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mardi 14 décembre 2004

Ramadâneries ou pas?°

Ce ouiquenne, je suis tombé sur un débat entre Tariq Ramadan et son plus vif opposant, dont j'ai oublié le nom (pas Caroline F., mais l'autre, le mec), sur la télévision suisse (via TV5). Même après l'avoir interviewé et lu quelques uns de ses livres, je ne savais toujours pas quoi penser à son propos. Malgré le mini-drame qui m'a opposé à Caroline F., j'ai toujours eu un a priori favorable pour cette dernière, donc, en toute logique communautaire (ah ah ah!) contre Ramadan.
Il m'avait fortement impressionné en interview par sa maîtrise et son charisme, mais justement c'est à cause de cela que je m'en méfiais.

Et bien ce débat a clarifié les choses. Oui Ramadan est un leader musulman, oui Ramadna ne parle pas la même langue aux Musulmans et aux autres. Oui Ramadan essaye de creuser une place en Europe pour les musulmans qui ne passe pas nécessairement par l'abandon de la foi.
Mais justement, ce n'est pas là qu'il faut s'arrêter. Comme l'a très bien raconté une collègue d'université du Ramadan en question, il s'efforce d'utiliser les catégories mentales et le vocabulaire des musulmans pour les ammener à s'européaniser, sans leur imposer un discours laïc républicain qu'ils sont incapables de comprendre. Qui d'autre peut se targuer de le faire?

Par ailleurs, il avait demandé un moratoire des lapidations et des amputations préconisées par le Coran, et on lui a beaucoup reproché de ne pas demander une interdiction. Il a bien expliqué qu'une interdiction aurait été vue par les plus conservateurs comme un reniement du Coran et n'aurait pas été considéré. Il a pointé avec raison que quand Chirac demande un moratoire sur la peine de mort il est un héros, mais quand Ramadan demande un moratoire sur les lapidations, le temps qu'on s'habitue à leur absence, c'est un salaud.

Enfin, ce qui m'a le plus choqué, c'est la virulence presque infantile de son opposant, qui citait des passages tronqués, bidouillait les faits ou faisait des procès d'intention alors que Ramadan, qui apparement avait bien eu le temps d'affûter ses arguments, était irréprochables.
Car Ramadan n'est peut-être pas sincèrement républicain et laïc, mais il a l'honnêteté de dire que la laïcité est un opportunité à saisir, que la liberté occidentale est non pas un facteur de stress mais un environnement dans lequel on peut développer sa foi en toute liberté, et en toute modernité.
Je ne suis pas croyant et je ne partage pas les valeurs religieuses de Tariq Ramadan, mais en tant que démocrate je lui suis reconnaissant d'illustrer la beauté de la laïcité sincère et de la liberté occidentale à travers ses efforts pour occidentaliser l'Islam tout en lui gardant ses valeurs essentielles.

Je me trompe peut-être lourdement, mais les opposants de Ramadan se sont plutôt illustrés par leur ridicule que leurs arguments efficaces. Non?

A lire: http://www.minorites.org/article.php?IDA=5754
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Remarque de Mehmet: "Il s'agissait Lionel Favrot (auteur de «Tariq Ramadan dévoilé. Enquête sur ce prêcheur islamiste qui sévit dans les banlieues», Editions LyonMag [pour info : Ramadan a eu un procès contre LyonMag où un certain M. Sifaoui est venu temoigner contre T. Ramadan])."

Remarque de PYL: "Ce que je trouve inquiétant, c'est la complaisance avec laquelle les détracteurs de Ramadan sont invités sur tous les plateaux radio et télé par des animateurs laïcistes haineux. Comment se fait-il que des médias de service public se permettent de cautionner en toute impunité des imprécations islamophobes sur antenne ? Parce que l'islamophobie et le cantonnement de l'islam dans le rôle de religion des banlieues et des populations ex-coloniales font partie intégrante de l'idéologie d'Etat en France. Et comme il fallait forcer le nègre des colonies à ne plus se promener à poil et à cesser de bouffer ses semblables, pour l'intégrer à la Civilisation, il faut forcer le bougnoule des banlieues à se raser la barbe, à enlever le foulard de sa femme, de sa fille ou de sa soeur, de à bouffer du saucisson et à boire du pinard, comme tout Vrai Français, bref à s'Intégrer. Dans ce contexte, évidemment, la figure d'un Ramadan apparaît comme tout simplement diabolique, et même carrément benladenesque. Un homme à abattre donc, par tous les moyens, et de préférence en tapant sur le clou tous les jours."