec sérieux et respect, les aider au quotidien (mettre en place des cantines, des crèches moins chères et ouvertes plus longtemps, des services de garderie abordables, mettre en place des "études" à l'école et retarder l'heure de fin de l'école, développement de vraies écoles maternelles...), mais aussi arrêter de pénaliser via les impôts le conjoint (femme) qui travaille. Il faudra aussi changer les mentalités: une femme épanouie qui travaille (donc qui n'a pas seulement un boulot à temps partiel et mal payé), qui est aidée dans les tâches ménagères (aide professionnelle ou mari!) et dans l'éducation (rôle de l'école!) des enfants aura tendance à faire plus d'enfants, c'est les statistiques qui le montrent.
Franchement, vu les remarques agressives que je reçois quand j'aborde le sujet, venant surtout des femmes autochtones, je ne pense pas que les Pays-Bas soient prêts pour changer leurs habitudes. Mais alors pas du tout.
Je ne parle même pas du rôle essentiel de l'école (maternelle et primaire) pour l'intégration entre enfants allochtones et autochtones. On est au niveau zéro, rien n'a été commencé, même de très loin. Autant dire que les générations tolérantes et aveugles aux origines ne sont pas encore nées, ou en tous cas pas encore scolarisées. Bref, c'est vraiment pas gagné.
Les Néerlandais vont donc faire moins de bébés, et un de ces jours se retrouver en minorité dans leur propre pays. Autant dire que la xénophobie que nous voyons croître de façon spectaculaire ces dernières années n'a pas encore atteint son sommet historique. Je ne sais pas si Verdonk et Wilders survivront longtemps la politique haguenoise, mais je suis sûr que leurs idées ont encore de beaux jours devant elles, rien que pour les raisons que je viens de vous exposer.
Il faudrait demander à Emmanuel Todd ce qu'il en pense, lui qui adore fonder ses prédictions sur des chiffres bien tangibles, comme les taux de natalité et les taux de participation des femmes au marché du travail. Lewis se demande s'il a vraiment envie de vieillir dans un tel pays. Je lui remonte le moral en lui rappelant que, comme c'est parti, il y aura assez de jeunes allochtones pour être gentil avec lui et l'aider avec son rolator et son jeune chien (un labrador chocolat, of course), Martin, sixième du nom...