Il est temps que les Néerlandais voient la vérité en face: ils sont grandement responsables (comme une partie des Français, surtout sous Vichy) de la déportation et du meurtre des Juifs. Alors que le débat a pu être recentré en France depuis les années 1990, ici tout le monde est persuadé que ce sont les méchants Allemands qui les ont tués et que tous les Néerlandais ont été des héros de la résistance. Pliiiize!
"L’historiographie de la persécution des juifs souffre d’une falsification", écrit le Volkskrant à la une. "Les juifs aussi bien que les non-juifs savaient déjà à un stade précoce de la Deuxième guerre mondiale que la mort attendait la population juive dans les camps de concentration. Leur négation de la réalité a été considérée comme fondée dans l’historiographie. Ies Vuijsje parle du ’mythe de l’ignorance’, mythe qu’il démonte dans son livre Tegen beter weten in [contre toute logique], qui paraît aujourd’hui. Les conclusions que Vuijsje en tire sont énormes. Si la population néerlandaise n’avait pas pratiqué la politique de l’autruche, la résistance à l’occupation allemande aurait été beaucoup plus vive et le nombre de survivants plus élevé."
"Vuijsje estime que ce sont surtout les autorités qui ont failli en l’occurrence. Le gouvernement en exil n’aurait pas dû être aussi réservé. Le Conseil Juif, une instance installée par les Allemands, n’aurait dû se montrer aussi docile."
"Ies Vuijsje a découvert l’erreur historique par hasard. Il darde surtout ses traits sur Abel Herzberg, Jacques Presser et Loe de Jong, auteurs d’écrits spécifiques sur la persécution des juifs. ’Ils se sont conformés au mythe’, dit-il. Ainsi, Loe de Jong, dans son ouvrage de base Koninkrijk der Nederlanden, écrit à propos des Néerlandais ’que pratiquement aucun d’eux n’avait conscience dans les années 1940-1945 du sort qui attendait les déportés’."
"Dans son livre, Vuijsje donne toute une série d’exemples qui montrent que la presse légale aussi bien qu’illégale parlait dès 1942 de l’ Endlösung der Judenfrage [solution finale de la question juive] décidée par les Allemands au début de cette année-là. Selon De Jong, ce n’est que dans le courant de 1943 que la vérité sur les gazages massifs est apparue. Vuijsje l’accuse d’avoir manipulé des données pour aboutir à cette conclusion. ’De Jong a dissimulé le fait que le gouvernement néerlandais était au courant du génocide très tôt. Il a failli en tant que scientifique."
"Les dernières décennies, l’historiographie de la Deuxième guerre mondiale a été considérablement nuancée dans de nouvelles publications, mais selon Vuijsje il s’agissait surtout de la distinction rigide entre bons et mauvais Néerlandais."
"Le professeur Ivo Schöffer, qui a lu le manuscrit, estime que Vuijsje met définitivement fin au ’mythe de l’ignorance’. L’ancien professeur d’histoire de l’Université de Leyde avait déjà signalé ce malentendu à De Jong dans les années soixante. Il dit qu’en tant que résistant, il a prévenu en 1942 des juifs d’Amsterdam des conséquences fatales de la déportation. ’De Jong et ses collaborateurs étaient à l’époque d’avis qu’il devait s’agir de connaissance antidatée. Mais je suis sûr d’avoir mis une juive en garde contre la déportation : vous savez quel terrible sort vous attend’.
"Un entretien avec Vuijsje et des citations plus précises figurent dans le cahier Voorkant du journal de centre gauche. Ies (Isaac) Vuijsje, dont les cousins Bert et Herman sont plus connus du grand public, a fait carrière dans les télécommunications et l’informatique. "Tegen beter weten in est son premier livre et il veut bien qu’on le qualifie d’historien amateur, à condition de ne pas employer le terme dans un sens péjoratif. ’Il y a des critères pour la recherche historique et je m’y conforme’."
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