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mercredi 12 avril 2006

Stratégies de long terme

Ce soir, c'est le premier conseil municipal officiel pour mes collègues élus à Amsterdam Oud-Zuid et moi-même. C'est ce soir qu'on élit officiellement le bourgmestre (+/- maire) et les 4 échevins (+/- conseillers municipaux; a priori, 2 travaillistes et 2 verts). Les portefeuilles sont déjà partagés pour les échevins, mais au sein de la fraction du parti travailliste, les jeux sont encore ouverts, puisque c'est seulement dans une dizaine de jour, lors du ouiquenne de travail, que chacun va expliquer ce à quoi il/elle compte s'intéresser, et comment.
En ce qui me concerne, un sujet m'intéresse énormément, c'est les entreprises. Cela peut paraître bizarre vu que ma spécialité est l'émancipation des minorités. En fait, je vous rappelle que j'ai étudié l'économie à science po et que mes résultats étaient tels qu'on m'avait proposé de m'orienter vers la section économie et finances. A l'époque je pensais devenir haut fonctionnaire et avais opté pour la section service public, où on nous a abreuvé de sociologie et de droit (public, européen, international... beurk à l'époque, depuis je suis heureux d'avoir des bases juridiques). Plus tard, à l'Université d'Utrecht, on m'a demandé d'enseigner l'économie, et à ma grande surprise j'ai adoré, et les élèves aussi.
En fait, si on y regarde bien, les entreprises sont le deuxième lieu de sociabilité des adultes et surtout des jeunes adultes après la famille (pour ceux qui en ont une). C'est l'endroit où le lien social se crée, et où la tolérance est jour après jour mise à l'épreuve. Par ailleurs, ce sont les entreprises (surtout petites et moyennes dans le quartier) qui créent de la richesse et animent les rues du quartier. Par uniquement ce qu'on appelle ici le "horeca" (les restaurateurs), mais aussi les entreprises technologiques, culturelles ou de service, voire de production (constructeurs de vélos par exemple).
Par ailleurs, le parti travailliste a besoin de se profiler vis-à-vis des entreprises, surtout maintenant que le parti libéral (VVD) est dans l'opposition. Voilà les thèmes qui me semblent importants:

1°) économiquement la gauche ne diffère pas énormément de la droite quant aux mesures. Par contre, par le fait qu'elle promeut une atmosphère sociale apaisée et une bonne ambiance générale, l'économie a toujours profité, historiquement, de la "gauche" au pouvoir (pensez Blair, Jospin, Clinton, Kok...). En promouvant une société apaisée et une cohésion sociale plus poussée, nous pouvons nous assurer que l'atmosphère est bonne pour les entreprises et que la consommation dans le quartier repart à la hausse. La confiance, c'ets le principal moteur de l'économie.

2°) les règles municipales semblent opaques et compliquées à beaucoup de petites entreprises. C'est à nous de simplifier ce qui peut l'être, et d'aider les entrepreneurs dans leurs démarches pour que les problèmes administratifs ou réglementaires n'interfèrent par trop. Respecter les règles si elles sont juste, oui, harceler les entrepreneur avec des mesures absurdes, non. Il faut un endroit unique, avec un interlocuteur fiable et unique, pour que les entrepreneurs puissent résoudre leurs tracas. Par exemple une "spreekuur" (permanence) avec l'échevin concerné, un élu qui s'y connait et un représentant de la ville d'Amsterdam: au moins on sait à qui parler, et qui est l'interlocuteur qui aide à résoudre les problèmes.

3°) quand on regarde la composition sociale du quartier, ont rouve beaucoup d'entrepreneurs d'origines diverses ne maîtrisant pas toujours les subtilités du droit fiscal hollandais ou les normes techniques municipales. Beaucoup renoncent à se lancer dans de belles aventures économiques à cause d'un manque de connaissance (j'en connais!). C'est peut-être à l'arrondissement d'organiser un bureau où les créateurs et entrepreneurs peuvent obtenir de l'aide, éventuellement en anglais, français ou allemand...

4°) enfin, si l'arrondissement fait de son mieux pour les entreprises, les entreprises ne peuvent pas refuser de faire de leur mieux pour l'arrondissement: inclusion de tous, par les services ou l'emploi, jeunes et vieux, riches et pauvres, aloochtones et autochtones. Plutôt que de forcer les entreprises à embaucher les jeunes qui sont exclus, je fais le pari (naïf?) que l'augmentation du nombre d'entrepreneur d'origines diverses fera automatiquement augmenter le nombre de stages et d'emploi ouverts aux minorités. Car, enfin, soyons francs: un entrepreneur qui exerce dans un quartier aussi mélangé ne peut pas se premettre de ne pas diversifier son personnel.

Bon, on va voir si le parti me laisse la possibilité de réaliser (de façon collective, c'est évident, avec l'aide des autres partis, même le VVD) un tel programme. Il va falloir convaincre mes collègues du bienfondé de ce projet, et, qui sait, peut-être qu'Oud-Zuid deviendra un modèle pour le reste du pays...