Hier j'ai parlé d'é- et immigration avec mon ami Rachid Jamari (ancien élu travailliste à Amsterdam-ville). Il a une proposition un peu étrange mais qui fait sens. Selon lui, il faut être honnête avec les candidats immigrés et leur dire que l'intégration est un processus difficile et long. Selon lui, il vaut mieux que les candidats aient au moins niveau bac (études jusqu'à 18 ans) pour avoir le bagage nécessaire pour prendre sa vie en main: apprendre une langue, apprendre un métier, être capable de s'adapter et de décider de son destin. Si vous aimez votre femme encore au bled, il vaut mieux s'assurer qu'elle arrive au moins au niveau bac avant de la faire venir, sans quoi son intégration sera un échec et l'ambiance familiale s'en ressentira.
Bien sûr on va hurler que c'est de la discrimination. Sa démarche n'est pas une démarche de droit, mais d'expérience (il s'occupe de l'intégration des immigrés sur le marché du travail, je crois qu'il sait de quoi il parle).
Cela dit, il trouve, lui aussi, les examens mis en place par Verdonk complètement ridicules. Imposer de savoir des choses sur la Hollande (le contenu du programme des examens est d'ailleurs très douteux), ce n'est pas la même chose que les comprendre et les accepter.
Je viens de lire un article très intéressant dans le Courrier international sur l'état des discussion sur l'intégration en scandinavie. Il semble que les Pays-Bas aient opté pour le modèle danois ou norvégien (plutôt que suédois, qui marche mieux) sans bien en mesurer les conséquences politiques et sociales. Je pense que les Pays-Bas sont dans une option suicidaire, pour la simple raison qu'économiquement, socialement et culturellement, les Pays-Bas ont besoin non seulement d'intégrer leurs immigrés dans l'harmonie (et non le conflit), mais aussi d'importer des nouveaux habitants pour lutter contre le dépeuplement.
Ce sera sans doute le thème du débat des Nieuwe Amsterdammers de juin, préparez-vous!
jeudi 27 avril 2006
mardi 25 avril 2006
Scénarii pour l'Europe
Le premier débat public que je compte organiser avec les NieuweAmsterdammers (Babozor est en train de nous fabriquer un site ouèbe interactif über-pro) portera sur les scenarii pour l'Europe après les référendums français et néerlandais. A vue de pif, cela devrait avoir lieu le vendredi 19 mai (plus de détails bientôt).
Cet aprème j'ai papoté avec Albano Cordeiro, des Verts français (qui vit en partie à Amsterdam avec sa femme néerlandaise). Son scénario, auquel je ne suis pas loin d'adhérer, est qu'il faut un marché européen large (incluant la Russie, le Maroc, Le Royaume-Uni, voire même, pourquoi pas "les Philippines") reposant sur des accords multilatéraux, mais aussi une structure moins large mais plus dense, une Union Politique s'appuyant sur les 6 pays fondateurs (pour les ignares: Benelux, Italie, Allemagne et France) plus l'Espagne et le Portugal, partageant les mêmes rêves européens, dépassant de loin un seul marché commun, limite évidente du rêve anglosaxon. Libre ensuite à d'autres pays de s'y associer ou pas. La Pologne quand elle pense qu'elle est prête, l'Autriche et la Turquie pourquoi pas.
Cependant, ce scénario ne serait pas complet sans un volet politique et technique: il faut une Union ultra-démocratique, basée sur la participation des citoyens. C'est peut-être là que ça va être le plus difficile. J'ai mes idées sur la question, mais j'y reviendrai plus tard.
Cet aprème j'ai papoté avec Albano Cordeiro, des Verts français (qui vit en partie à Amsterdam avec sa femme néerlandaise). Son scénario, auquel je ne suis pas loin d'adhérer, est qu'il faut un marché européen large (incluant la Russie, le Maroc, Le Royaume-Uni, voire même, pourquoi pas "les Philippines") reposant sur des accords multilatéraux, mais aussi une structure moins large mais plus dense, une Union Politique s'appuyant sur les 6 pays fondateurs (pour les ignares: Benelux, Italie, Allemagne et France) plus l'Espagne et le Portugal, partageant les mêmes rêves européens, dépassant de loin un seul marché commun, limite évidente du rêve anglosaxon. Libre ensuite à d'autres pays de s'y associer ou pas. La Pologne quand elle pense qu'elle est prête, l'Autriche et la Turquie pourquoi pas.
Cependant, ce scénario ne serait pas complet sans un volet politique et technique: il faut une Union ultra-démocratique, basée sur la participation des citoyens. C'est peut-être là que ça va être le plus difficile. J'ai mes idées sur la question, mais j'y reviendrai plus tard.
La construction européenne dérape?
Le discours sur l'Europe aux Pays-Bas est incroyable: il n'existe tout simplement pas. les élites politiques semblent terrorisées par ce débat, après un "Nee" aussi massif l'année dernière. Et voilà que l'EBN doit fermer. Cela ne fait que renforcer ma détermination à recréer un débat, probablement avec l'aide des NieuweAmsterdammers. Plus de niouzes très bientôt...
Mouvement européen des Pays-Bas
"Le Mouvement européen des Pays-Bas (EBN) cessera d’exister le 1er juin", annonce le Volkskrant (p.3) dans une brève. "Cette organisation, qui a fait la promotion de la coopération européenne pendant presque soixante ans, ne reçoit plus de subvention du ministère des Affaires étrangères. Le président de l’EBN, Van Eekelen, impute ce fait à ’l’atmosphère anti-européenne aux Pays-Bas’."
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7165
Mouvement européen des Pays-Bas
"Le Mouvement européen des Pays-Bas (EBN) cessera d’exister le 1er juin", annonce le Volkskrant (p.3) dans une brève. "Cette organisation, qui a fait la promotion de la coopération européenne pendant presque soixante ans, ne reçoit plus de subvention du ministère des Affaires étrangères. Le président de l’EBN, Van Eekelen, impute ce fait à ’l’atmosphère anti-européenne aux Pays-Bas’."
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7165
lundi 24 avril 2006
Le pire est toujours possible
J'avoue que les sièges attribués au VVD (libéraux) aux prochaines élections législatives si Rita Verdonk est tête de liste m'intrigue. Apparemment il y a de la place aux Pays-Bas pour un Front national avec 15 ou 20%, comme partout ailleurs en Europe. Mais est-ce bien souhaitable que ce FN local soit implanté au sein même du parti libéral et puisse gouverner avec l'appui des centristes?
La classe politique néerlandaise commence à paniquer, et à raison. Le problème du moment n'est pas Wilders ou le SP, c'est bien Verdonk. Il est temps que les leaders des autres partis fassent connaître leurs préférences, au moins pour indiquer à leurs électeurs quelles sont leurs limites: Wouter Bos est-il prêt à monter un gouvernement avec Verdonk? Et les nouveaux membres du CDA? Et GroenLinks?
En ce qui me concerne, c'est absolument hors de question! Cette femme insulte quotidiennement mes principes moraux les plus élémentaires: respect des autres, égalité entre tous, non-discrimination, laïcité, respect du parlement. Je ne voterai pas pour quelqu'un qui est prêt à s'allier avec elle. On en pactise pas avec le diable. Le D66 l'a appris récemment.
Ce matin, le Trouw (pp.1 et 5) note que la ChristenUnie "craint le pire" si Rita Verdonk dirige le VVD. "Le cap que Verdonk envisage de suivre est très difficile à accepter pour nous", cite le journal chrétien progressiste. "Avec Rutte, un social-libéral plus classique, la ChristenUnie s’entendra mieux", selon l’ancien leader politique du GPV, Gert Schutte. Les petits partis protestants RPF et GPV ont formé la ChristenUnie en 2000. Le leader du nouveau parti, André Rouvoet, déclare aussi "retenir son souffle". Il craint que le CDA ne prenne un virage à droite pour éviter de perdre des suffrages si Verdonk devient tête de liste. L’excellent résultat de la ChristenUnie aux élections municipales lui inspire confiance dans la perspective des législatives de 2007. Rouvoet escompte au moins cinq sièges (contre trois actuellement), ce qui lui permettrait de s’associer à une coalition gouvernementale.Le même Trouw, à la une, souligne que le député PvdA Jeroen Dijsselbloem divulgue sciemment des éléments d’un rapport confidentiel sur la disparition de demandeurs d’asile mineurs dans les centres d’accueil. "Il le fait parce qu’il y a une grande différence entre ce que dit le rapport et les informations publiques que Verdonk fournit sur cette affaire. Le PvdA envisage de déposer une motion de censure contre la ministre VVD, pour avoir mal informé la Deuxième Chambre.
"S’agissant du sort de certains jeunes disparus, le rapport du Service d’immigration et de naturalisation (IND) parle de prostitution en Angleterre, alors que la ministre a écrit à la Deuxième Chambre qu’ils travaillent dans l’horticulture.
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7156
La classe politique néerlandaise commence à paniquer, et à raison. Le problème du moment n'est pas Wilders ou le SP, c'est bien Verdonk. Il est temps que les leaders des autres partis fassent connaître leurs préférences, au moins pour indiquer à leurs électeurs quelles sont leurs limites: Wouter Bos est-il prêt à monter un gouvernement avec Verdonk? Et les nouveaux membres du CDA? Et GroenLinks?
En ce qui me concerne, c'est absolument hors de question! Cette femme insulte quotidiennement mes principes moraux les plus élémentaires: respect des autres, égalité entre tous, non-discrimination, laïcité, respect du parlement. Je ne voterai pas pour quelqu'un qui est prêt à s'allier avec elle. On en pactise pas avec le diable. Le D66 l'a appris récemment.
Ce matin, le Trouw (pp.1 et 5) note que la ChristenUnie "craint le pire" si Rita Verdonk dirige le VVD. "Le cap que Verdonk envisage de suivre est très difficile à accepter pour nous", cite le journal chrétien progressiste. "Avec Rutte, un social-libéral plus classique, la ChristenUnie s’entendra mieux", selon l’ancien leader politique du GPV, Gert Schutte. Les petits partis protestants RPF et GPV ont formé la ChristenUnie en 2000. Le leader du nouveau parti, André Rouvoet, déclare aussi "retenir son souffle". Il craint que le CDA ne prenne un virage à droite pour éviter de perdre des suffrages si Verdonk devient tête de liste. L’excellent résultat de la ChristenUnie aux élections municipales lui inspire confiance dans la perspective des législatives de 2007. Rouvoet escompte au moins cinq sièges (contre trois actuellement), ce qui lui permettrait de s’associer à une coalition gouvernementale.Le même Trouw, à la une, souligne que le député PvdA Jeroen Dijsselbloem divulgue sciemment des éléments d’un rapport confidentiel sur la disparition de demandeurs d’asile mineurs dans les centres d’accueil. "Il le fait parce qu’il y a une grande différence entre ce que dit le rapport et les informations publiques que Verdonk fournit sur cette affaire. Le PvdA envisage de déposer une motion de censure contre la ministre VVD, pour avoir mal informé la Deuxième Chambre.
"S’agissant du sort de certains jeunes disparus, le rapport du Service d’immigration et de naturalisation (IND) parle de prostitution en Angleterre, alors que la ministre a écrit à la Deuxième Chambre qu’ils travaillent dans l’horticulture.
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7156
Vendre son âme au diable
Le D66 a vendu son âme au diable en acceptant de faire partie de la coalition actuelle. Le parti de centre-gauche se retrouve à soutenir une politique de droite dure (voire d'extrême-droite quand on regarde l'action de Verdonk), alors qu'aucune de ses obsessions politiques (surtout en matière de démocratie) n'ont pu être réalisées. Les électeurs ne sont pas idiots et on lourdement sanctionné le D66 aux municipales, et ne manqueront pas de le faire aux législatives l'année prochaine.
La leçon? Toujours indiquer aux électeurs où se situent les limites de l'acceptable, et se retirer de la coalition si ces limites ne sont pas respectées. Le D66 ne voulait pas que l'armée néerlandaise aille se fourvoyer en Afghanistan, avec raison selon moi, et finalement la coalition continue comme si de rien n'était. Franchement, j'aurais tellement honte si j'étais D66! C'est dommage, car il y a des gens de valeur.
"Dans un cinéma d’Ede, les premiers contours d’une révolte au sein du D66 sont apparus samedi", écrit Theo Koelé à la une du Volkskrant. "Lousewies van der Laan avait décrit le résultat désastreux des élections municipales en termes très corrects : ’franchement mauvais’. Mais c’est beaucoup plus grave. ’Le D66 est dans la mouise’, selon l’expression de Martin Lensink, de Gueldre." "’On peut parler de révolte, ce qui est unique dans l’histoire de notre sage parti’, déclare Marcel van Dalen, conseiller municipal à Ede. Il lit une déclaration dévastatrice au nom d’une vingtaine de ’membres actifs du D66’. Le groupe parlementaire ’opère faiblement et avec amateurisme et sans aucune intégrité vis-à-vis des électeurs’. Aucun des députés ’erratiques’ actuels n’est à sa place sur la liste des candidats aux élections de 2007. Van Dalen en a aussi ’assez de la participation au gouvernement’."
"La salle est choquée. ’Vous tirez presque la conclusion qu’il faut dissoudre le D66 !’ Mais il y a aussi des réactions approbatrices. ’Lousewies qualifie le parti d’indispensable. Pourquoi donc ? Nous sommes incroyablement flous.’ Un autre : ’Que faisons-nous encore dans un gouvernement avec Verdonk ?’"
"Au congrès national du parti, en mai, une motion de censure contre Van der Laan sera déposée."
http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7156
La leçon? Toujours indiquer aux électeurs où se situent les limites de l'acceptable, et se retirer de la coalition si ces limites ne sont pas respectées. Le D66 ne voulait pas que l'armée néerlandaise aille se fourvoyer en Afghanistan, avec raison selon moi, et finalement la coalition continue comme si de rien n'était. Franchement, j'aurais tellement honte si j'étais D66! C'est dommage, car il y a des gens de valeur.
"Dans un cinéma d’Ede, les premiers contours d’une révolte au sein du D66 sont apparus samedi", écrit Theo Koelé à la une du Volkskrant. "Lousewies van der Laan avait décrit le résultat désastreux des élections municipales en termes très corrects : ’franchement mauvais’. Mais c’est beaucoup plus grave. ’Le D66 est dans la mouise’, selon l’expression de Martin Lensink, de Gueldre." "’On peut parler de révolte, ce qui est unique dans l’histoire de notre sage parti’, déclare Marcel van Dalen, conseiller municipal à Ede. Il lit une déclaration dévastatrice au nom d’une vingtaine de ’membres actifs du D66’. Le groupe parlementaire ’opère faiblement et avec amateurisme et sans aucune intégrité vis-à-vis des électeurs’. Aucun des députés ’erratiques’ actuels n’est à sa place sur la liste des candidats aux élections de 2007. Van Dalen en a aussi ’assez de la participation au gouvernement’."
"La salle est choquée. ’Vous tirez presque la conclusion qu’il faut dissoudre le D66 !’ Mais il y a aussi des réactions approbatrices. ’Lousewies qualifie le parti d’indispensable. Pourquoi donc ? Nous sommes incroyablement flous.’ Un autre : ’Que faisons-nous encore dans un gouvernement avec Verdonk ?’"
"Au congrès national du parti, en mai, une motion de censure contre Van der Laan sera déposée."
http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7156
Economie et politique
Ce ouiquenne, je suis parti avec mes camarades de parti à la mer, à Bergen aan Zee, pour discuter pouvoir, relations et personnalités. J'ai fait la connaissance de personnages vraiment intéressants, et à ma grande surprise, il n'y a aucun connard ou connasse. C'est très rare dans un groupe aussi large (14 personnes). Je m'imagine même devenir ami (au sens réel du terme) avec certains, c'est dire!
En plus d'avoir fait un peu connaissance, nous nous sommes répartis les tâches. Là encore, à ma grande surprise (j'avais entendu des histoires horribles de guéguerres intestines et de haines viscérales), cela s'est très bien passé. Tout le monde a eu ce qui l'intéressait.
J'ai volontairement renoncé à l'intégration et choisi l'économie pour plusieurs raisons:
1°) je suis loin d'avoir le recul nécessaire sur le sujet, et j'ai peur de ne pas bien mesurer les conséquences politiques de mes actes si je m'emporte. Je ne veux pas devenir l'ayatollah de l'intégration
2°) entre expertise et maîtrise politique, il y a un pas qu'il vaut mieux ne pas franchir. Les meilleurs médecins ne font pas les meilleurs ministres de la santé (oh non!), les meilleurs directeurs de musée ne font pas les meilleurs ministres de la culture, loin de là!
3°) je pense que, vu le contexte délicat, c'est un mauvaise idée qu'un Français (néerlandisé, certes, mais Français tout de même) donne des leçons d'intégration aux Néerlandais. Même si j'ai beaucoup de connaissances, ce n'est pas le moyen le plus évident d'arriver à ses fins!
J'ai donc eu l'économie, avec Tirza et Bea. Je m'occupe principalement des PME (MBK en néerlandais) et j'en suis ravi. J'ai par ailleurs parlé à d'autres, et je crois que nous avons de passionnants projets sur le feu. D'autres sujets m'intéressent (culture, urbanisme) et je vais suivre ce qui s'y passe avec beaucoup d'intérêt, mais ce n'est pas moi qui serai le porte-parole du parti sur le sujet.
En ce qui concerne la transparence au sein de la fraction et de la commission économie et finances, la limite qui m'a été posée par la fraction est que je peux parler de ce que je veux, sauf des projets et des discussions qui n'ont pas été votés par la fraction. Je comprends parfaitement: chacun doit avoir la liberté de discuter et s'exprimer dans la fraction sans avoir peur que ses déclarations finissent sur le net. Mon projet de transparence commencera donc dès l'instant où les textes, idées et motions seront accessibles au public.
Curieux? Oui, moi aussi! Et très excité: tellement de choses fascinantes à entreprendre!
En plus d'avoir fait un peu connaissance, nous nous sommes répartis les tâches. Là encore, à ma grande surprise (j'avais entendu des histoires horribles de guéguerres intestines et de haines viscérales), cela s'est très bien passé. Tout le monde a eu ce qui l'intéressait.
J'ai volontairement renoncé à l'intégration et choisi l'économie pour plusieurs raisons:
1°) je suis loin d'avoir le recul nécessaire sur le sujet, et j'ai peur de ne pas bien mesurer les conséquences politiques de mes actes si je m'emporte. Je ne veux pas devenir l'ayatollah de l'intégration
2°) entre expertise et maîtrise politique, il y a un pas qu'il vaut mieux ne pas franchir. Les meilleurs médecins ne font pas les meilleurs ministres de la santé (oh non!), les meilleurs directeurs de musée ne font pas les meilleurs ministres de la culture, loin de là!
3°) je pense que, vu le contexte délicat, c'est un mauvaise idée qu'un Français (néerlandisé, certes, mais Français tout de même) donne des leçons d'intégration aux Néerlandais. Même si j'ai beaucoup de connaissances, ce n'est pas le moyen le plus évident d'arriver à ses fins!
J'ai donc eu l'économie, avec Tirza et Bea. Je m'occupe principalement des PME (MBK en néerlandais) et j'en suis ravi. J'ai par ailleurs parlé à d'autres, et je crois que nous avons de passionnants projets sur le feu. D'autres sujets m'intéressent (culture, urbanisme) et je vais suivre ce qui s'y passe avec beaucoup d'intérêt, mais ce n'est pas moi qui serai le porte-parole du parti sur le sujet.
En ce qui concerne la transparence au sein de la fraction et de la commission économie et finances, la limite qui m'a été posée par la fraction est que je peux parler de ce que je veux, sauf des projets et des discussions qui n'ont pas été votés par la fraction. Je comprends parfaitement: chacun doit avoir la liberté de discuter et s'exprimer dans la fraction sans avoir peur que ses déclarations finissent sur le net. Mon projet de transparence commencera donc dès l'instant où les textes, idées et motions seront accessibles au public.
Curieux? Oui, moi aussi! Et très excité: tellement de choses fascinantes à entreprendre!
Discussions stratégiques au MF
J'étais invité hier matin à aller parler au Marxisme Festival des émeutes en France et du mouvement étudiant. C'était vraiment très bien, on a beaucoup parlé de stratégies politiques avec ma grande copine Miriyan Aouragh, mais aussi Karwan et Maina, des Internationale Socialisten. Ils sont révolutionnaires, je ne le suis pas, mais on partage pas mal d'analyses. Ils se revendiquent marxistes, quant à moi j'admets que le cadre d'analyse posé par Marx est encore pertinent, mais je me refuse à m'appeler quoi que ce soit (même si la presse néerlandaise de droite me voit déjà comme un néo-marxiste dogmatique).
La discussion la plus importante a porté sur la nature de l'action politique nécessaire à changer le monde. Miriyam adore la lutte radicale, en dehors du système politique. Elle a raison: une société civile forte et structurée est la base de la démocratie. Je pense cependant que la participation politique est essentielle pour plusieurs raisons: empêcher les gens au pouvoir de commettre trop de bêtises, profiter du statut spécial qu'offre le pouvoir politique (accès à la presse, à l'argent, au pouvoir), mais surtout profiter de la légitimité qu'offre les élections.
De toutes façons l'un n'empêche pas l'autre, au contraire: une présence politique est d'autant plus forte et légitimie qu'elle s'appuie sur une société civile politiquement consciente et active.
La discussion la plus importante a porté sur la nature de l'action politique nécessaire à changer le monde. Miriyam adore la lutte radicale, en dehors du système politique. Elle a raison: une société civile forte et structurée est la base de la démocratie. Je pense cependant que la participation politique est essentielle pour plusieurs raisons: empêcher les gens au pouvoir de commettre trop de bêtises, profiter du statut spécial qu'offre le pouvoir politique (accès à la presse, à l'argent, au pouvoir), mais surtout profiter de la légitimité qu'offre les élections.
De toutes façons l'un n'empêche pas l'autre, au contraire: une présence politique est d'autant plus forte et légitimie qu'elle s'appuie sur une société civile politiquement consciente et active.
jeudi 20 avril 2006
Cours de bonheur à l'école
Ah, enfin un cours utile!
Des leçons de bonheur à l'école
Le Figaro 18 avril 2006
« En se focalisant trop sur les matières académiques, on rate quelque chose de beaucoup plus important », le bonheur. C’est pourquoi, le proviseur de l’un des principaux collèges privés d’Angleterre a décidé d’introduire des cours pour inculquer aux élèves cette notion fondamentale.
Wellington College, dans le Berkshire, à l'ouest de Londres, l’un des principaux collèges privés anglais, va proposer à ses élèves des leçons de bonheur, afin de combattre les difficultés vécues par certains enfants dans une société de plus en plus matérielle et obsédée par la célébrité.
« Nos enfants doivent apprendre que si nos sociétés sont de plus en plus riches, elles ne sont pas de plus en plus heureuses, un fait régulièrement démontré par les recherches en sciences sociales », a insisté Anthony Seldon, le proviseur de ce collège : « La célébrité, l'argent et les possessions sont trop souvent les objectifs des adolescents et pourtant ce n'est pas là que réside le bonheur ».
Des cours dispensés par les professeurs d’éducation religieuse
Ces leçons de bien-être seront encadrées par un psychologue de l'université de Cambridge, dans le cadre d'un projet pilote qui démarrera à partir de l'année scolaire 2006-2007. Cette nouvelle matière occupera les élèves de 14 à 16 ans pendant une heure par semaine, et leur permettra d'apprendre à maîtriser leurs émotions, à surveiller leur santé physique et mentale, et à comprendre comment interagir avec les autres dans la vie de tous les jours. Les cours seront dispensés par les professeurs d'éducation religieuse, mais en parallèle aux cours de religion proprement dits.
Wellington Collège accueille 750 garçons âgés de 13 à 18 ans et 50 filles de 16 ans à 18 ans. Les frais scolaires sont de 6.132 livres (8.850 euros) par trimestre pour les demi-pensionnaires et 7.665 livres (11.600 euros) par trimestre pour les pensionnaires.
http://www.lefigaro.fr/people/20060418.WWW000000274_des_lecons_de_bonheur_a_lecole.html
Des leçons de bonheur à l'école
Le Figaro 18 avril 2006
« En se focalisant trop sur les matières académiques, on rate quelque chose de beaucoup plus important », le bonheur. C’est pourquoi, le proviseur de l’un des principaux collèges privés d’Angleterre a décidé d’introduire des cours pour inculquer aux élèves cette notion fondamentale.
Wellington College, dans le Berkshire, à l'ouest de Londres, l’un des principaux collèges privés anglais, va proposer à ses élèves des leçons de bonheur, afin de combattre les difficultés vécues par certains enfants dans une société de plus en plus matérielle et obsédée par la célébrité.
« Nos enfants doivent apprendre que si nos sociétés sont de plus en plus riches, elles ne sont pas de plus en plus heureuses, un fait régulièrement démontré par les recherches en sciences sociales », a insisté Anthony Seldon, le proviseur de ce collège : « La célébrité, l'argent et les possessions sont trop souvent les objectifs des adolescents et pourtant ce n'est pas là que réside le bonheur ».
Des cours dispensés par les professeurs d’éducation religieuse
Ces leçons de bien-être seront encadrées par un psychologue de l'université de Cambridge, dans le cadre d'un projet pilote qui démarrera à partir de l'année scolaire 2006-2007. Cette nouvelle matière occupera les élèves de 14 à 16 ans pendant une heure par semaine, et leur permettra d'apprendre à maîtriser leurs émotions, à surveiller leur santé physique et mentale, et à comprendre comment interagir avec les autres dans la vie de tous les jours. Les cours seront dispensés par les professeurs d'éducation religieuse, mais en parallèle aux cours de religion proprement dits.
Wellington Collège accueille 750 garçons âgés de 13 à 18 ans et 50 filles de 16 ans à 18 ans. Les frais scolaires sont de 6.132 livres (8.850 euros) par trimestre pour les demi-pensionnaires et 7.665 livres (11.600 euros) par trimestre pour les pensionnaires.
http://www.lefigaro.fr/people/20060418.WWW000000274_des_lecons_de_bonheur_a_lecole.html
Kathy rules
For those who love radio... there is Kathy Clugston! She's funny, witty, to the point, and a friend of mine! Go listen to her programs on http://kathyclugston.blogspot.com
Check especially the programs listed on the right side of the page!
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Baisse du pouvoir d'achat
Mon expérience de simple habitant d'Amsterdam est que la vie est devenur très chère et que, à part les riches, quasiment tous les gens que je connais ont du mal à boucler leur budget. Le fait que l'assurance santé a tellement augmenté (de 59 à 118 euros par mois, et retenus non pas sur le salaire brut, mais sur le net, ce qui revient aussi à une augmentation des sommes imposable, donc une augmenttation d'impôt de facto), que les autres assurances (obligatoires), les charges, l'énergie et les loyers ont augmenté, alors qu'en même temps il y a une pression à la baisse des salaires, une tendance générale des entreprises à recourir très rapidement (moins de 3 semaines parfois) aux huissiers, même pour des petites sommes (le dentiste, non remboursé, passe de 40 à 88 euros en 3 semaines en passant par un huissier), le coût explosif des communications (ligne KPN, internet, portable, roaming dès qu'on est à l'étranger, ce qui n'est pas difficile vu que le pays est si petit), tout cela pèse sur les budgets. En même temps, les ligne "facultatives" du budget familial (sorties, vêtements...) ont beaucoup augmenté. On évite le resto, et je connais des gens qui vont au resto ou au cinéma une fois par an au maximum, on y va mollo sur les fringues et les godasses... A côté, les administrations chargées de vous payer ou vous rembourser mettent de plus en plus de temps (une facture médicale de Lewis de plus de 200 euros a dû être payée en liquide début janvier et on attend toujours son remboursement).
Bref, quand Zalm nous dit que l'économie va bien et que les Pays-Bas sont plus riches, on veut bien le croire, mais on a dû mal à imaginer que ce soit une richesse partagée.
Pouvoir d’achat
"Un ménage sur cinq vivant d’une indemnité d’assistance sociale n’arrive pas à joindre les deux bouts", relève le Volkskrant à la une. "L’indemnité, les allocations familiales, la subvention locative et les subventions de la commune ne suffisent pas pour payer le loyer, la nourriture, les assurances, les transports et la télévision. C’est la conclusion à laquelle arrive le service des affaires sociales et de l’emploi de la commune de Rotterdam dans le rapport De waarde van de norm [la valeur de la norme]."
"Selon les auteurs, la vie est plus chère pour beaucoup de minima que ne l’ont calculé les responsables politiques. Les ménages sans enfants arrivent en général à s’en sortir, mais les familles manquent de ressources. Cette conclusion est conforme à une étude antérieure de l’Institut national d’information budgétaire (Nibud). Selon le Nibud, il manque 55 euros par mois aux minima ayant trois enfants scolarisés. Environ 111 000 ménages néerlandais sont dans ce cas."
"La lenteur et la nonchalance des autorités sont cause de problèmes financiers pour des dizaines de milliers de personnes", note le même journal en page 2, en se référant au rapport annuel du Médiateur National, Alex Brenninkmeijer. "La cause des problèmes est l’application précipitée des nouvelles lois sur la sécurité sociale et les soins, selon le Médiateur."
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7142
Bref, quand Zalm nous dit que l'économie va bien et que les Pays-Bas sont plus riches, on veut bien le croire, mais on a dû mal à imaginer que ce soit une richesse partagée.
Pouvoir d’achat
"Un ménage sur cinq vivant d’une indemnité d’assistance sociale n’arrive pas à joindre les deux bouts", relève le Volkskrant à la une. "L’indemnité, les allocations familiales, la subvention locative et les subventions de la commune ne suffisent pas pour payer le loyer, la nourriture, les assurances, les transports et la télévision. C’est la conclusion à laquelle arrive le service des affaires sociales et de l’emploi de la commune de Rotterdam dans le rapport De waarde van de norm [la valeur de la norme]."
"Selon les auteurs, la vie est plus chère pour beaucoup de minima que ne l’ont calculé les responsables politiques. Les ménages sans enfants arrivent en général à s’en sortir, mais les familles manquent de ressources. Cette conclusion est conforme à une étude antérieure de l’Institut national d’information budgétaire (Nibud). Selon le Nibud, il manque 55 euros par mois aux minima ayant trois enfants scolarisés. Environ 111 000 ménages néerlandais sont dans ce cas."
"La lenteur et la nonchalance des autorités sont cause de problèmes financiers pour des dizaines de milliers de personnes", note le même journal en page 2, en se référant au rapport annuel du Médiateur National, Alex Brenninkmeijer. "La cause des problèmes est l’application précipitée des nouvelles lois sur la sécurité sociale et les soins, selon le Médiateur."
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7142
Le sort des Juifs pendant la seconde guerre mondiale
Il est temps que les Néerlandais voient la vérité en face: ils sont grandement responsables (comme une partie des Français, surtout sous Vichy) de la déportation et du meurtre des Juifs. Alors que le débat a pu être recentré en France depuis les années 1990, ici tout le monde est persuadé que ce sont les méchants Allemands qui les ont tués et que tous les Néerlandais ont été des héros de la résistance. Pliiiize!
"L’historiographie de la persécution des juifs souffre d’une falsification", écrit le Volkskrant à la une. "Les juifs aussi bien que les non-juifs savaient déjà à un stade précoce de la Deuxième guerre mondiale que la mort attendait la population juive dans les camps de concentration. Leur négation de la réalité a été considérée comme fondée dans l’historiographie. Ies Vuijsje parle du ’mythe de l’ignorance’, mythe qu’il démonte dans son livre Tegen beter weten in [contre toute logique], qui paraît aujourd’hui. Les conclusions que Vuijsje en tire sont énormes. Si la population néerlandaise n’avait pas pratiqué la politique de l’autruche, la résistance à l’occupation allemande aurait été beaucoup plus vive et le nombre de survivants plus élevé."
"Vuijsje estime que ce sont surtout les autorités qui ont failli en l’occurrence. Le gouvernement en exil n’aurait pas dû être aussi réservé. Le Conseil Juif, une instance installée par les Allemands, n’aurait dû se montrer aussi docile."
"Ies Vuijsje a découvert l’erreur historique par hasard. Il darde surtout ses traits sur Abel Herzberg, Jacques Presser et Loe de Jong, auteurs d’écrits spécifiques sur la persécution des juifs. ’Ils se sont conformés au mythe’, dit-il. Ainsi, Loe de Jong, dans son ouvrage de base Koninkrijk der Nederlanden, écrit à propos des Néerlandais ’que pratiquement aucun d’eux n’avait conscience dans les années 1940-1945 du sort qui attendait les déportés’."
"Dans son livre, Vuijsje donne toute une série d’exemples qui montrent que la presse légale aussi bien qu’illégale parlait dès 1942 de l’ Endlösung der Judenfrage [solution finale de la question juive] décidée par les Allemands au début de cette année-là. Selon De Jong, ce n’est que dans le courant de 1943 que la vérité sur les gazages massifs est apparue. Vuijsje l’accuse d’avoir manipulé des données pour aboutir à cette conclusion. ’De Jong a dissimulé le fait que le gouvernement néerlandais était au courant du génocide très tôt. Il a failli en tant que scientifique."
"Les dernières décennies, l’historiographie de la Deuxième guerre mondiale a été considérablement nuancée dans de nouvelles publications, mais selon Vuijsje il s’agissait surtout de la distinction rigide entre bons et mauvais Néerlandais."
"Le professeur Ivo Schöffer, qui a lu le manuscrit, estime que Vuijsje met définitivement fin au ’mythe de l’ignorance’. L’ancien professeur d’histoire de l’Université de Leyde avait déjà signalé ce malentendu à De Jong dans les années soixante. Il dit qu’en tant que résistant, il a prévenu en 1942 des juifs d’Amsterdam des conséquences fatales de la déportation. ’De Jong et ses collaborateurs étaient à l’époque d’avis qu’il devait s’agir de connaissance antidatée. Mais je suis sûr d’avoir mis une juive en garde contre la déportation : vous savez quel terrible sort vous attend’.
"Un entretien avec Vuijsje et des citations plus précises figurent dans le cahier Voorkant du journal de centre gauche. Ies (Isaac) Vuijsje, dont les cousins Bert et Herman sont plus connus du grand public, a fait carrière dans les télécommunications et l’informatique. "Tegen beter weten in est son premier livre et il veut bien qu’on le qualifie d’historien amateur, à condition de ne pas employer le terme dans un sens péjoratif. ’Il y a des critères pour la recherche historique et je m’y conforme’."
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7142
"L’historiographie de la persécution des juifs souffre d’une falsification", écrit le Volkskrant à la une. "Les juifs aussi bien que les non-juifs savaient déjà à un stade précoce de la Deuxième guerre mondiale que la mort attendait la population juive dans les camps de concentration. Leur négation de la réalité a été considérée comme fondée dans l’historiographie. Ies Vuijsje parle du ’mythe de l’ignorance’, mythe qu’il démonte dans son livre Tegen beter weten in [contre toute logique], qui paraît aujourd’hui. Les conclusions que Vuijsje en tire sont énormes. Si la population néerlandaise n’avait pas pratiqué la politique de l’autruche, la résistance à l’occupation allemande aurait été beaucoup plus vive et le nombre de survivants plus élevé."
"Vuijsje estime que ce sont surtout les autorités qui ont failli en l’occurrence. Le gouvernement en exil n’aurait pas dû être aussi réservé. Le Conseil Juif, une instance installée par les Allemands, n’aurait dû se montrer aussi docile."
"Ies Vuijsje a découvert l’erreur historique par hasard. Il darde surtout ses traits sur Abel Herzberg, Jacques Presser et Loe de Jong, auteurs d’écrits spécifiques sur la persécution des juifs. ’Ils se sont conformés au mythe’, dit-il. Ainsi, Loe de Jong, dans son ouvrage de base Koninkrijk der Nederlanden, écrit à propos des Néerlandais ’que pratiquement aucun d’eux n’avait conscience dans les années 1940-1945 du sort qui attendait les déportés’."
"Dans son livre, Vuijsje donne toute une série d’exemples qui montrent que la presse légale aussi bien qu’illégale parlait dès 1942 de l’ Endlösung der Judenfrage [solution finale de la question juive] décidée par les Allemands au début de cette année-là. Selon De Jong, ce n’est que dans le courant de 1943 que la vérité sur les gazages massifs est apparue. Vuijsje l’accuse d’avoir manipulé des données pour aboutir à cette conclusion. ’De Jong a dissimulé le fait que le gouvernement néerlandais était au courant du génocide très tôt. Il a failli en tant que scientifique."
"Les dernières décennies, l’historiographie de la Deuxième guerre mondiale a été considérablement nuancée dans de nouvelles publications, mais selon Vuijsje il s’agissait surtout de la distinction rigide entre bons et mauvais Néerlandais."
"Le professeur Ivo Schöffer, qui a lu le manuscrit, estime que Vuijsje met définitivement fin au ’mythe de l’ignorance’. L’ancien professeur d’histoire de l’Université de Leyde avait déjà signalé ce malentendu à De Jong dans les années soixante. Il dit qu’en tant que résistant, il a prévenu en 1942 des juifs d’Amsterdam des conséquences fatales de la déportation. ’De Jong et ses collaborateurs étaient à l’époque d’avis qu’il devait s’agir de connaissance antidatée. Mais je suis sûr d’avoir mis une juive en garde contre la déportation : vous savez quel terrible sort vous attend’.
"Un entretien avec Vuijsje et des citations plus précises figurent dans le cahier Voorkant du journal de centre gauche. Ies (Isaac) Vuijsje, dont les cousins Bert et Herman sont plus connus du grand public, a fait carrière dans les télécommunications et l’informatique. "Tegen beter weten in est son premier livre et il veut bien qu’on le qualifie d’historien amateur, à condition de ne pas employer le terme dans un sens péjoratif. ’Il y a des critères pour la recherche historique et je m’y conforme’."
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7142
Fourest gagne un prix, on rêve!
Pour ceux qui ne suivent pas mon blog depuis le début, il me faut rappeler une anecdote qui désormais me fait rire mais qui a l'époque m'a enpêché de dormir. Alors que je demandais des conseils à Caroline Fourest, que j'avais interviewé pour ma thèse, elle m'a envoyé des emails de haine. Elle me reprochait de participer à un site (le très lu http://www.minorites.org) où un de mes collègues (Karim K.) avait reproduit une critique de son livre sur Tariq Ramadan paru dans un grand quotidien national français. Comme j'étais sur le même site qu'une mec qui avait reproduit une critique parue dans un quotidien et que son livre était contre l'Islam, j'étais forcément un adepte de l'islamisme le plus extrême. Elle m'avait traité de "collaborateur". On peut en lire des morceaux sur http://laurentchambon.blogspot.com/2004_12_01_laurentchambon_archive.html
J'avais été d'autant plus choqué que j'avais accepté d'écrire un article pour sa revue ProChoix et que je l'avais toujours défendue, aveuglé par un sentiment d'amitié qui depuis me semble un peu surfait. Et voilà enfin, presqu'un an et demi plus tard, la réaction des spécialistes de la question (et non des moindres), dans Le Monde, à la question Fourest...
Les lauriers de l'obscurantisme
LE MONDE 17.04.06
Le choix du jury du livre politique de l'Assemblée nationale s'est porté en 2006 sur l'ouvrage de Caroline Fourest (La Tentation obscurantiste, Grasset, 2005). Ce choix ne peut manquer de laisser pantois les chercheurs en sciences sociales, politologues, historiens, universitaires qui ont la faiblesse de considérer que l'intelligibilité de notre société, le présent comme le futur de ses rapports avec d'autres cultures, notamment musulmanes, mais pas uniquement, requièrent une analyse minutieuse, un investissement effectif dans la complexité du terrain.
L'intérêt des analyses divergentes d'un phénomène politique complexe et multiple dans ses expressions (l'islamisme) reposant sur des méthodes d'investigation rigoureuses, n'est évidemment pas en cause. Cette diversité de vues est éminemment souhaitable. Elle fait partie intégrante de nos ambitions scientifiques quotidiennes. Et nous sommes trop viscéralement attachés à la liberté de la recherche pour contester à qui que ce soit le droit de penser autrement. Le problème tient bien à l'intronisation officielle accordée à un pamphlet qui s'érige frauduleusement en argumentaire rationnel, alors qu'il ne repose que sur le trafic des émotions, des peurs, permettant d'ânonner des lieux communs sur l'islam et les musulmans.
Des philosophes autoproclamés, des essayistes, ont entrepris, depuis quelques années, sous couvert de la "défense des Lumières" de la laïcité, de condamner ceux qui refusent de se plier au moule de leurs catégories sectaires. Ils jettent en pâture des listes de personnes accusées de "trahir les idéaux de la République" et d'être les "faire-valoir du radicalisme islamique". L'ouvrage de M me Fourest appartient à ce triste genre littéraire.
Ce tour de passe-passe essayiste consiste à disqualifier comme "islamiste", c'est-à-dire comme un danger social, tout musulman refusant de se démarquer explicitement de son appartenance religieuse. Il considère comme complices tous ceux qui refusent le simplisme de ces qualifications. La vieille rhétorique conspirationniste des élites intellectuelles contre la France est remise au goût du jour. Et, sous les habits du "progressisme", elle s'abreuve ainsi au mythe de l'anti-France. Ceux qui prétendent que la réalité de l'islam politique dans le monde musulman n'est accessible que par l'analyse de paramètres multiples observés dans les dynamiques locales (régimes corrompus, démocratisation avortée, répression aveugle...) et internationales (mondialisation libérale, conflit israélo-palestinien, invasion de l'Irak, appétits pétroliers du monde occidental...) et refusent l'amalgame "criminogène" de l'islam sont mis à l'index par le tribunal des raccourcis et de l'invective gratuite.
On a longtemps fustigé les partisans du cosmopolitisme. Aujourd'hui, on dénonce la cinquième colonne de ceux qui, à propos de l'islam et des musulmans, refusent le sens commun. Pierre Bourdieu a en son temps forgé, pour cette catégorie de philosophes autoproclamés plus prompts à flatter les ventres pleins de préjugés qu'à nourrir les cerveaux, la catégoried' "intellectuel négatif".
La "méthode" (éminemment non scientifique) de sélection de la "vérité" consiste à prendre pour pertinent un discours caricatural, inquisitorial, pamphlétaire, truffé de préjugés, accessoirement d'erreurs, et essentiellement destiné à dénoncer les "autres" : musulmans, islamologues refusant de se soumettre au sens commun, journalistes, hommes politiques, militants antiracistes, laïques pragmatiques.
Bien moins que la paix sociale, cette désignation de l'autre (et accessoirement de "sa" religion) permet d'éviter d'assumer ses propres turpitudes, ses propres préjugés. Elle permet d'éluder la question des alliances surprenantes entre les héros (hérauts) d'un républicanisme forcené et les nostalgiques d'une France éternellement monoconfessionnelle et mono-ethnique. Elle permet d'exploiter tranquillement, et avec la bonne conscience de la morale pseudo-universaliste, le vieux fonds de commerce de la peur de l'autre.
Pour pouvoir comprendre un phénomène, encore faut-il chercher sérieusement, étudier les composantes et les causes historiques, sociales, économiques qui ont favorisé sa percée, son essor et ses mutations. Et analyser scientifiquement - il faut le répéter en ces temps d'obscurantisme et de délation - ne vaut ni adhésion ni rejet, y compris pour l'islam ! A l'inverse, les grandes vues eschatologiques et condamnatoires, aucunement fondées sur la connaissance du terrain, comme pour ne pas s'en trouver souillé, relèvent de la passion, que ce soit l'attachement excessif ou, comme dans le cas qui nous intéresse, l'antipathie aveugle.
Au Moyen Age, l'Eglise refusait au chercheur le droit de disséquer le corps humain, de relativiser son fonctionnement : elle imposait la méconnaissance.
Si tentation obscurantiste il y a, elle est parfaitement incarnée aujourd'hui par la haine viscérale de la connaissance scientifique qui se manifeste depuis quelques années à travers des essais comme celui de Caroline Fourest. En tout cas, et pour finir, nous aurions attendu du livre politique de l'année, peut-être avec trop de naïveté, qu'il invite à réfléchir les évidences, les clichés, et non à les intérioriser plus encore.
Jean Baubérot, directeur d'études à l'EPHE ; Bruno Etienne, professeur émérite ; Franck Fregosi, chargé de recherche au CNRS ; Vincent Geisser, chargé de recherche au CNRS ; Raphaël Liogier, professeur des universités.
Lien: http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-762492,0.html
J'avais été d'autant plus choqué que j'avais accepté d'écrire un article pour sa revue ProChoix et que je l'avais toujours défendue, aveuglé par un sentiment d'amitié qui depuis me semble un peu surfait. Et voilà enfin, presqu'un an et demi plus tard, la réaction des spécialistes de la question (et non des moindres), dans Le Monde, à la question Fourest...
Les lauriers de l'obscurantisme
LE MONDE 17.04.06
Le choix du jury du livre politique de l'Assemblée nationale s'est porté en 2006 sur l'ouvrage de Caroline Fourest (La Tentation obscurantiste, Grasset, 2005). Ce choix ne peut manquer de laisser pantois les chercheurs en sciences sociales, politologues, historiens, universitaires qui ont la faiblesse de considérer que l'intelligibilité de notre société, le présent comme le futur de ses rapports avec d'autres cultures, notamment musulmanes, mais pas uniquement, requièrent une analyse minutieuse, un investissement effectif dans la complexité du terrain.
L'intérêt des analyses divergentes d'un phénomène politique complexe et multiple dans ses expressions (l'islamisme) reposant sur des méthodes d'investigation rigoureuses, n'est évidemment pas en cause. Cette diversité de vues est éminemment souhaitable. Elle fait partie intégrante de nos ambitions scientifiques quotidiennes. Et nous sommes trop viscéralement attachés à la liberté de la recherche pour contester à qui que ce soit le droit de penser autrement. Le problème tient bien à l'intronisation officielle accordée à un pamphlet qui s'érige frauduleusement en argumentaire rationnel, alors qu'il ne repose que sur le trafic des émotions, des peurs, permettant d'ânonner des lieux communs sur l'islam et les musulmans.
Des philosophes autoproclamés, des essayistes, ont entrepris, depuis quelques années, sous couvert de la "défense des Lumières" de la laïcité, de condamner ceux qui refusent de se plier au moule de leurs catégories sectaires. Ils jettent en pâture des listes de personnes accusées de "trahir les idéaux de la République" et d'être les "faire-valoir du radicalisme islamique". L'ouvrage de M me Fourest appartient à ce triste genre littéraire.
Ce tour de passe-passe essayiste consiste à disqualifier comme "islamiste", c'est-à-dire comme un danger social, tout musulman refusant de se démarquer explicitement de son appartenance religieuse. Il considère comme complices tous ceux qui refusent le simplisme de ces qualifications. La vieille rhétorique conspirationniste des élites intellectuelles contre la France est remise au goût du jour. Et, sous les habits du "progressisme", elle s'abreuve ainsi au mythe de l'anti-France. Ceux qui prétendent que la réalité de l'islam politique dans le monde musulman n'est accessible que par l'analyse de paramètres multiples observés dans les dynamiques locales (régimes corrompus, démocratisation avortée, répression aveugle...) et internationales (mondialisation libérale, conflit israélo-palestinien, invasion de l'Irak, appétits pétroliers du monde occidental...) et refusent l'amalgame "criminogène" de l'islam sont mis à l'index par le tribunal des raccourcis et de l'invective gratuite.
On a longtemps fustigé les partisans du cosmopolitisme. Aujourd'hui, on dénonce la cinquième colonne de ceux qui, à propos de l'islam et des musulmans, refusent le sens commun. Pierre Bourdieu a en son temps forgé, pour cette catégorie de philosophes autoproclamés plus prompts à flatter les ventres pleins de préjugés qu'à nourrir les cerveaux, la catégoried' "intellectuel négatif".
La "méthode" (éminemment non scientifique) de sélection de la "vérité" consiste à prendre pour pertinent un discours caricatural, inquisitorial, pamphlétaire, truffé de préjugés, accessoirement d'erreurs, et essentiellement destiné à dénoncer les "autres" : musulmans, islamologues refusant de se soumettre au sens commun, journalistes, hommes politiques, militants antiracistes, laïques pragmatiques.
Bien moins que la paix sociale, cette désignation de l'autre (et accessoirement de "sa" religion) permet d'éviter d'assumer ses propres turpitudes, ses propres préjugés. Elle permet d'éluder la question des alliances surprenantes entre les héros (hérauts) d'un républicanisme forcené et les nostalgiques d'une France éternellement monoconfessionnelle et mono-ethnique. Elle permet d'exploiter tranquillement, et avec la bonne conscience de la morale pseudo-universaliste, le vieux fonds de commerce de la peur de l'autre.
Pour pouvoir comprendre un phénomène, encore faut-il chercher sérieusement, étudier les composantes et les causes historiques, sociales, économiques qui ont favorisé sa percée, son essor et ses mutations. Et analyser scientifiquement - il faut le répéter en ces temps d'obscurantisme et de délation - ne vaut ni adhésion ni rejet, y compris pour l'islam ! A l'inverse, les grandes vues eschatologiques et condamnatoires, aucunement fondées sur la connaissance du terrain, comme pour ne pas s'en trouver souillé, relèvent de la passion, que ce soit l'attachement excessif ou, comme dans le cas qui nous intéresse, l'antipathie aveugle.
Au Moyen Age, l'Eglise refusait au chercheur le droit de disséquer le corps humain, de relativiser son fonctionnement : elle imposait la méconnaissance.
Si tentation obscurantiste il y a, elle est parfaitement incarnée aujourd'hui par la haine viscérale de la connaissance scientifique qui se manifeste depuis quelques années à travers des essais comme celui de Caroline Fourest. En tout cas, et pour finir, nous aurions attendu du livre politique de l'année, peut-être avec trop de naïveté, qu'il invite à réfléchir les évidences, les clichés, et non à les intérioriser plus encore.
Jean Baubérot, directeur d'études à l'EPHE ; Bruno Etienne, professeur émérite ; Franck Fregosi, chargé de recherche au CNRS ; Vincent Geisser, chargé de recherche au CNRS ; Raphaël Liogier, professeur des universités.
Lien: http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-762492,0.html
mercredi 19 avril 2006
Un bon dessin en dit plus que mille mots
"Le débat sur l'Islam" (image 2: nuance, s'il vous plaît) . Dessin de Bas Köhler, en rapport avec le rapport du WRR, in Waterstof n°13, avril 2006. Lien: http://www.waterlandstichting.nl
Ouiquenne de gauche
Ce ouiquenne, je pars avec mes "camarades de parti" (j'adore le terme) élus à Oud Zuid pour qu'on apprenne à se connaître et qu'on fasse un partage des tâches. Les sujets qui m'intéressent sont les entreprises, la propreté (et tout ce qui est regroupé en néerlandais sous le terme leefbaarheid, "vivabilité") et l'ordre urbain. J'ai beaucoup d'idées sur l'intégration et les minorités mais comme je suis une sorte d'expert, je ne pense pas être la bonne personne pour ça: les experts font de très mauvais politiciens, et il faut que ceux qui s'occupent d'un sujet gardent la tête froide et réagissent avec distance. C'est avec plaisir que j'aiderai ceux qui sont chargés de l'intégration, mais je pense que si je veux rester fidèle à mes idées démocratiques, il vaut mieux que ce ne soit pas moi qui porte la politique d'intégration et des minorités.
La grande inconnue, c'est qui va faire quoi, et avec qui. Comme je suis issu d'une culture plus collective que les Néerlandais de souche, j'espère que je ne me retrouverai pas tout seul, mais bien au sein d'un groupe assez large pour qu'on puisse avoir de bonnes discussions et assez de divergences pour arriver à un compromis qui dépasse nos individualités.
La grande inconnue, c'est qui va faire quoi, et avec qui. Comme je suis issu d'une culture plus collective que les Néerlandais de souche, j'espère que je ne me retrouverai pas tout seul, mais bien au sein d'un groupe assez large pour qu'on puisse avoir de bonnes discussions et assez de divergences pour arriver à un compromis qui dépasse nos individualités.
Discussion de gauche au fin fond du Limbourg
Hier je me suis tapé presque 6 heures de train pour aller à Heerlen (drapeau ci-contre), dans le Limbourg (voir carte ci-dessous). J'étais invité par la section locale du SP pour parler de la situation sociale en France, en particulier dans les banlieues. La soirée est appelée Spraakwater, et se déroulait dans un ancien cinéma ultra mignon, un peu bar à putes, un peu café rétro, un peu théâtre de marionettes. Normalement je dois recevoir des photos très bientôt.
La discussion était intéressante, et du fait de la situation sociale et géographique particulière du Limbourg (anciennes mines fermées, centres industriels en voie de fermeture, chômage explosif), on se serait cru dans le Nord-Est de la France ou en Belgique. Les gens sont angoissés pour leur avenir et celui de leurs enfants, rien de nouveau, en fait, mais l'angoisse monte à nouveau. Le SP est fort et a obtenu beaucoup d'élus (c'est devenu le plus gros parti à Heerlen) car la tête de liste s'est illustré dans la défense des mineurs et la réparation financière des maladies professionnelles des mineurs (surtout cancer des poumons), et par ailleurs tout le monde sait ce que ça veut dire, un changement économique majeur, dans la région: chômage, précarité, perte de statut social... J'ai raté la fin du show car j'ai dû prendre le dernier train pour Amsterdam.
Entre deux débats (sur scène, dans deux fauteuils genre mémère, très mignon), on a eu droit au groupe de hip hop local. Quatre garçons à peine pubères, faisant la beatbox à tour de rôle et rappant en kreukreu (avec G doux, met een zachte G, comme on dit). Honnêtement, ça allait tellement vite (en plus de l'accent) que je n'ai rien compris, mais c'était vraiment coule.
Mais ce qui m'a frappé le plus, venant d'Amsterdam, c'est les différences entre cette province du Sud et Amsterdam et le Nord du pays. Les gens sont beaucoup plus latins, plus bavards, plus sociaux aussi. Dans ce micro-cinéma, au café, les gens parlaient limbourgeois (un dialecte rhénan proche du Platt Deutsch) mais l'atmosphère était plutôt belge ou française. Il y a avait quelques allochtones, mais rien ne les distinguait vraiment des autres. Un peu mon expérience personnelle de la diversité en France (sans pour autant généraliser, sinon Erkan va me hurler dessus). J'ai fait la connaissance de gens vraiment sympa. Une élue SP qui revient juste de 10 ans à Amsterdam, Paul et sa copine qui sont venus m'accueillir à la gare et m'ont nourri, et surtout une femme moitié Sud-africaine, moitié-Ecossaise, qui a vécu en Afrique avec son mari néerlandais avant de venir aux Pays-Bas et de divorcer. Une femme très belle, qui parle 12 langues, qui écrit des poèmes en néerlandais et qui parle beaucoup.
Bref, les clichés sont tenaces, mais c'est vrai que les Brabançons et Limbourgeois vivent d'une autre façon, et la "culture catholique" est réellement différente de la "culture protestante" du Nord. Beaucoup de gens aimeraient rester mais le chômage est tel qu'ils doivent un jour ou l'autre partir vers les grandes villes ou la Randstad où ils ne sont jamais vraiment aussi heureux. Triste, non?
Pour conclure, une interrogation architecturale: l'église de Heerlen n'a-t-elle pas un petit air français avec sa tour carrée et son toit qui passe du carré à l'octogone? On la voit sur la photo ci-contre, à gauche de la très belle médiathèque herleenoise. Elle ressemble incroyablement aux églises d'Île-de-France et du bassin parisien, ou c'est moi qui délire?
La discussion était intéressante, et du fait de la situation sociale et géographique particulière du Limbourg (anciennes mines fermées, centres industriels en voie de fermeture, chômage explosif), on se serait cru dans le Nord-Est de la France ou en Belgique. Les gens sont angoissés pour leur avenir et celui de leurs enfants, rien de nouveau, en fait, mais l'angoisse monte à nouveau. Le SP est fort et a obtenu beaucoup d'élus (c'est devenu le plus gros parti à Heerlen) car la tête de liste s'est illustré dans la défense des mineurs et la réparation financière des maladies professionnelles des mineurs (surtout cancer des poumons), et par ailleurs tout le monde sait ce que ça veut dire, un changement économique majeur, dans la région: chômage, précarité, perte de statut social... J'ai raté la fin du show car j'ai dû prendre le dernier train pour Amsterdam.
Entre deux débats (sur scène, dans deux fauteuils genre mémère, très mignon), on a eu droit au groupe de hip hop local. Quatre garçons à peine pubères, faisant la beatbox à tour de rôle et rappant en kreukreu (avec G doux, met een zachte G, comme on dit). Honnêtement, ça allait tellement vite (en plus de l'accent) que je n'ai rien compris, mais c'était vraiment coule.
Mais ce qui m'a frappé le plus, venant d'Amsterdam, c'est les différences entre cette province du Sud et Amsterdam et le Nord du pays. Les gens sont beaucoup plus latins, plus bavards, plus sociaux aussi. Dans ce micro-cinéma, au café, les gens parlaient limbourgeois (un dialecte rhénan proche du Platt Deutsch) mais l'atmosphère était plutôt belge ou française. Il y a avait quelques allochtones, mais rien ne les distinguait vraiment des autres. Un peu mon expérience personnelle de la diversité en France (sans pour autant généraliser, sinon Erkan va me hurler dessus). J'ai fait la connaissance de gens vraiment sympa. Une élue SP qui revient juste de 10 ans à Amsterdam, Paul et sa copine qui sont venus m'accueillir à la gare et m'ont nourri, et surtout une femme moitié Sud-africaine, moitié-Ecossaise, qui a vécu en Afrique avec son mari néerlandais avant de venir aux Pays-Bas et de divorcer. Une femme très belle, qui parle 12 langues, qui écrit des poèmes en néerlandais et qui parle beaucoup.
Bref, les clichés sont tenaces, mais c'est vrai que les Brabançons et Limbourgeois vivent d'une autre façon, et la "culture catholique" est réellement différente de la "culture protestante" du Nord. Beaucoup de gens aimeraient rester mais le chômage est tel qu'ils doivent un jour ou l'autre partir vers les grandes villes ou la Randstad où ils ne sont jamais vraiment aussi heureux. Triste, non?
Pour conclure, une interrogation architecturale: l'église de Heerlen n'a-t-elle pas un petit air français avec sa tour carrée et son toit qui passe du carré à l'octogone? On la voit sur la photo ci-contre, à gauche de la très belle médiathèque herleenoise. Elle ressemble incroyablement aux églises d'Île-de-France et du bassin parisien, ou c'est moi qui délire?
mardi 18 avril 2006
Spraakwater @ Heerlen
Ce soir je suis invité à venir parler de la situation en France... au fin fond du Limbourg (pour les nuls en géographie, c'est cette bande de terre néerlandaise étroite coincée entre l'Allemagne et la Belgique). Pas mal d'heures de train, on verra si l'ordinateur portable de Lewis arrive à tenir aussi longtemps.
Le site: http://www.heerlen.sp.nl/spraakwater/index.stm
Le site: http://www.heerlen.sp.nl/spraakwater/index.stm
Libellés :
Média
lundi 17 avril 2006
DeNieuweAmsterdammers continuent
Avec Rachid Jamari, co-fondateur des NieuweAmsterdammers, nous avons décidé d'élargir nos activités et d'organiser des débats publics, et non plus seulement en petits comités. Entretemps, j'ai reçu pas mal de demandes de gens qui aimeraient travailler avec nous. Je crois qu'il faut aussi faire en sorte que le groupe reste diversifié: hommes/femmes, gay/hétéro, Hollandais/allochtones/Européens, universitaires/non-universitaires, politiques/simples citoyens. Si vous connaissez de gens qui sont intéressés, n'hésitez pas à leur communiquer l'email des DNA: denieuweamsterdammers (at)planet.com.
Le site: http://www.denieuweamsterdammers.org/
Le site: http://www.denieuweamsterdammers.org/
Promotion du mélange
J'ai lu aujourd'hui un article de la fabuleuse Mona Cholet, qui critique le livre de Vincent Cespedes, "Mélangeons-nous". Je vous invite à aller lire la critique entière directement sur son site: http://www.peripheries.net/f-cespedes.html
Je parle de ce livre et de cette critique car elle abonde dans le début d'analyse que j'ai plusieurs fois tenté de faire sur le communautarisme blanc (voir en particulier ma thèse de doctorat mais aussi quelques articles sur http://www.laurentchambon.com/textes/ ). Je cite quelques passages vraiment bien... Cespedes: «La conception d’une intégration des immigré-es qui préconise leur soumission absolue à la culture dominante se fonde sur la dimension assimilationniste de l’emprise; elle feint d’en oublier la dimension liberticide, la violence à sens unique, l’irrespect le plus total envers la différence de l’Autre, la puissance de désintégration par subordination, dissolution forcée, normalisation, uniformisation, asphyxie.»
Cholet: Vincent Cespedes dénonce à raison la tendance révoltante, et de plus en plus répandue, à prendre acte du racisme en traitant une origine africaine ou maghrébine comme un «handicap» – dans la recherche d’un emploi, par exemple – de même nature qu’une diminution des capacités physiques ou psychiques. Il pose sans mâcher ses mots des constats qui devraient lui valoir tout plein d’amis, par exemple quand il compare les sociétés occidentales contemporaines aux Aztèques qui, autrefois, maintenaient leur cohésion interne en mettant en scène la «destruction grandiose de l’Autre»; il les qualifie de «démocraties néocannibales où les décideurs diabolisent les laissés-pour-compte pour mieux les offrir en sacrifice à une classe moyenne paralysée d’effroi».
[Cespedes] pointe les dégâts causés par la plus grave forme de communautarisme observable actuellement, bien qu’elle soit rendue invisible aux yeux de ses protagonistes par sa longue «sédimentation dans la psyché collective»: le communautarisme blanc, ce seul «communautarisme respectable», ce ghetto «archiverrouillé de l’intérieur», perpétué en toute bonne conscience par des «racistes qui s’ignorent», et qui produit en retour «les ghettos minoritaires qui l’arrangent»: «C’est bien ce communautarisme blanc qui ébranle le modèle républicain, universel et laïc, écrit-il, et non la désespérance spasmodiquement émeutière des laissés-pour-compte! Magnifique avancée des Lumières, l’idéologie républicaine reste un idéal non défendu: il est de facto ruiné par la médiocrité d’une élite gallocentrée, qui en fait un pseudo-universalisme… particulariste!»
On dirait du Chambon 100%, non? Le bouquin ne se limite pas à cette analyse, loin de là. Cespedes parle du porno et des corps surmusclés, ce qui n'est pas sans rappeler les impasses du monde gay hypersexué: Mélangeons-nous offre de superbes passages sur la peur du mélange et de l’abandon qui caractérise l’homme contemporain, et dont Cespedes voit l’un des symptômes dans la valorisation à tout crin du muscle au détriment de la chair: «"Avoir du muscle", "prendre du muscle": le muscle n’est pas la chair que l’on vit, mais la chair que l’on possède. Le muscle, c’est la chair qui ne peut plus ondoyer, ni boire les nuances imperceptibles des caresses, les réverbérations d’une autre chair. Le muscle, c’est la chair qui ne palpite pas mais se contracte ou se décontracte, se gonfle ou se dégonfle, se cramponne à soi-même, pare ou distribue les coups. Le muscle, c’est la chair défendue.»
Bref... lisez ce bouquin!
Je parle de ce livre et de cette critique car elle abonde dans le début d'analyse que j'ai plusieurs fois tenté de faire sur le communautarisme blanc (voir en particulier ma thèse de doctorat mais aussi quelques articles sur http://www.laurentchambon.com/textes/ ). Je cite quelques passages vraiment bien... Cespedes: «La conception d’une intégration des immigré-es qui préconise leur soumission absolue à la culture dominante se fonde sur la dimension assimilationniste de l’emprise; elle feint d’en oublier la dimension liberticide, la violence à sens unique, l’irrespect le plus total envers la différence de l’Autre, la puissance de désintégration par subordination, dissolution forcée, normalisation, uniformisation, asphyxie.»
Cholet: Vincent Cespedes dénonce à raison la tendance révoltante, et de plus en plus répandue, à prendre acte du racisme en traitant une origine africaine ou maghrébine comme un «handicap» – dans la recherche d’un emploi, par exemple – de même nature qu’une diminution des capacités physiques ou psychiques. Il pose sans mâcher ses mots des constats qui devraient lui valoir tout plein d’amis, par exemple quand il compare les sociétés occidentales contemporaines aux Aztèques qui, autrefois, maintenaient leur cohésion interne en mettant en scène la «destruction grandiose de l’Autre»; il les qualifie de «démocraties néocannibales où les décideurs diabolisent les laissés-pour-compte pour mieux les offrir en sacrifice à une classe moyenne paralysée d’effroi».
[Cespedes] pointe les dégâts causés par la plus grave forme de communautarisme observable actuellement, bien qu’elle soit rendue invisible aux yeux de ses protagonistes par sa longue «sédimentation dans la psyché collective»: le communautarisme blanc, ce seul «communautarisme respectable», ce ghetto «archiverrouillé de l’intérieur», perpétué en toute bonne conscience par des «racistes qui s’ignorent», et qui produit en retour «les ghettos minoritaires qui l’arrangent»: «C’est bien ce communautarisme blanc qui ébranle le modèle républicain, universel et laïc, écrit-il, et non la désespérance spasmodiquement émeutière des laissés-pour-compte! Magnifique avancée des Lumières, l’idéologie républicaine reste un idéal non défendu: il est de facto ruiné par la médiocrité d’une élite gallocentrée, qui en fait un pseudo-universalisme… particulariste!»
On dirait du Chambon 100%, non? Le bouquin ne se limite pas à cette analyse, loin de là. Cespedes parle du porno et des corps surmusclés, ce qui n'est pas sans rappeler les impasses du monde gay hypersexué: Mélangeons-nous offre de superbes passages sur la peur du mélange et de l’abandon qui caractérise l’homme contemporain, et dont Cespedes voit l’un des symptômes dans la valorisation à tout crin du muscle au détriment de la chair: «"Avoir du muscle", "prendre du muscle": le muscle n’est pas la chair que l’on vit, mais la chair que l’on possède. Le muscle, c’est la chair qui ne peut plus ondoyer, ni boire les nuances imperceptibles des caresses, les réverbérations d’une autre chair. Le muscle, c’est la chair qui ne palpite pas mais se contracte ou se décontracte, se gonfle ou se dégonfle, se cramponne à soi-même, pare ou distribue les coups. Le muscle, c’est la chair défendue.»
Bref... lisez ce bouquin!
vendredi 14 avril 2006
Lodewijk et Ahmed
Hier j'étais à l'assemblée générale du parti travailliste d'Amsterdam, dans un ancien temple reconverti en salle de concert et conférences. Très bel endroit, donc. Le but de cette assemblée était d'élire les 2 représentants amstellodamois au forum politique du parti (un organe qui représente la société civile et doit fournir des idées neuves au parti), approuver le budget et discuter du programme de gouvernement du parti au niveau de la ville.
L'élection des représentants au forum était un monument de consensus néerlandais: des candidats intéressants, un vote de type démocratique, mais quand on voit les résultats (les deux représentantes ont été élues avec une avance très confortable par rapport aux autres candidats), on se dit que ce vote n'arrivait pas de nulle part. Il y avait eu un semblant de campagne non-officielle, ce qui est conforme à tout ce que j'ai vu pour l'instant: les candidats gagnants semblent pré-sélectionnés de manière mystérieuse et obtiennent une quasi-unanimité sortie mystérieusement des urnes. Une fois encore, le noyau informel du pouvoir n'est pas inactif. Notre fonction était d'applaudir, applaudir, encore applaudir, et voter comme il en avait été convenu.
Quand à la défense du programme de gouvernement par la tête de liste, le jeune Lodewijs Asscher (photo de son bouquin ci-contre à gauche), elle était bien faite et bien pensée. Sauf à trois moments qui m'ont mis mal à l'aise.
Premier moment: une femme un peu âgée demande la parole et se met à louer de façon presqu'obscène Asscher, ce "super mec" qui dit ce qu'il pense et fait ce qu'il dit. Cette démonstration de soumission au chef (mon chien fait pareil avec sa langue) a été chaudement applaudi, mais j'étais extrêmement gêné. Peut-être est-ce ma francitude, peut-être cette gêne indique quelque chose de plus profond. On en reparlera.
Deuxième moment: Asscher est attaqué sur la gestion calamiteuse du thème minoritaire par Wouter Bos (vraissemblablement le prochain premier ministre) qui s'était plaint de la mauvaise qualité des élus allochtones. Au lieu de célébrer l'évidente avance du parti travailliste sur ce thème (il reste quasiment le seul parti à ne pas être 100% blanc), le voilà sur la défensive. Oh là là, Lodewijk, il va falloir bosser là-dessus. Dans une ville comme Amsterdam où 50% de la population est allochtone, il serait peut-être temps de maîtriser le sujet.
Troisième moment: Lodewijk Asscher (tête de liste et nouveau échevin) et Ahmed Aboutaleb (second de liste et aussi échevin, qui sur son seul nom a obtenu 8 des 20 sièges du parti, photo ci-contre à droite) se font des déclarations d'amour en public. On pense pareil, on en est presque télépathes, on s'adore, on a réussi la campagne à deux. Bref, c'est l'amour à fond. Là encore, j'ai très envie d'y croire mais je suis loin d'être convaincu. Mon "gut feeling", comme on dit (intuition), me dit plutôt qu'ils ont fait la campagne ensemble afin qu'aucun des deux ne dépasse l'autre, et qu'ils sont loin de s'aimer autant qu'ils le déclarent. Par ailleurs, s'ils ont tellement besoin d'insister là-dessus en public, c'est peut-être que ce n'est finalement pas si évident que ça.
Je ne préjuge de rien, peut-être me trompé-je lourdement, peut-être que Lodewijk et Ahmed s'aiment d'un amour réel, mais disons que mon intuition se révèle souvent juste et que là ça sent bizarre. Mais bon, par ailleurs, j'ai pu rencontrer des gens intéressants dont je parlerai plus tard...
L'élection des représentants au forum était un monument de consensus néerlandais: des candidats intéressants, un vote de type démocratique, mais quand on voit les résultats (les deux représentantes ont été élues avec une avance très confortable par rapport aux autres candidats), on se dit que ce vote n'arrivait pas de nulle part. Il y avait eu un semblant de campagne non-officielle, ce qui est conforme à tout ce que j'ai vu pour l'instant: les candidats gagnants semblent pré-sélectionnés de manière mystérieuse et obtiennent une quasi-unanimité sortie mystérieusement des urnes. Une fois encore, le noyau informel du pouvoir n'est pas inactif. Notre fonction était d'applaudir, applaudir, encore applaudir, et voter comme il en avait été convenu.
Quand à la défense du programme de gouvernement par la tête de liste, le jeune Lodewijs Asscher (photo de son bouquin ci-contre à gauche), elle était bien faite et bien pensée. Sauf à trois moments qui m'ont mis mal à l'aise.
Premier moment: une femme un peu âgée demande la parole et se met à louer de façon presqu'obscène Asscher, ce "super mec" qui dit ce qu'il pense et fait ce qu'il dit. Cette démonstration de soumission au chef (mon chien fait pareil avec sa langue) a été chaudement applaudi, mais j'étais extrêmement gêné. Peut-être est-ce ma francitude, peut-être cette gêne indique quelque chose de plus profond. On en reparlera.
Deuxième moment: Asscher est attaqué sur la gestion calamiteuse du thème minoritaire par Wouter Bos (vraissemblablement le prochain premier ministre) qui s'était plaint de la mauvaise qualité des élus allochtones. Au lieu de célébrer l'évidente avance du parti travailliste sur ce thème (il reste quasiment le seul parti à ne pas être 100% blanc), le voilà sur la défensive. Oh là là, Lodewijk, il va falloir bosser là-dessus. Dans une ville comme Amsterdam où 50% de la population est allochtone, il serait peut-être temps de maîtriser le sujet.
Troisième moment: Lodewijk Asscher (tête de liste et nouveau échevin) et Ahmed Aboutaleb (second de liste et aussi échevin, qui sur son seul nom a obtenu 8 des 20 sièges du parti, photo ci-contre à droite) se font des déclarations d'amour en public. On pense pareil, on en est presque télépathes, on s'adore, on a réussi la campagne à deux. Bref, c'est l'amour à fond. Là encore, j'ai très envie d'y croire mais je suis loin d'être convaincu. Mon "gut feeling", comme on dit (intuition), me dit plutôt qu'ils ont fait la campagne ensemble afin qu'aucun des deux ne dépasse l'autre, et qu'ils sont loin de s'aimer autant qu'ils le déclarent. Par ailleurs, s'ils ont tellement besoin d'insister là-dessus en public, c'est peut-être que ce n'est finalement pas si évident que ça.
Je ne préjuge de rien, peut-être me trompé-je lourdement, peut-être que Lodewijk et Ahmed s'aiment d'un amour réel, mais disons que mon intuition se révèle souvent juste et que là ça sent bizarre. Mais bon, par ailleurs, j'ai pu rencontrer des gens intéressants dont je parlerai plus tard...
La vérité sur le rapport du WRR
En ce moment, la discussion politique sur le dernier rapport du WRR (organe scientifique qui conseille le gouvernement néerlandais) sur l'Islam politique tourne au délire. Il est temps de mettre les choses au point. Il est possible de lire le rapport en PDF sur le site du WRR: http://www.wrr.nl mais aussi d'y lire un résumé en français (ou dans d'autres langues), fort bien fait.
Les points qui me semblent importants:
- il ne faut pas juger les progrès des droits de l'homme selon des critères ethnocentristes mais en fonction des avancées réelles. Il ne faut donc pas se contenter de lire les discours plus ou moins enflammés et anti-occidentaux et pro-charia au premier degré, il faut essayer de comprendre quelle en est la dynamique interne et quels résultats concrets cela apporte. Pour en revenir au Hamas, même si la rhétorique guerrière et anti-israélienne est présente, il faut aussi voir si leur action favorise la démocratie, les droits de l'homme et l'émancipation des populations. On ne peut pas dire que le Fatah se soit illustré par sa compétence dans ce domaine: corruption, népotisme et apauvrissement généralisé ont été ses réalisations concrètes. Le rapport cite aussi le droit marocain, qui sous couvert de charia a amélioré la situation des femmes.
- la démocratie est un processus endogène qui ne peut être imposé de l'extérieur. On voit en Irak comment les Américains ont été incapables d'imposer la démocratie (même si c'est surtout leur méthode qui pose problème). Le rapport ne se trompe pas en soulignant que si les Pays-Bas et l'Union européenne ont un rôle à jouer, ce n'est pas en jouant aux apprentis sorciers et en sélectionnant les partis qui leur plaisent (souvent des partis non-islamiques) mais en favorisant un processus général, sans imposer ses idées politiques internes. Je suis moi -même le produit d'une république française laïque et très méfiante vis-à-vis des mouvements politiques liés aux religions (cela inclut donc le CDA!), mais ce n'est pas à moi de décider quels partis démocratiques méritent notre soutien en fonction de mon histoire personnelle et collective: nous devons favoriser un processus, pas des personnes ou des organisations politiques, aussi légitimes soient-elles dans notre champ politique.
- l'Union européenne et les Pays-Bas doivent développer une politique d'aide à l'émancipation des peuples pour assurer sa propre sécurité: ce n'est pas en imposant aveuglément nos principes occidentaux sans respecter la cohérence culturelle des autres pays (cela inclut parfois des références très fortes à l'Islam) que nous assurons notre sécurité. Je crois que Bush et ses amis ont fait la preuve de leur manque de vision sur ce terrain: leurs excès va-t-en-guerre n'ont fait qu'accroître le risque terroriste à leur encontre, mais aussi le risque de guerre classique dans de nombreux pays (Israël, Palestine, Turquie, Iran, Pakistan...)
- Enfin, en ce qui concerne la politique intérieure, le rapport est sévère mais juste: la connaissance de la culture arabo-musulmane et des dynamiques politiques à l'intérieure de cette culture (représentée par des millions de personnes en Europe, il faut le rappeler, dont un bon million aux Pays-Bas) est beaucoup trop faible, et au lieu de diaboliser certains islamistes démocrates représentant d'un courant politique important, il vaudrait mieux essayer de les comprendre et discuter avec eux, au lieu de les stigmatiser et, ainsi, laisser le champ libre aux plus radicaux.
Je trouve très drôle que certains partis politiques laïcs (dont le parti travailliste) soient tellement heureux de leur collaboration avec la ChristenUnie, qui au nom de la bible prône une démocratie sociale, mais diabolisent les courants musulmans qui ont la même approche, mais à partir du Coran. Soit il faut cesser tout rapport avec les partis religieux et interdire le CDA, la ChristenUnie et le SGP, soit il faut aussi inclure les mouvements politiques issus de toutes les religions, à la seule condition qu'ils respectent la constitution et les principes des droits de l'homme.
Ce n'est pas pour rien que Verhagen et Hirsi Ali sont en colère: le rapport pointe avec justesse leur étroitesse d'esprit, leur manque de vision politique à long terme, leur islamophobie aveugle, et finalement l'incohérence de leur position. On ne peut pas à la fois être membre d'une parti religieux (Verhagen) ou d'une coalition gouvernant avec un aprti religieux (Hirsi Ali) et demander que d'autres religieux soient activement exclus du débat politique.
Bref, que ceux que la question intéresse lisent le rapport, et ne fassent pas comme Hirsi Ali le conseille, c'est à dire le jeter sans le lire. Si elle veut rester dogmatique et ignorante, très bien, c'est son droit, mais qu'elle conseille aux autres de suivre son exemple est un peu triste.
Les points qui me semblent importants:
- il ne faut pas juger les progrès des droits de l'homme selon des critères ethnocentristes mais en fonction des avancées réelles. Il ne faut donc pas se contenter de lire les discours plus ou moins enflammés et anti-occidentaux et pro-charia au premier degré, il faut essayer de comprendre quelle en est la dynamique interne et quels résultats concrets cela apporte. Pour en revenir au Hamas, même si la rhétorique guerrière et anti-israélienne est présente, il faut aussi voir si leur action favorise la démocratie, les droits de l'homme et l'émancipation des populations. On ne peut pas dire que le Fatah se soit illustré par sa compétence dans ce domaine: corruption, népotisme et apauvrissement généralisé ont été ses réalisations concrètes. Le rapport cite aussi le droit marocain, qui sous couvert de charia a amélioré la situation des femmes.
- la démocratie est un processus endogène qui ne peut être imposé de l'extérieur. On voit en Irak comment les Américains ont été incapables d'imposer la démocratie (même si c'est surtout leur méthode qui pose problème). Le rapport ne se trompe pas en soulignant que si les Pays-Bas et l'Union européenne ont un rôle à jouer, ce n'est pas en jouant aux apprentis sorciers et en sélectionnant les partis qui leur plaisent (souvent des partis non-islamiques) mais en favorisant un processus général, sans imposer ses idées politiques internes. Je suis moi -même le produit d'une république française laïque et très méfiante vis-à-vis des mouvements politiques liés aux religions (cela inclut donc le CDA!), mais ce n'est pas à moi de décider quels partis démocratiques méritent notre soutien en fonction de mon histoire personnelle et collective: nous devons favoriser un processus, pas des personnes ou des organisations politiques, aussi légitimes soient-elles dans notre champ politique.
- l'Union européenne et les Pays-Bas doivent développer une politique d'aide à l'émancipation des peuples pour assurer sa propre sécurité: ce n'est pas en imposant aveuglément nos principes occidentaux sans respecter la cohérence culturelle des autres pays (cela inclut parfois des références très fortes à l'Islam) que nous assurons notre sécurité. Je crois que Bush et ses amis ont fait la preuve de leur manque de vision sur ce terrain: leurs excès va-t-en-guerre n'ont fait qu'accroître le risque terroriste à leur encontre, mais aussi le risque de guerre classique dans de nombreux pays (Israël, Palestine, Turquie, Iran, Pakistan...)
- Enfin, en ce qui concerne la politique intérieure, le rapport est sévère mais juste: la connaissance de la culture arabo-musulmane et des dynamiques politiques à l'intérieure de cette culture (représentée par des millions de personnes en Europe, il faut le rappeler, dont un bon million aux Pays-Bas) est beaucoup trop faible, et au lieu de diaboliser certains islamistes démocrates représentant d'un courant politique important, il vaudrait mieux essayer de les comprendre et discuter avec eux, au lieu de les stigmatiser et, ainsi, laisser le champ libre aux plus radicaux.
Je trouve très drôle que certains partis politiques laïcs (dont le parti travailliste) soient tellement heureux de leur collaboration avec la ChristenUnie, qui au nom de la bible prône une démocratie sociale, mais diabolisent les courants musulmans qui ont la même approche, mais à partir du Coran. Soit il faut cesser tout rapport avec les partis religieux et interdire le CDA, la ChristenUnie et le SGP, soit il faut aussi inclure les mouvements politiques issus de toutes les religions, à la seule condition qu'ils respectent la constitution et les principes des droits de l'homme.
Ce n'est pas pour rien que Verhagen et Hirsi Ali sont en colère: le rapport pointe avec justesse leur étroitesse d'esprit, leur manque de vision politique à long terme, leur islamophobie aveugle, et finalement l'incohérence de leur position. On ne peut pas à la fois être membre d'une parti religieux (Verhagen) ou d'une coalition gouvernant avec un aprti religieux (Hirsi Ali) et demander que d'autres religieux soient activement exclus du débat politique.
Bref, que ceux que la question intéresse lisent le rapport, et ne fassent pas comme Hirsi Ali le conseille, c'est à dire le jeter sans le lire. Si elle veut rester dogmatique et ignorante, très bien, c'est son droit, mais qu'elle conseille aux autres de suivre son exemple est un peu triste.
jeudi 13 avril 2006
CPE: analyse politique choc
Je ne peux m'empêcher de reproduire cet entretien choc trouvé dans Libération: l'analyse de Jean-Louis Bourlanges, député UDF... Je suis assez d'accord avec lui. Ce n'est pas un hasard: même si je suis de gauche, beaucoup d'analyses institutionnelles des Bayrou et ses amis rejoignent les miennes (ou l'inverse).
l'après-CPE. Jean-Louis Bourlanges, député UDF, analyse erreurs de droite et illusions de gauche :
«Le mieux serait que Chirac s'en aille pour lever l'hypothèque présidentielle»
par Renaud DELY / QUOTIDIEN : jeudi 13 avril 2006
S'il admet que les échecs de la droite redonnent de la vigueur à la gauche dans la perspective de 2007, Jean-Louis Bourlanges, député européen UDF et proche de François Bayrou, espère surtout que l'issue de la présidentielle permettra de construire un «parti de la réforme».
Quels dégâts laissera la crise du CPE d'ici à la présidentielle ? La gauche a-t-elle raison de se réjouir déjà de sa victoire annoncée en 2007 ?
Tant que le Premier ministre sera en place, le gouvernement n'aura guère d'autorité. Le mieux serait que Jacques Chirac s'en aille pour lever au plus vite l'hypothèque présidentielle. Ne rêvons pas : si l'intérêt particulier devait chez lui s'effacer au profit de l'intérêt général, ça se saurait. Pour le reste, la gauche sort requinquée d'une crise en forme de divine surprise et madame Royal ou monsieur Jospin y trouvent une crédibilité inattendue. Ce serait toutefois une illusion symétrique de celle de M. de Villepin que de penser à gauche que l'affaire est dans la poche. Je suis convaincu que les Français sont plus conscients qu'on ne le pense de l'exigence de changements importants dans la société, changements qu'ils ne souhaitent pas, mais dont ils mesurent la nécessité. C'est le parti de la réforme qui est entièrement à reconstruire. Entre une gauche qui refuse les réformes et une droite qui ne sait pas les mener à bien, l'heure du centre a-t-elle sonné? Vous imaginez bien que je le souhaite.
Avec ce nouvel échec, qui vient après le CIP d'Edouard Balladur ou le plan Juppé sur la Sécu, la droite française est-elle définitivement fâchée avec la réforme ?
La liste est longue des réformes avortées sous des gouvernements de droite. La droite et le centre ont au moins le mérite d'essayer. Et parfois, comme sur les retraites, de réussir à moitié. La situation de la gauche est plus confortable car elle se garde bien de rien tenter qui puisse déplaire à ses électeurs. Le pays est divisé sur le concept même de réforme : à droite, c'est un ensemble d'adaptations à caractère plus ou moins libéral destinées à permettre à l'économie française de tenir le choc de la mondialisation. A gauche, c'est la poursuite d'un processus séculaire d'octroi de ressources financières et de droits nouveaux pour les citoyens, alors même que ce processus a cessé d'être gérable financièrement et tenable économiquement. La droite est sotte et la gauche cynique. La première arrive avec son bol d'huile de ricin à la main et s'étonne de ne pas être accueillie avec des vivats. La seconde oscille entre une distribution offensive de faux droits, telle la retraite à 60 ans ou les 35 heures, et la crispation défensive sur les droits acquis, crispation abusivement identifiée à la réduction des inégalités. Dans un contexte aussi peu consensuel, celui qui sort de la tranchée a toutes les chances d'être assassiné, surtout s'il le fait de façon aussi arrogante et irréfléchie que Dominique de Villepin.
Villepin n'est-il pas d'abord victime de Chirac ?
Villepin et Chirac, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Le premier est à côté du second depuis onze ans et a été partie prenante de toutes les erreurs du Président, à commencer par la brillante dissolution de 1997. On espérait seulement qu'il aurait un peu plus de fermeté et de dignité dans l'épreuve que son maître, par exemple en démissionnant au terme de sa tentative au lieu de se résigner à cautionner le contraire de ce qu'il avait annoncé. On s'était trompé et on a découvert que Villepin n'était, comme jadis Daladier, qu'un «roseau peint en fer». Par son mélange de rodomontades et d'«à-plat-ventrisme», il a montré qu'il était le digne émule de Jacques Chirac. Villepin, c'est un perroquet qui a voulu se faire passer pour un aigle. Sans grand succès.
Qu'est-ce que cette crise révèle du fonctionnement de nos institutions ? Comment y remédier, alors qu'à gauche comme à droite les projets de réforme institutionnelle se multiplient pour 2007 ?
Cette crise révèle l'impuissance de l'Etat fort. La France reste «cette terre de commandement» décrite par Crozier il y a un demi-siècle, à ceci près que personne n'y obéit plus. Le général de Gaulle avait cru possible d'assurer l'efficacité de l'Etat en musclant l'exécutif et en donnant tant au gouvernement qu'au Président les moyens de s'imposer au Parlement. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que les titulaires de ce pouvoir seraient aussi faiblement représentatifs de l'opinion : avec 19 % des suffrages exprimés au premier tour de son élection, Chirac dispose aujourd'hui de 100 % des pouvoirs institutionnels. Du coup, le polygone de sustentation de pouvoir est trop étroit. Et la réforme, même votée, validée et promulguée, finit par être rejetée. Il est essentiel que le Parlement redevienne un lieu de délibération et de décision respecté du peuple, ce qui implique que la loi ne soit pas votée par une fausse majorité représentative d'un Français sur cinq. Plus le processus législatif sera lent, sillonné d'embûches, peuplé de négociations, jalonné de compromis, plus le Parlement sera respecté, et moins la tentation de la rue sera forte. Ceci milite en faveur de l'instauration de la représentation proportionnelle.
Lien: http://www.liberation.fr/page.php?Article=374626
l'après-CPE. Jean-Louis Bourlanges, député UDF, analyse erreurs de droite et illusions de gauche :
«Le mieux serait que Chirac s'en aille pour lever l'hypothèque présidentielle»
par Renaud DELY / QUOTIDIEN : jeudi 13 avril 2006
S'il admet que les échecs de la droite redonnent de la vigueur à la gauche dans la perspective de 2007, Jean-Louis Bourlanges, député européen UDF et proche de François Bayrou, espère surtout que l'issue de la présidentielle permettra de construire un «parti de la réforme».
Quels dégâts laissera la crise du CPE d'ici à la présidentielle ? La gauche a-t-elle raison de se réjouir déjà de sa victoire annoncée en 2007 ?
Tant que le Premier ministre sera en place, le gouvernement n'aura guère d'autorité. Le mieux serait que Jacques Chirac s'en aille pour lever au plus vite l'hypothèque présidentielle. Ne rêvons pas : si l'intérêt particulier devait chez lui s'effacer au profit de l'intérêt général, ça se saurait. Pour le reste, la gauche sort requinquée d'une crise en forme de divine surprise et madame Royal ou monsieur Jospin y trouvent une crédibilité inattendue. Ce serait toutefois une illusion symétrique de celle de M. de Villepin que de penser à gauche que l'affaire est dans la poche. Je suis convaincu que les Français sont plus conscients qu'on ne le pense de l'exigence de changements importants dans la société, changements qu'ils ne souhaitent pas, mais dont ils mesurent la nécessité. C'est le parti de la réforme qui est entièrement à reconstruire. Entre une gauche qui refuse les réformes et une droite qui ne sait pas les mener à bien, l'heure du centre a-t-elle sonné? Vous imaginez bien que je le souhaite.
Avec ce nouvel échec, qui vient après le CIP d'Edouard Balladur ou le plan Juppé sur la Sécu, la droite française est-elle définitivement fâchée avec la réforme ?
La liste est longue des réformes avortées sous des gouvernements de droite. La droite et le centre ont au moins le mérite d'essayer. Et parfois, comme sur les retraites, de réussir à moitié. La situation de la gauche est plus confortable car elle se garde bien de rien tenter qui puisse déplaire à ses électeurs. Le pays est divisé sur le concept même de réforme : à droite, c'est un ensemble d'adaptations à caractère plus ou moins libéral destinées à permettre à l'économie française de tenir le choc de la mondialisation. A gauche, c'est la poursuite d'un processus séculaire d'octroi de ressources financières et de droits nouveaux pour les citoyens, alors même que ce processus a cessé d'être gérable financièrement et tenable économiquement. La droite est sotte et la gauche cynique. La première arrive avec son bol d'huile de ricin à la main et s'étonne de ne pas être accueillie avec des vivats. La seconde oscille entre une distribution offensive de faux droits, telle la retraite à 60 ans ou les 35 heures, et la crispation défensive sur les droits acquis, crispation abusivement identifiée à la réduction des inégalités. Dans un contexte aussi peu consensuel, celui qui sort de la tranchée a toutes les chances d'être assassiné, surtout s'il le fait de façon aussi arrogante et irréfléchie que Dominique de Villepin.
Villepin n'est-il pas d'abord victime de Chirac ?
Villepin et Chirac, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Le premier est à côté du second depuis onze ans et a été partie prenante de toutes les erreurs du Président, à commencer par la brillante dissolution de 1997. On espérait seulement qu'il aurait un peu plus de fermeté et de dignité dans l'épreuve que son maître, par exemple en démissionnant au terme de sa tentative au lieu de se résigner à cautionner le contraire de ce qu'il avait annoncé. On s'était trompé et on a découvert que Villepin n'était, comme jadis Daladier, qu'un «roseau peint en fer». Par son mélange de rodomontades et d'«à-plat-ventrisme», il a montré qu'il était le digne émule de Jacques Chirac. Villepin, c'est un perroquet qui a voulu se faire passer pour un aigle. Sans grand succès.
Qu'est-ce que cette crise révèle du fonctionnement de nos institutions ? Comment y remédier, alors qu'à gauche comme à droite les projets de réforme institutionnelle se multiplient pour 2007 ?
Cette crise révèle l'impuissance de l'Etat fort. La France reste «cette terre de commandement» décrite par Crozier il y a un demi-siècle, à ceci près que personne n'y obéit plus. Le général de Gaulle avait cru possible d'assurer l'efficacité de l'Etat en musclant l'exécutif et en donnant tant au gouvernement qu'au Président les moyens de s'imposer au Parlement. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que les titulaires de ce pouvoir seraient aussi faiblement représentatifs de l'opinion : avec 19 % des suffrages exprimés au premier tour de son élection, Chirac dispose aujourd'hui de 100 % des pouvoirs institutionnels. Du coup, le polygone de sustentation de pouvoir est trop étroit. Et la réforme, même votée, validée et promulguée, finit par être rejetée. Il est essentiel que le Parlement redevienne un lieu de délibération et de décision respecté du peuple, ce qui implique que la loi ne soit pas votée par une fausse majorité représentative d'un Français sur cinq. Plus le processus législatif sera lent, sillonné d'embûches, peuplé de négociations, jalonné de compromis, plus le Parlement sera respecté, et moins la tentation de la rue sera forte. Ceci milite en faveur de l'instauration de la représentation proportionnelle.
Lien: http://www.liberation.fr/page.php?Article=374626
Conférence à Utrecht
Le 13 je participerai à une conférence à l'Université d'Utrecht sur le thème "Quartiers sans crise. Frans-Nederlands Brokerage Event Grootstedelijke Problematiek". Il y aura un discours de Duyvendak et j'aurai la joie de répondre aux propositions de Hans Werdmölder, criminologue, qui a écrit le fameux "Marokkaanse lievertjes". Intéressant, non?
Nouveau conseil
Ce soir a eu lieu le nouveau conseil. Séance marathon (4h30) mais assez touchante. Sans rentrer trop dans les détails, nous avons discuté le programme de coalition (PvdA-GroenLinks), le VVD et le D66 critiquant le fait que tout n'était pas inscrit dans le détail. C'est justement la force de ce programme: les grandes lignes sont claires, mais nous voulons laisser un espace politique pour l'opposition (en gros, le VVD) et les citoyens.
Nous avons ensuite élu le nouvel exécutif: Egbert de Vries et Eddy Lindhorst pour les travaillistes et Paul van Grieken et Lieke Thesingh pour les verts. Elus presque à l'unanimité: bravo!
Il est intéressant de noter qu'il y a donc 25% de femmes (la moyenne nationale est à 16%) et 75% d'homos (50% hommes, 25% femme). Si les minorités ethniques ne sont pas représentées (elles le sont, un peu, au sein du conseil), les minorités sexuelles le sont bien. L'homme hétéro qui reste est un jeune (33 ans) et un vert, donc pas franchement l'homme blanc de pouvoir auquel on associe volontier le rôle d'échevin. Bref: Vive Amsterdam!
Enfin, dernière remarque: le respect des procédures démocratiques et l'insistance portée au professionalisme et à l'absence de corruption sont rafraîchissants. En pleine débâcle de la droite corrompue et/ou autoritaire en France et en Italie, on peut dire que, de ce point de vue, il fait bon vivre aux Pays-Bas. J'ai beaucoup été touché par le respect que se portent les anciens échevins et élus, au delà de leurs différences politiques (parfois très marquées). Point de populisme extrême, même de la part des micro-partis locaux.
Le plus grand défi de ce nouveau conseil et des nouveaux échevins va maintenant de réaliser un programme politique ambitieux, et de rester à l'écoute du peuple.
Nous avons ensuite élu le nouvel exécutif: Egbert de Vries et Eddy Lindhorst pour les travaillistes et Paul van Grieken et Lieke Thesingh pour les verts. Elus presque à l'unanimité: bravo!
Il est intéressant de noter qu'il y a donc 25% de femmes (la moyenne nationale est à 16%) et 75% d'homos (50% hommes, 25% femme). Si les minorités ethniques ne sont pas représentées (elles le sont, un peu, au sein du conseil), les minorités sexuelles le sont bien. L'homme hétéro qui reste est un jeune (33 ans) et un vert, donc pas franchement l'homme blanc de pouvoir auquel on associe volontier le rôle d'échevin. Bref: Vive Amsterdam!
Enfin, dernière remarque: le respect des procédures démocratiques et l'insistance portée au professionalisme et à l'absence de corruption sont rafraîchissants. En pleine débâcle de la droite corrompue et/ou autoritaire en France et en Italie, on peut dire que, de ce point de vue, il fait bon vivre aux Pays-Bas. J'ai beaucoup été touché par le respect que se portent les anciens échevins et élus, au delà de leurs différences politiques (parfois très marquées). Point de populisme extrême, même de la part des micro-partis locaux.
Le plus grand défi de ce nouveau conseil et des nouveaux échevins va maintenant de réaliser un programme politique ambitieux, et de rester à l'écoute du peuple.
mercredi 12 avril 2006
Noyau du pouvoir
En observant ce qui se passe au niveau de la fraction ici à Oud-Zuid, mais aussi au niveau de la ville d'Amsterdam, on peut voir que si les principes démocratiques sont respectés (vote de la fraction, vote au sein du parti, vote au nieavu du Conseil municipal, nombreuses discussions à tous els niveaux), il est des décisions qui sont prises à un autre niveau. On voit par exemple que certains candidats-échevin ont eu un soutien très clair de certains membres, alors qu'aucune campagne digne de ce nom a eu lieu (un email avec un lettre de motivation et un CV pour toute campagne). D'autres formes de décisions (nature de la coalition, termes des négociations) semblent avoir été prises avant les discussions formelles au sein de fractions. Il y a donc un "cercle de pouvoir" informel. C'est normal, cela se passe ainsi partout.
La question est maintenant: comment savoir ce qui s'y passe, et éventuellement, comment en faire partie? Je vais enquêter et essayer de me renseigner.
La question est maintenant: comment savoir ce qui s'y passe, et éventuellement, comment en faire partie? Je vais enquêter et essayer de me renseigner.
Combat politico-scientifique
Le combat entre le rédacteur du dernier rapport du WRR et les partis de droite continue... Il faudrait que je le lise. En attendant, ce n'est pas pour rien que Hirsi Ali ou Verhagen crient au loup (relayés par le réactionnaire et très islamophobe Telegraaf): quoiqu'on pense de la façon dont il faut agir vis à vis du Hamas, le gouvernement néerlandais s'est bien illustré par son islamophobie, voire son arabophobie. Au lieu de discuter sur le fond, la droite a donc choisi d'agiter la menace terroriste, et de critiquer le messager, en la personne du rédacteur du rapport. Je ne suis pas vraiment surpris, ni impressionné. La pauvreté de la pensée du gouvernement sur le sujet est affligeante.
Résumé de la presse: Le NRC-Handelsblad résumait hier soir à sa une la rapport du WRR sous le titre « WRR - il faut établir des liens avec le Hamas », et relevait dans son sous-titre la « colère du CDA et du VVD ». Le Volkskrant souligne lui aussi que « le WRR a touché un point sensible ».« Les Pays-Bas ne doivent pas refuser le dialogue avec des organisations musulmanes modérées du monde arabe », en retient le grand journal du soir. « Et les pays occidentaux doivent également établir des liens avec le parti palestinien radical Hamas ainsi qu’avec le mouvement islamiste Hezbollah. Telles sont les recommandations du rapport ‘Dynamik in Islamistisch activisme’ (dynamique de l’activisme islamiste) publié par le WRR, le principal organisme de conseil du gouvernement. Les Pays-Bas et les autres pays européens doivent apporter un soutien à la démocratisation des pays musulmans et ne doivent pas continuer de concentrer leur aide sur les organisations et les partis non islamistes. Selon le WRR, les responsables politiques néerlandais sont co-responsables du ‘climat de confrontation et de stéréotypes’ qui s’est installé autour de l’Islam. L’activisme islamiste est plus différencié et plus moderne qu’on ne le pense généralement et offre des possibilités de faire progresser la démocratie et les droits de l’Homme. » « Le WRR estime qu’aux Pays-Bas comme à l’extérieur, les musulmans sont entrés dans une période de modernisation. Le Hamas et le Hezbollah sont progressivement entrés dans un processus d’ ‘institutionnalisation’. Le WRR se montre positif vis-à-vis de la fondation d’un parti musulman, ou d’un ‘parti pour lequel la sharia constitue une source d’inspiration’ ; il juge injustes les ‘réactions de peur’ qui se sont manifestées lors de la création de la Ligue Arabe Européenne en 2003. »
« Les représentants des grands partis gouvernementaux CDA et VVD se sont montrés offusqués devant ce rapport de plus de 200 pages, qui sera officiellement remis le 12 avril au ministre des affaires étrangères M. Bot (CDA). Maxim Verhagen, le Président du groupe CDA, se déclare ‘très étonné’ des propos tenus à déclarations à l’ANP par un collaborateur du WWR, M. Schoonenboom. Selon ce dernier, Verhagen se serait rendu coupable de manipulation de l’opinion en se montrant hostile aux partis voulant introduire la sharia. Un porte-parole du CDA a fait savoir à ce propos que ‘le WRR ne se fonde pas sur des faits, mais il se livre à des appréciations politiques inexactes’. Pour la députée VVD Hirsi Ali, le W. de WRR correspond à ‘Wereldvreemd’ (étranger à ce monde). Elle demande d’urgence une réaction du gouvernement et souhaite que Premier ministre se distancie des recommandations de ce rapport. »
Le Volkskrant précise que « le gouvernement a l’obligation légale de faire connaître sa réaction par rapport aux recommandations du WRR ». Les députés Wilders et Hirsi Ali espèrent que ce sera le cas à l’occasion d’un débat d’urgence. Ces recommandations sont qualifiées de « sornettes » par l’éditorialiste du Telegraaf. « Cette estimable institution, généralement auteur d’intéressants rapports, critique à juste titre les jugements négatifs et sans nuance portés ça et là aux Pays-Bas sur l’Islam en général. Mais ce que nous a chanté son auteur avant même sa présentation officielle n’a ni queue ni tête. En tant que chercheur, il n’a pas à se mêler de politique, qui plus est sur la base de postulats douteux. Le leader CDA a eu raison de parler de ‘sornettes’. Pire, ce rapport demande au gouvernement néerlandais d’aller parler avec des mouvements terroristes comme le Hezbollah au Liban ou le Hamas dans les territoires palestiniens ; c’est stupéfiant. Pour devenir de possibles interlocuteurs, ceux-ci doivent commencer par reconnaître le droit à l’existence d’Israël et renoncer à la violence. Tout dialogue sans ces conditions préalables ouvre la porte à une violence accrue de leur part. Plus généralement, notre ‘chercheur’ trouve que la lutte contre le terrorisme a dérapé : il pose un regard bien naïf sur le monde. On ne peut tirer qu’une seule conclusion de tant de sottises : il est temps que le WRR révise ses procédures de recrutement ».
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7118
Résumé de la presse: Le NRC-Handelsblad résumait hier soir à sa une la rapport du WRR sous le titre « WRR - il faut établir des liens avec le Hamas », et relevait dans son sous-titre la « colère du CDA et du VVD ». Le Volkskrant souligne lui aussi que « le WRR a touché un point sensible ».« Les Pays-Bas ne doivent pas refuser le dialogue avec des organisations musulmanes modérées du monde arabe », en retient le grand journal du soir. « Et les pays occidentaux doivent également établir des liens avec le parti palestinien radical Hamas ainsi qu’avec le mouvement islamiste Hezbollah. Telles sont les recommandations du rapport ‘Dynamik in Islamistisch activisme’ (dynamique de l’activisme islamiste) publié par le WRR, le principal organisme de conseil du gouvernement. Les Pays-Bas et les autres pays européens doivent apporter un soutien à la démocratisation des pays musulmans et ne doivent pas continuer de concentrer leur aide sur les organisations et les partis non islamistes. Selon le WRR, les responsables politiques néerlandais sont co-responsables du ‘climat de confrontation et de stéréotypes’ qui s’est installé autour de l’Islam. L’activisme islamiste est plus différencié et plus moderne qu’on ne le pense généralement et offre des possibilités de faire progresser la démocratie et les droits de l’Homme. » « Le WRR estime qu’aux Pays-Bas comme à l’extérieur, les musulmans sont entrés dans une période de modernisation. Le Hamas et le Hezbollah sont progressivement entrés dans un processus d’ ‘institutionnalisation’. Le WRR se montre positif vis-à-vis de la fondation d’un parti musulman, ou d’un ‘parti pour lequel la sharia constitue une source d’inspiration’ ; il juge injustes les ‘réactions de peur’ qui se sont manifestées lors de la création de la Ligue Arabe Européenne en 2003. »
« Les représentants des grands partis gouvernementaux CDA et VVD se sont montrés offusqués devant ce rapport de plus de 200 pages, qui sera officiellement remis le 12 avril au ministre des affaires étrangères M. Bot (CDA). Maxim Verhagen, le Président du groupe CDA, se déclare ‘très étonné’ des propos tenus à déclarations à l’ANP par un collaborateur du WWR, M. Schoonenboom. Selon ce dernier, Verhagen se serait rendu coupable de manipulation de l’opinion en se montrant hostile aux partis voulant introduire la sharia. Un porte-parole du CDA a fait savoir à ce propos que ‘le WRR ne se fonde pas sur des faits, mais il se livre à des appréciations politiques inexactes’. Pour la députée VVD Hirsi Ali, le W. de WRR correspond à ‘Wereldvreemd’ (étranger à ce monde). Elle demande d’urgence une réaction du gouvernement et souhaite que Premier ministre se distancie des recommandations de ce rapport. »
Le Volkskrant précise que « le gouvernement a l’obligation légale de faire connaître sa réaction par rapport aux recommandations du WRR ». Les députés Wilders et Hirsi Ali espèrent que ce sera le cas à l’occasion d’un débat d’urgence. Ces recommandations sont qualifiées de « sornettes » par l’éditorialiste du Telegraaf. « Cette estimable institution, généralement auteur d’intéressants rapports, critique à juste titre les jugements négatifs et sans nuance portés ça et là aux Pays-Bas sur l’Islam en général. Mais ce que nous a chanté son auteur avant même sa présentation officielle n’a ni queue ni tête. En tant que chercheur, il n’a pas à se mêler de politique, qui plus est sur la base de postulats douteux. Le leader CDA a eu raison de parler de ‘sornettes’. Pire, ce rapport demande au gouvernement néerlandais d’aller parler avec des mouvements terroristes comme le Hezbollah au Liban ou le Hamas dans les territoires palestiniens ; c’est stupéfiant. Pour devenir de possibles interlocuteurs, ceux-ci doivent commencer par reconnaître le droit à l’existence d’Israël et renoncer à la violence. Tout dialogue sans ces conditions préalables ouvre la porte à une violence accrue de leur part. Plus généralement, notre ‘chercheur’ trouve que la lutte contre le terrorisme a dérapé : il pose un regard bien naïf sur le monde. On ne peut tirer qu’une seule conclusion de tant de sottises : il est temps que le WRR révise ses procédures de recrutement ».
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7118
Stratégies de long terme
Ce soir, c'est le premier conseil municipal officiel pour mes collègues élus à Amsterdam Oud-Zuid et moi-même. C'est ce soir qu'on élit officiellement le bourgmestre (+/- maire) et les 4 échevins (+/- conseillers municipaux; a priori, 2 travaillistes et 2 verts). Les portefeuilles sont déjà partagés pour les échevins, mais au sein de la fraction du parti travailliste, les jeux sont encore ouverts, puisque c'est seulement dans une dizaine de jour, lors du ouiquenne de travail, que chacun va expliquer ce à quoi il/elle compte s'intéresser, et comment.
En ce qui me concerne, un sujet m'intéresse énormément, c'est les entreprises. Cela peut paraître bizarre vu que ma spécialité est l'émancipation des minorités. En fait, je vous rappelle que j'ai étudié l'économie à science po et que mes résultats étaient tels qu'on m'avait proposé de m'orienter vers la section économie et finances. A l'époque je pensais devenir haut fonctionnaire et avais opté pour la section service public, où on nous a abreuvé de sociologie et de droit (public, européen, international... beurk à l'époque, depuis je suis heureux d'avoir des bases juridiques). Plus tard, à l'Université d'Utrecht, on m'a demandé d'enseigner l'économie, et à ma grande surprise j'ai adoré, et les élèves aussi.
En fait, si on y regarde bien, les entreprises sont le deuxième lieu de sociabilité des adultes et surtout des jeunes adultes après la famille (pour ceux qui en ont une). C'est l'endroit où le lien social se crée, et où la tolérance est jour après jour mise à l'épreuve. Par ailleurs, ce sont les entreprises (surtout petites et moyennes dans le quartier) qui créent de la richesse et animent les rues du quartier. Par uniquement ce qu'on appelle ici le "horeca" (les restaurateurs), mais aussi les entreprises technologiques, culturelles ou de service, voire de production (constructeurs de vélos par exemple).
Par ailleurs, le parti travailliste a besoin de se profiler vis-à-vis des entreprises, surtout maintenant que le parti libéral (VVD) est dans l'opposition. Voilà les thèmes qui me semblent importants:
1°) économiquement la gauche ne diffère pas énormément de la droite quant aux mesures. Par contre, par le fait qu'elle promeut une atmosphère sociale apaisée et une bonne ambiance générale, l'économie a toujours profité, historiquement, de la "gauche" au pouvoir (pensez Blair, Jospin, Clinton, Kok...). En promouvant une société apaisée et une cohésion sociale plus poussée, nous pouvons nous assurer que l'atmosphère est bonne pour les entreprises et que la consommation dans le quartier repart à la hausse. La confiance, c'ets le principal moteur de l'économie.
2°) les règles municipales semblent opaques et compliquées à beaucoup de petites entreprises. C'est à nous de simplifier ce qui peut l'être, et d'aider les entrepreneurs dans leurs démarches pour que les problèmes administratifs ou réglementaires n'interfèrent par trop. Respecter les règles si elles sont juste, oui, harceler les entrepreneur avec des mesures absurdes, non. Il faut un endroit unique, avec un interlocuteur fiable et unique, pour que les entrepreneurs puissent résoudre leurs tracas. Par exemple une "spreekuur" (permanence) avec l'échevin concerné, un élu qui s'y connait et un représentant de la ville d'Amsterdam: au moins on sait à qui parler, et qui est l'interlocuteur qui aide à résoudre les problèmes.
3°) quand on regarde la composition sociale du quartier, ont rouve beaucoup d'entrepreneurs d'origines diverses ne maîtrisant pas toujours les subtilités du droit fiscal hollandais ou les normes techniques municipales. Beaucoup renoncent à se lancer dans de belles aventures économiques à cause d'un manque de connaissance (j'en connais!). C'est peut-être à l'arrondissement d'organiser un bureau où les créateurs et entrepreneurs peuvent obtenir de l'aide, éventuellement en anglais, français ou allemand...
4°) enfin, si l'arrondissement fait de son mieux pour les entreprises, les entreprises ne peuvent pas refuser de faire de leur mieux pour l'arrondissement: inclusion de tous, par les services ou l'emploi, jeunes et vieux, riches et pauvres, aloochtones et autochtones. Plutôt que de forcer les entreprises à embaucher les jeunes qui sont exclus, je fais le pari (naïf?) que l'augmentation du nombre d'entrepreneur d'origines diverses fera automatiquement augmenter le nombre de stages et d'emploi ouverts aux minorités. Car, enfin, soyons francs: un entrepreneur qui exerce dans un quartier aussi mélangé ne peut pas se premettre de ne pas diversifier son personnel.
Bon, on va voir si le parti me laisse la possibilité de réaliser (de façon collective, c'est évident, avec l'aide des autres partis, même le VVD) un tel programme. Il va falloir convaincre mes collègues du bienfondé de ce projet, et, qui sait, peut-être qu'Oud-Zuid deviendra un modèle pour le reste du pays...
En ce qui me concerne, un sujet m'intéresse énormément, c'est les entreprises. Cela peut paraître bizarre vu que ma spécialité est l'émancipation des minorités. En fait, je vous rappelle que j'ai étudié l'économie à science po et que mes résultats étaient tels qu'on m'avait proposé de m'orienter vers la section économie et finances. A l'époque je pensais devenir haut fonctionnaire et avais opté pour la section service public, où on nous a abreuvé de sociologie et de droit (public, européen, international... beurk à l'époque, depuis je suis heureux d'avoir des bases juridiques). Plus tard, à l'Université d'Utrecht, on m'a demandé d'enseigner l'économie, et à ma grande surprise j'ai adoré, et les élèves aussi.
En fait, si on y regarde bien, les entreprises sont le deuxième lieu de sociabilité des adultes et surtout des jeunes adultes après la famille (pour ceux qui en ont une). C'est l'endroit où le lien social se crée, et où la tolérance est jour après jour mise à l'épreuve. Par ailleurs, ce sont les entreprises (surtout petites et moyennes dans le quartier) qui créent de la richesse et animent les rues du quartier. Par uniquement ce qu'on appelle ici le "horeca" (les restaurateurs), mais aussi les entreprises technologiques, culturelles ou de service, voire de production (constructeurs de vélos par exemple).
Par ailleurs, le parti travailliste a besoin de se profiler vis-à-vis des entreprises, surtout maintenant que le parti libéral (VVD) est dans l'opposition. Voilà les thèmes qui me semblent importants:
1°) économiquement la gauche ne diffère pas énormément de la droite quant aux mesures. Par contre, par le fait qu'elle promeut une atmosphère sociale apaisée et une bonne ambiance générale, l'économie a toujours profité, historiquement, de la "gauche" au pouvoir (pensez Blair, Jospin, Clinton, Kok...). En promouvant une société apaisée et une cohésion sociale plus poussée, nous pouvons nous assurer que l'atmosphère est bonne pour les entreprises et que la consommation dans le quartier repart à la hausse. La confiance, c'ets le principal moteur de l'économie.
2°) les règles municipales semblent opaques et compliquées à beaucoup de petites entreprises. C'est à nous de simplifier ce qui peut l'être, et d'aider les entrepreneurs dans leurs démarches pour que les problèmes administratifs ou réglementaires n'interfèrent par trop. Respecter les règles si elles sont juste, oui, harceler les entrepreneur avec des mesures absurdes, non. Il faut un endroit unique, avec un interlocuteur fiable et unique, pour que les entrepreneurs puissent résoudre leurs tracas. Par exemple une "spreekuur" (permanence) avec l'échevin concerné, un élu qui s'y connait et un représentant de la ville d'Amsterdam: au moins on sait à qui parler, et qui est l'interlocuteur qui aide à résoudre les problèmes.
3°) quand on regarde la composition sociale du quartier, ont rouve beaucoup d'entrepreneurs d'origines diverses ne maîtrisant pas toujours les subtilités du droit fiscal hollandais ou les normes techniques municipales. Beaucoup renoncent à se lancer dans de belles aventures économiques à cause d'un manque de connaissance (j'en connais!). C'est peut-être à l'arrondissement d'organiser un bureau où les créateurs et entrepreneurs peuvent obtenir de l'aide, éventuellement en anglais, français ou allemand...
4°) enfin, si l'arrondissement fait de son mieux pour les entreprises, les entreprises ne peuvent pas refuser de faire de leur mieux pour l'arrondissement: inclusion de tous, par les services ou l'emploi, jeunes et vieux, riches et pauvres, aloochtones et autochtones. Plutôt que de forcer les entreprises à embaucher les jeunes qui sont exclus, je fais le pari (naïf?) que l'augmentation du nombre d'entrepreneur d'origines diverses fera automatiquement augmenter le nombre de stages et d'emploi ouverts aux minorités. Car, enfin, soyons francs: un entrepreneur qui exerce dans un quartier aussi mélangé ne peut pas se premettre de ne pas diversifier son personnel.
Bon, on va voir si le parti me laisse la possibilité de réaliser (de façon collective, c'est évident, avec l'aide des autres partis, même le VVD) un tel programme. Il va falloir convaincre mes collègues du bienfondé de ce projet, et, qui sait, peut-être qu'Oud-Zuid deviendra un modèle pour le reste du pays...
mardi 11 avril 2006
La clé du bonheur
Je lis pas mal d'articles dans la presse néerlandaise sur le "conservatisme" de la rue française et sur le fait que les Français refusent de comprendre le sens de l'histoire. Après mon débat sur Radio 1, j'ai eu un débat passionné avec l'économiste de service pour qui la flexibilité était la seule manière de survivre, et qu'on n'avait pas le choix.
Heureusement, dans le NRC Handelsblad de ce ouiquenne, un économiste "progressiste" a écrit un texte qui en tous point correspond au fond de ma pensée sur le sujet. Pour Paul de Beer (voir http://www.waterlandstichting.nl/ son think tank progressiste), l'économie est fétichisée: au lieu d'être un moyen de fournir de quoi être heureux, elle est devenue un but en soi. Et les manifestants en France tout comme les Néerlandais qui ont voté "nee" le savent: le bonheur ne tient pas à notre compétitivité ou notre faculté à produire de l'électronique pas cher ou des services fabuleux, mais à quelques choses simples.
1°) avoir assez d'argent pour avoir un toit, de quoi manger et être en bonne santé. Les économistes évaluent ça à une vingtaine de milliers de dollars par an et par habitant. Au-delà, les seuls bonheur que l'on tire de l'argent c'est si on en a alors qu'on en a manqué, et si on en a beaucoup plus que les autres.
2°) ce qui favorise le bonheur, c'est la stabilité et la prédictabilité de la vie: être sûr qu'on va garder sa maison, sa famille, son boulot
3°) enfin, ce qui crée du bonheur, outre des relations amicales et familiales stables et harmonieuses (déménager ou changer de travail est facteur de stress pour les personnes et leur entourage), c'est le plaisir dans le travail. Cela veut dire une relation saine avec la hiérarchie, des conditions de travail satisfaisantes, et une relation équilibrée entre employeurs et employés.
L'idée de Paul de Beer, si j'ai bien compris, est qu'il faut écouter la rue et remettre à plat nos priorités. Doit-on tout sacrifier à la croissance? Entre stabilité et dynamisme, où place-t-on le curseur? Cela dit, qui décide de cela? Et c'est bien là que le bât blesse: des technocrates, des économistes de renom et des eurocrates nous expliquent que nos sacrifices sont nécessaires pour stimuler la croissance et la compétitivité de notre économie. Mais personne ne nous a demandé si c'était cela que nous voulions.
Et c'est bien le message des étudiants de Poitiers ou des nonistes néerlandais: c'est au peuple de décider des priorités. Ensuite seulement nous aviserons des meilleurs moyens de réaliser ces priorités.
Heureusement, dans le NRC Handelsblad de ce ouiquenne, un économiste "progressiste" a écrit un texte qui en tous point correspond au fond de ma pensée sur le sujet. Pour Paul de Beer (voir http://www.waterlandstichting.nl/ son think tank progressiste), l'économie est fétichisée: au lieu d'être un moyen de fournir de quoi être heureux, elle est devenue un but en soi. Et les manifestants en France tout comme les Néerlandais qui ont voté "nee" le savent: le bonheur ne tient pas à notre compétitivité ou notre faculté à produire de l'électronique pas cher ou des services fabuleux, mais à quelques choses simples.
1°) avoir assez d'argent pour avoir un toit, de quoi manger et être en bonne santé. Les économistes évaluent ça à une vingtaine de milliers de dollars par an et par habitant. Au-delà, les seuls bonheur que l'on tire de l'argent c'est si on en a alors qu'on en a manqué, et si on en a beaucoup plus que les autres.
2°) ce qui favorise le bonheur, c'est la stabilité et la prédictabilité de la vie: être sûr qu'on va garder sa maison, sa famille, son boulot
3°) enfin, ce qui crée du bonheur, outre des relations amicales et familiales stables et harmonieuses (déménager ou changer de travail est facteur de stress pour les personnes et leur entourage), c'est le plaisir dans le travail. Cela veut dire une relation saine avec la hiérarchie, des conditions de travail satisfaisantes, et une relation équilibrée entre employeurs et employés.
L'idée de Paul de Beer, si j'ai bien compris, est qu'il faut écouter la rue et remettre à plat nos priorités. Doit-on tout sacrifier à la croissance? Entre stabilité et dynamisme, où place-t-on le curseur? Cela dit, qui décide de cela? Et c'est bien là que le bât blesse: des technocrates, des économistes de renom et des eurocrates nous expliquent que nos sacrifices sont nécessaires pour stimuler la croissance et la compétitivité de notre économie. Mais personne ne nous a demandé si c'était cela que nous voulions.
Et c'est bien le message des étudiants de Poitiers ou des nonistes néerlandais: c'est au peuple de décider des priorités. Ensuite seulement nous aviserons des meilleurs moyens de réaliser ces priorités.
Neutralité en question
Le conflit qui oppose le WRR (comité scientifique qui est sensé aider le gouvernement à prendre des décisions et dont les rapports font en général autorité) au parti chrétien-démocrate (CDA) sur la question de l'Islam est intéressant, car il pose la question de la responsabilité sociale des chercheurs: sont-ils au service du gouvernement (c'est à dire des personnes qui le composent) ou sont-ils au service du bien commun, à travers ses conseils au gouvernement?
Je suis laïc et agnostique, et je ne suis ni vraiment bienveillant, ni vraiment hostile à l'Islam. Je pense juste que, quelle que soit sa religion (ou son absence), chacun doit être traité de façon respectable par le gouvernement. Le WRR marque un point en notant que ce n'est pas le cas: ce n'est pas au gouvernement à organiser les religions, à distribuer les bons points et lancer des anathèmes. Son rôle est d'être aussi neutre que possible et s'assurer de la sécurité de tous (je dis bien "tous") quelle que puisse être sa culture ou la nature de sa spiritualité.
Mais cela reviendrait à remettre en cause les privilèges dont jouissent certains groupes religieux aux Pays-Bas, et souligner l'absence de neutralité étatique sur le sujet. Forcément, le CDA n'est pas trop d'accord...
Dans la presse néerlandaise: Le Telegraaf et le Volkskrant se font l’écho d’un différend opposant le Conseil Scientifique pour la Politique Gouvernementale (WRR) et le président du groupe parlementaire CDA Maxim Verhagen.« Le président du groupe Chrétien démocrate est furieux contre le WRR qui parle de ‘manipulation de l’opinion’ à propos de l’Islam. Jan Schoonenboom, membre de ce Conseil gouvernemental, à parlé lundi soir d’ ‘Islam-bashing’ et qualifié d’ ‘irresponsables’ certaines déclarations de Maxim Verhagen. Il se déclare également favorable à l’établissement de relations avec le Hezbollah au Liban et le Hamas dans les territoires palestiniens. Selon Verhagen, il ne revient pas au WRR de s’exprimer sur ces questions et les déclarations de M. Schoonenboom ne reposeraient pas sur des faits : ‘ce sont des sornettes, c’est de la politique de cabinet de travail’. Schoonenboom a fait ces déclarations à l’occasion d’interviews accordées à Netwerk et à l’ANP, anticipant la publication du rapport ‘Dynamiek in islamitisch activisme’ (dynamique de l’activisme musulman). Selon ce rapport, les responsables politiques, les leaders d’opinion et les citoyens porteraient souvent un jugement injustement négatif sur l’Islam. »(VK)
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7117
Je suis laïc et agnostique, et je ne suis ni vraiment bienveillant, ni vraiment hostile à l'Islam. Je pense juste que, quelle que soit sa religion (ou son absence), chacun doit être traité de façon respectable par le gouvernement. Le WRR marque un point en notant que ce n'est pas le cas: ce n'est pas au gouvernement à organiser les religions, à distribuer les bons points et lancer des anathèmes. Son rôle est d'être aussi neutre que possible et s'assurer de la sécurité de tous (je dis bien "tous") quelle que puisse être sa culture ou la nature de sa spiritualité.
Mais cela reviendrait à remettre en cause les privilèges dont jouissent certains groupes religieux aux Pays-Bas, et souligner l'absence de neutralité étatique sur le sujet. Forcément, le CDA n'est pas trop d'accord...
Dans la presse néerlandaise: Le Telegraaf et le Volkskrant se font l’écho d’un différend opposant le Conseil Scientifique pour la Politique Gouvernementale (WRR) et le président du groupe parlementaire CDA Maxim Verhagen.« Le président du groupe Chrétien démocrate est furieux contre le WRR qui parle de ‘manipulation de l’opinion’ à propos de l’Islam. Jan Schoonenboom, membre de ce Conseil gouvernemental, à parlé lundi soir d’ ‘Islam-bashing’ et qualifié d’ ‘irresponsables’ certaines déclarations de Maxim Verhagen. Il se déclare également favorable à l’établissement de relations avec le Hezbollah au Liban et le Hamas dans les territoires palestiniens. Selon Verhagen, il ne revient pas au WRR de s’exprimer sur ces questions et les déclarations de M. Schoonenboom ne reposeraient pas sur des faits : ‘ce sont des sornettes, c’est de la politique de cabinet de travail’. Schoonenboom a fait ces déclarations à l’occasion d’interviews accordées à Netwerk et à l’ANP, anticipant la publication du rapport ‘Dynamiek in islamitisch activisme’ (dynamique de l’activisme musulman). Selon ce rapport, les responsables politiques, les leaders d’opinion et les citoyens porteraient souvent un jugement injustement négatif sur l’Islam. »(VK)
Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7117
mercredi 5 avril 2006
Toujours malade
Je crois que la campagne électorale m'a coûté beaucoup d'énergie, si j'en juge à l'horrible crève qui s'est superposée à ma grippe. Je suis en phase d'apprentissage (soirées organisées par l'administration de l'arrondissement d'Amsterdam Oud Zuid pour les nouveaux élus) et j'essaye dê ne pas trop me faire larguer, vu mon état de fatigue.
Dès que je vais mieux, je raconte dans le détail ce que j'y ai appris et les fascinants personnages que j'ai rencontrés sur place. J'en profite pour envoyer un message à ceux qui sont eux aussi malades (dont la pauvre Floor): je sais à quel point cette grippe est méchante, believe me!
Dès que je vais mieux, je raconte dans le détail ce que j'y ai appris et les fascinants personnages que j'ai rencontrés sur place. J'en profite pour envoyer un message à ceux qui sont eux aussi malades (dont la pauvre Floor): je sais à quel point cette grippe est méchante, believe me!
mardi 4 avril 2006
Sur Radio 1
Demain matin je débats en direct des derniers événements en France et de la flexibilité du marché du travail sur Radio 1 (Vara). A vos postes!
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samedi 1 avril 2006
France - Pays-Bas
"Quel est le rapport entre ce qui se passe en France avec le CPE et les Pays-Bas?" "Doit-on s'attendre à une contagion entre Paris et Amsterdam?" "Y aura-t-il des manifestations aux Pays-Bas?"
En fait, c'est le genre de questions qu'on me pose ces derniers temps. Mais ce n'est pas vraiment comme ça qu'il faut raisonner. En fait, je pense sincèrement que, politiquement, les Pays-Bas diffèrent fondamentalement de la France pour la simple raison que, malgré les provocations et les ruades du gouvernement Balkenende, la culture de l'opposition frontale est très faible dans le plat pays. On préfère toujours discuter avant de promulguer, et c'est en soi une différence fondamentale avec la France. Il y a donc très peu de risques, à court terme, de connaître des occupations d'universités et de lycées et de se retrouver avec des centaines de milliers de personnes dans la rue.
Groupes vulnérables sacrifiés
En ce qui concerne les chiffres comparés du chômage, il y a certes des différences. Le chômage des jeunes est deux fois moindre en Hollande qu'en France. Cependant, quand on y regarde de plus près, la faible participation des femmes et le fait que les travailleurs d'origines ethniques diverses (en gros, tous les non-blancs) connaissent des chiffres de chômage aussi mauvais que les chiffres français, me posent problème.
Tout se passe comme si la variable d'ajustement est, aux Pays-Bas, les femmes et les allochtones, jeunes et vieux. Cela veut dire que les hommes autochtones ne s'en sortent pas trop mal, même les jeunes, mais cela veut aussi dire que certaines populations vulnérables sont beaucoup plus exposées à la pauvreté et à l'exclusion, même si elles travaillent (75% des femmes qui travaillent le font à temps partiel, et la grande majorité des travailleurs à temps partiel le font alors qu'ils aimeraient travailler à plein temps).
La France comme lieu de cristalisation des nouveaux modèles
En fait, le problème des événements récents en France est de nature différente: ils sont le lieu de cristalisation d'idées nouvelles, qui circulent depuis longtemps en Europe, et qui vont donner naissance à des mouvements politiques de fond. Quand on pense aux mouvements sociaux majeurs de l'histoire moderne (de la Révolution de 1789 à celles de 1848 ou 1968), ce qui se passe en France a systématiquement des répercussions dans le reste de l'Europe, positives ou négatives. Les Pays-Bas sont d'autant plus vulnérables qu'économiquement ils dépendent aussi de l'état de l'économie française, mais surtout qu'une partie des idées et mouvements politiques doivent beaucoup (de façon positive ou négative, voir par exemple l'influence de Le Pen et Sarkozy sur Verdonk ou les partis contre-révolutionnaires d'il y a 100 ans) aux modèles synthétisés en France.
Quand on regarde ce qui se passe à Poitiers par exemple, on a affaire à des étudiants qui ne sont plus politisés selon les critères traditionnels (et que la presse internationale, qui parfois ne comprend vraiment rien, nomme à tort "réactionaires") mais qui ont une conscience politique très aiguisée, avec une culture très large et une connaissance des théories altermondialistes, des expériences de démocratie participative et une connaissance philosophique impressionnantes. Ils arrivent après plus de 5 ans de mouvement des "précaires", de recherches sociologiques sur le pouvoir, l'économie, le libéralisme, la précarité, l'identité et le sens du collectif. Ils sont soutenus par des jeunes intellectuels brillants, des associations à la pointe et des mouvements d'artistes. Il est évident que cela va, d'une manière ou d'une autre, déboucher sur quelque chose.
Réformes ou révolution?
La question, désormais, est de savoir comment le pouvoir politique va réagir. On parle beaucoup de situation pré-révolutionnaire, surtout depuis les émeutes de l'automne dernier. Honnêtement, je ne souhaite pas une révolution. Cela finit trop souvent par des massacres et une revanche réactionnaire. J'espère que certains politiciens auront mesuré l'importance de l'enjeu et dépasseront les guéguerres entre éléphants pour savoir qui sera candidat à la présidentielle. Il en va de la situation en France, mais aussi chez ses voisins, dont les Pays-Bas.
Voilà ce à quoi il faudrait s'attaquer très rapidement:
- réformer le système politique pour le rendre plus démocratique et représentatif (scrutin proportionnel à l'Assemblée, changement radical ou disparition du Sénat, non-cumul des mandats, repenser le rôle des syndicats, sortir de la culture d'opposition frontale, lutte contre le clientélisme et la corruption, fusion de beaucoup des 36.000 communes...)
- réformer le système scolaire qui reproduit les élites et empêche la méritocratie (rôle et financement des universités et des grandes écoles, apprentissage, stages, concours, numerus clausus, refonte du système de recherche, méthodes d'enseignement, xénophobie et colonialisme structurel de l'école, laïcité non-islamophobe...)
- réformer le système social et de santé, échanger plus de flexibilité contre plus de garanties de revenus et plus de démocratie dans les entreprises (repenser le fonctionnariat, l'indemnisation chômage, le revenu minimum, les niches de l'impôt, les discriminations)
- commencer à penser au niveau européen: harmoniser les politiques sociales, la politique extérieure, la défense, avoir une vraie démocratie au niveau européen, favoriser le voyage des jeunes dans d'autres pays (un diplôme de pourrait être validé que s'il a été obtenu dans au moins deux pays européens, quitte à dégager des bourses suffisantes)...
Bref, la question n'est pas CPE ou pas CPE (même Chirac ne semble pas trop savoir à quoi s'en tenir), mais s'il va falloir une révolution pour changer les choses ou pas.
En fait, c'est le genre de questions qu'on me pose ces derniers temps. Mais ce n'est pas vraiment comme ça qu'il faut raisonner. En fait, je pense sincèrement que, politiquement, les Pays-Bas diffèrent fondamentalement de la France pour la simple raison que, malgré les provocations et les ruades du gouvernement Balkenende, la culture de l'opposition frontale est très faible dans le plat pays. On préfère toujours discuter avant de promulguer, et c'est en soi une différence fondamentale avec la France. Il y a donc très peu de risques, à court terme, de connaître des occupations d'universités et de lycées et de se retrouver avec des centaines de milliers de personnes dans la rue.
Groupes vulnérables sacrifiés
En ce qui concerne les chiffres comparés du chômage, il y a certes des différences. Le chômage des jeunes est deux fois moindre en Hollande qu'en France. Cependant, quand on y regarde de plus près, la faible participation des femmes et le fait que les travailleurs d'origines ethniques diverses (en gros, tous les non-blancs) connaissent des chiffres de chômage aussi mauvais que les chiffres français, me posent problème.
Tout se passe comme si la variable d'ajustement est, aux Pays-Bas, les femmes et les allochtones, jeunes et vieux. Cela veut dire que les hommes autochtones ne s'en sortent pas trop mal, même les jeunes, mais cela veut aussi dire que certaines populations vulnérables sont beaucoup plus exposées à la pauvreté et à l'exclusion, même si elles travaillent (75% des femmes qui travaillent le font à temps partiel, et la grande majorité des travailleurs à temps partiel le font alors qu'ils aimeraient travailler à plein temps).
La France comme lieu de cristalisation des nouveaux modèles
En fait, le problème des événements récents en France est de nature différente: ils sont le lieu de cristalisation d'idées nouvelles, qui circulent depuis longtemps en Europe, et qui vont donner naissance à des mouvements politiques de fond. Quand on pense aux mouvements sociaux majeurs de l'histoire moderne (de la Révolution de 1789 à celles de 1848 ou 1968), ce qui se passe en France a systématiquement des répercussions dans le reste de l'Europe, positives ou négatives. Les Pays-Bas sont d'autant plus vulnérables qu'économiquement ils dépendent aussi de l'état de l'économie française, mais surtout qu'une partie des idées et mouvements politiques doivent beaucoup (de façon positive ou négative, voir par exemple l'influence de Le Pen et Sarkozy sur Verdonk ou les partis contre-révolutionnaires d'il y a 100 ans) aux modèles synthétisés en France.
Quand on regarde ce qui se passe à Poitiers par exemple, on a affaire à des étudiants qui ne sont plus politisés selon les critères traditionnels (et que la presse internationale, qui parfois ne comprend vraiment rien, nomme à tort "réactionaires") mais qui ont une conscience politique très aiguisée, avec une culture très large et une connaissance des théories altermondialistes, des expériences de démocratie participative et une connaissance philosophique impressionnantes. Ils arrivent après plus de 5 ans de mouvement des "précaires", de recherches sociologiques sur le pouvoir, l'économie, le libéralisme, la précarité, l'identité et le sens du collectif. Ils sont soutenus par des jeunes intellectuels brillants, des associations à la pointe et des mouvements d'artistes. Il est évident que cela va, d'une manière ou d'une autre, déboucher sur quelque chose.
Réformes ou révolution?
La question, désormais, est de savoir comment le pouvoir politique va réagir. On parle beaucoup de situation pré-révolutionnaire, surtout depuis les émeutes de l'automne dernier. Honnêtement, je ne souhaite pas une révolution. Cela finit trop souvent par des massacres et une revanche réactionnaire. J'espère que certains politiciens auront mesuré l'importance de l'enjeu et dépasseront les guéguerres entre éléphants pour savoir qui sera candidat à la présidentielle. Il en va de la situation en France, mais aussi chez ses voisins, dont les Pays-Bas.
Voilà ce à quoi il faudrait s'attaquer très rapidement:
- réformer le système politique pour le rendre plus démocratique et représentatif (scrutin proportionnel à l'Assemblée, changement radical ou disparition du Sénat, non-cumul des mandats, repenser le rôle des syndicats, sortir de la culture d'opposition frontale, lutte contre le clientélisme et la corruption, fusion de beaucoup des 36.000 communes...)
- réformer le système scolaire qui reproduit les élites et empêche la méritocratie (rôle et financement des universités et des grandes écoles, apprentissage, stages, concours, numerus clausus, refonte du système de recherche, méthodes d'enseignement, xénophobie et colonialisme structurel de l'école, laïcité non-islamophobe...)
- réformer le système social et de santé, échanger plus de flexibilité contre plus de garanties de revenus et plus de démocratie dans les entreprises (repenser le fonctionnariat, l'indemnisation chômage, le revenu minimum, les niches de l'impôt, les discriminations)
- commencer à penser au niveau européen: harmoniser les politiques sociales, la politique extérieure, la défense, avoir une vraie démocratie au niveau européen, favoriser le voyage des jeunes dans d'autres pays (un diplôme de pourrait être validé que s'il a été obtenu dans au moins deux pays européens, quitte à dégager des bourses suffisantes)...
Bref, la question n'est pas CPE ou pas CPE (même Chirac ne semble pas trop savoir à quoi s'en tenir), mais s'il va falloir une révolution pour changer les choses ou pas.
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