J'ai lu aujourd'hui un article de la fabuleuse Mona Cholet, qui critique le livre de Vincent Cespedes, "Mélangeons-nous". Je vous invite à aller lire la critique entière directement sur son site: http://www.peripheries.net/f-cespedes.html
Je parle de ce livre et de cette critique car elle abonde dans le début d'analyse que j'ai plusieurs fois tenté de faire sur le communautarisme blanc (voir en particulier ma thèse de doctorat mais aussi quelques articles sur http://www.laurentchambon.com/textes/ ). Je cite quelques passages vraiment bien... Cespedes: «La conception d’une intégration des immigré-es qui préconise leur soumission absolue à la culture dominante se fonde sur la dimension assimilationniste de l’emprise; elle feint d’en oublier la dimension liberticide, la violence à sens unique, l’irrespect le plus total envers la différence de l’Autre, la puissance de désintégration par subordination, dissolution forcée, normalisation, uniformisation, asphyxie.»
Cholet: Vincent Cespedes dénonce à raison la tendance révoltante, et de plus en plus répandue, à prendre acte du racisme en traitant une origine africaine ou maghrébine comme un «handicap» – dans la recherche d’un emploi, par exemple – de même nature qu’une diminution des capacités physiques ou psychiques. Il pose sans mâcher ses mots des constats qui devraient lui valoir tout plein d’amis, par exemple quand il compare les sociétés occidentales contemporaines aux Aztèques qui, autrefois, maintenaient leur cohésion interne en mettant en scène la «destruction grandiose de l’Autre»; il les qualifie de «démocraties néocannibales où les décideurs diabolisent les laissés-pour-compte pour mieux les offrir en sacrifice à une classe moyenne paralysée d’effroi».
[Cespedes] pointe les dégâts causés par la plus grave forme de communautarisme observable actuellement, bien qu’elle soit rendue invisible aux yeux de ses protagonistes par sa longue «sédimentation dans la psyché collective»: le communautarisme blanc, ce seul «communautarisme respectable», ce ghetto «archiverrouillé de l’intérieur», perpétué en toute bonne conscience par des «racistes qui s’ignorent», et qui produit en retour «les ghettos minoritaires qui l’arrangent»: «C’est bien ce communautarisme blanc qui ébranle le modèle républicain, universel et laïc, écrit-il, et non la désespérance spasmodiquement émeutière des laissés-pour-compte! Magnifique avancée des Lumières, l’idéologie républicaine reste un idéal non défendu: il est de facto ruiné par la médiocrité d’une élite gallocentrée, qui en fait un pseudo-universalisme… particulariste!»
On dirait du Chambon 100%, non? Le bouquin ne se limite pas à cette analyse, loin de là. Cespedes parle du porno et des corps surmusclés, ce qui n'est pas sans rappeler les impasses du monde gay hypersexué: Mélangeons-nous offre de superbes passages sur la peur du mélange et de l’abandon qui caractérise l’homme contemporain, et dont Cespedes voit l’un des symptômes dans la valorisation à tout crin du muscle au détriment de la chair: «"Avoir du muscle", "prendre du muscle": le muscle n’est pas la chair que l’on vit, mais la chair que l’on possède. Le muscle, c’est la chair qui ne peut plus ondoyer, ni boire les nuances imperceptibles des caresses, les réverbérations d’une autre chair. Le muscle, c’est la chair qui ne palpite pas mais se contracte ou se décontracte, se gonfle ou se dégonfle, se cramponne à soi-même, pare ou distribue les coups. Le muscle, c’est la chair défendue.»
Bref... lisez ce bouquin!