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jeudi 28 avril 2005

Etre sorti du placard rend plus heureux au travail *

Selon une étude de l'Université de Leiden, les homos et lesbiennes qui sont sortis du placard à leur travail obtiennent plus de respect et d'acceptation de la part de leur collègues que ceux qui choisissent de se cacher. Ils se sentent moins isolés, sont plus loyeux vis à vis de leurs collègues et leur entreprise, et sont globalement plus satisfaits de leur travail.
Cette thèse de doctorat a été menée au département de psychologie sociale et des organisations de l'université, et sa conclusion la plus remarquable est que cacher son 'identité stigmatisée' aux Pays-Bas en 2005 mène à l'isolement alors que se révéler tel qu'on est favorise l'intégration sociale au travail. Le placard va de pair avec des pensées obsessionnelles sur son identité et l'impression d'être profondément différent. Les travailleurs ouvertement gay sont moins confrontés aux remarques stéréotypées. Les organisations étudiées semblent avoir compris leur intérêt à intégrer correctement des homo et bisexuels, qui représentent entre 5 et 8% de leurs employés.

Cornielje nommé Commissaire de la Reine *

Le parlementaire Clemens Cornielje, du VVD (parti libéral), a été nommé Commissaire de la Reine (gouverneur) de la province de Gueldre (à l'Est des Pays-Bas, avec Arnhem pour capitale). Il est le deuxième gay à diriger une province après Jan Franssen, Commissaire de la Hollande Méridionale, où se trouvent Rotterdam et La Haye. Avec deux commissaires gays pour 12 provinces, les Pays-Bas ont donc 17% de gouverneurs gays, un record mondial.
Il était jusqu'à maintenant le président du groupe parlementaire libéral, et a été nommé exactement le 4000ème jour de son mandat de député. Président de la commission parlementaire de l'enseignement, de la culture et de la recherche, il s'est en particulier illustré par sa défense des enseignants et élèves gays.
Le Gaykrant parle avec enthousiasme de "tradition rose", puisqu'un ancien commissaire de la province, Molly Geertsema, bien qu'hétérosexuel, s'était illustré dans les années 1970 par son combat en faveur des droits des gays et avait, contre vents et marées juridico-médiatiques, protégé... l'association des amis du Gaykrant.

lundi 25 avril 2005

Ah, le oui regagne du terrain... °

Une interviou d'un économiste américainJeremy Rifkin par le Figaro qui m'a redonné envie de voter oui: http://www.minorites.org/article.php?IDA=8446
Il parle en particulier du rêve européen et de la nouveauté que représente un tel traité, mais ce qui me frappe le plus c'est:
1. l'Europe est compliquée parce que c'est un processus égalitaire entre les pays alors que la plupart des pays se sont unifiés par la guerre. C'est plus facile d'imposer une constitution après une guerre avec un vaincueur qu'en période de paix.
2. la constitution est moins belle que l'américaine mais elle va beaucoup plus loin sur les droits
Par ailleurs Rifkin nous carresse dans le sens du poil en disant pleins de choses sympa sur notre mode de vie et notre économie, ce qui est toujours agréable à lire. Et il est plutôt pro-Todd, ce qui est encourrageant...
Bref, le oui regagne du terrain...

vendredi 15 avril 2005

Le non? °

Ah là là, je commence à douter... entre l'email de Karim (voir http://laurentchambon.blogspot.com/2005/03/je-dis-non-au-non-enfin-srement.html ) et ce lien: http://etienne.chouard.free.fr/Europe/ je commence à envisager de voter non... Mehmet arrive ce ouiquenne, on va en discuter, c'est promis...

Ses raisons:
"1. Une Constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire : ce texte-là est illisible.
2. Une Constitution doit être politiquement neutre : ce texte-là est partisan.
3. Une Constitution est révisable : ce texte-là est verrouillé par une exigence de double unanimité.
4. Une Constitution protège de la tyrannie par la séparation des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte-là organise un Parlement sans pouvoir face à un exécutif tout puissant et largement irresponsable.
5. Une Constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après : ce texte-là entérine des institutions européennes qui ont été écrites depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et parties."


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Mehmet: " Juste pour dire qu'on a discuté comme prévu brièvement avec Laurent sur la Constitution européenne. Le problème toujours avec lui, il faut arriver à le convaincre en 5 minutes (un peu comme les "five minutes men") en précisant les "bons" et les "méchants" sinon, il zappe sur un autre sujet. Je caricature un peu mais c'est l'impression qu'il m'a laissé. La preuve ? On a probablement évoqué 5 minutes le texte constitutionnel et voici mes réponses :
1. Constitution illisible ? Tellement illisible que les gens se l'arrachent visiblement. Le weekend en question où j'étais à Amsterdam, Balkenende faisait réimprimer la version NL du texte. Ce qui ne veut pas dire que les gens sont pour ce texte... on peut juste dire qu'ils veulent le lire. C'est déjà positif en soi. Si vous n'êtes pas convaincu, je peux vous lire un passage de la Constitution belge.
2. Constitution neutre ? Je ne connais aucun texte "politiquement neutre" et a fortiori aucune constitution. Le texte est effectivement partisan en fonction des rapports de force de son époque.
3. Constitution verrouillée ? Oui mais elle est révisable. De toute façon, l'argument est nul puisqu'actuellement le verrou est d'application sur les traités en vigueur.
4. Parlement sans pouvoir ? C'est faux compte tenu des pouvoirs actuels du Parlement. La Constitution accorde au contraire plus de pouvoirs de codécision à l'assemblée et aussi plus de pouvoirs à la Commission. Le Parlement a marqué son poids (Santer, Buttiglione) et ne pourra que l'augmenter avec le nouveau texte.
5. Constitution des hommes au pouvoir ? Oui comme tous les textes politiques. La fable du peuple qui écrit sa propre constitution est une image d'Epinal bien franco-française.
Pour moi, avec toutes les réserves possibles et imaginables à émettre, le texte constitue véritablement un renforcement des pouvoirs européens et ses institutions. La présence de la Charte des droits fondamentaux, des droits humains et sociaux, du droit à l'information,... suffisent à marquer son accord même si d'autres passages peuvent susciter des réserves. Enfin, une bonne remarque de Laurent sur la forme m'a également fortement fait douter. Là où le texte européen commence par la liste des chefs d'Etats alors que la Constitution américaine commence par "We the people..." C'est bête mais ça change évidemment tout. "

mercredi 13 avril 2005

Constitution européenne: les arguments du SP °

Le débat sur la constitution européenne est assez pauvre aux Pays-Bas. Seules l'extrême droite et l'extrême gauches sont contre, mais si le oui est à environ 55%, l'abstention risque de frôler les 80%. Et c'est le premier référendum de l'histoire des Pays-Bas. J'au eu Hans van Heijningen, du SP d'Amsterdam, au téléphone. Voici les trois principaux arguments pour le "non" du parti populiste de gauche:
1. Perte de souveraineté, fédéralisation et manque de démocratie. Le SP pense que si l'Europe est une bonne chose, le mode de décision qui se profile avec la constitution marque un recul du pouvoir du peuple
2. Tendance néolibérales. Je n'ai pas besoin d'insister, la gauche française a les mêmes arguments
3. Militarisation de l'Europe. C'est là un argument assez nouveau: le SP pense que la militarisation croissante de l'Europe est une américanisation de l'Union, avec une armée européenne qui n'est pas là pour promouvoir la démocratie ou la paix, mais est le bras armé du capitalisme néolibéral européen. Si les USA se basent sur leur armée pour écouler leurs produits et trouver des sources faciles de matières premières, pourquoi l'Europe se priverait?
Intéressant, nan?

Mohamed B, toute son histoire... ou presque °

Ce matin j'ai accompagné les gars de LCI au procès de Mohammed B, le meurtier de Theo van Gogh. C'était dans un bâtiment ultrasécurisé à Osdorp, dans la banlieue d'Amsterdam. On a appris que B avait une collection de CD-roms avec des snuff movies et des photos gores sur lesquels des soldats russes se faisaient torturer, amputer, égorger ou décapiter par les milices islamiques. Il passait beaucoup de temps à les regarder, et était devenu tellement excité qu'il avait failli tuer un voisin, sa famille le retenant de justesse.
Il a souhaité faire une déclaration. Barbu, cheveux mi-longs, portant le petit chapeau de certains intégristes, marchant à l'aide d'une béquille (il avait reçu une balle dans la jambe lors de son arrestation), il avait un accent vraiment très prononcé. "Le procureur a accusé à tort mon frère de contrebande [il avait essayé de passer une lettre à B au parloir]. J'espère que le procès final montrera un dossier plus nuancé. C'était mon histoire, merci beaucoup."

Ce qui m'a frappé, c'est son accent, le fait que le procureur l'appelle "Marocain" (il est né aux Pays-Bas), et qu'apparement si ce n'était l'Islam radical, il se serait contenté d'une autre idéologie violente pour butter quelqu'un. Ce n'aurait pas été van Gogh mais un quelconque patron s'il s'était réclamé de la révolution prolétarienne, ou une tête couronnée s'il avait été anarchiste.
L'islamisation du cas B dans la presse n'est pas une bonne chose. Nous verrons, lors de la suite du procès en juin, la façon dont les média traiterons le sujet. D'ici là sortiront plusieurs rapport, dont celui des services secrets (apparement ils ont effacé des enregistrement "peu intéressants" à la grande fureur du procureur) et du centre d'évaluation psychiatrique.

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Commentaire de Mehmet: "Je trouvais également bizarre qu'on souligne de manière si prononcée l'origine de "B" dans ce cas. Ce Néerlandais était d'autant plus... Néerlandais qu'après son crime, il a pris la fuite... à vélo. Si ça, ce n'est pas de l'intégration ;o) "

Johann Kenkhuis ne participera pas aux championnats du monde *

Un des rares athlètes ouvertement gays se concentre sur ses études
Johan Kenkhuis a fait savoir qu’il ne participera pas aux championnats du monde de natation de Montréal. Il préfère se concentrer sur ses études (l’économie). Il continue à s’entraîner et espère participer aux prochains championnats d’Europe qui auront lieu en Italie. Il avait gagné la médaille d’argent aux jeux olympiques d’Athènes en 2004, et reste le premier champion olympique néerlandais à sortir du placard. Le seul autre athlète néerlandais à sortir du placard est Eric Swinkels, qui a attendu 1976 et une médaille en tir pour sortir du placard.
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Johan Kenkhuis en 4 dates
7 mai 1980 naissance à Amsterdam
2000 participe aux jeux olympiques de Sidney
2004 gagne la médaille d'argent aux jeux olympiques d'Athène (4x100m)
2005 "J'ai un copain au lieu d'une copine et je nage vite. Il n'y a rien de plus à raconter"

Amsterdam a un rabbin gay-friendly *

C’est aussi la première femme rabbin des Pays-Bas
Elisa Klapheck, d’origine allemande, va devenir le rabin de la communauté juive progressive d’Amsterdam Beit Ha’ Chidush. Elle a fait savoir que les gays et lesbiennes étaient les bienvenus. Dans un entretien avec le quotidien amstellodamois Het Parool, elle raconte avoir prié pour les homos qui sortent du placard, et qu’il était temps, selon elle, que le judaïsme se modernise. “Nos rabbins libéraux ne parlent pas de sujets comme les médicaments et l’éthique, l’euthanasie et le clonage. Moi je le fais. Tout le monde est bienvenu dans notre communauté. Homo ou hétéro.”

Le D66 veut arrêter la discrimination contre les homos au sein de l'UE *

Sophie in ‘t Veld (D66) demande à ce que la lutte contre les discriminations envers les homos soit plus active.
En débat plenaire du parlement européen, l'eurodéputée D66 (réformistes de centre gauche) Sophie in 't Veld demande que la Commission propose la reconnaissance officielle des couples gay et de la lutte contre l'homophobie, mais aussi reconnaisse enfin les discriminations passées, en particulier par le régime nazi, et revienne sur le refus de certains pays d'accorder des compensations pour ses victimes. "Faire des lois contre les discriminations n'est pas assez. La commission doit donner corps activement à des droits fondamentaux européens."

Le magazine people “Privé” sort Jorge du placard *

L’ex-mari de Christina, la soeur de la reine Beatrix, a été outé dans la revue néerlandaise
L’hebdomadaire people Privé a révélé cette semaine que Jorge Guillermo vivait avec un homme. L’ex-mari de la princesse Christina (soeur de la reine Beatrix) vit avec lui depuis 8 ans dans une petite ville du sud de la France. Guillermo a refusé tout commentaire. Âgé aujourd’hui de 58 ans, il avait épousé Christina en 1975 et avait divorcé en 1996. Les deux hommes se sont rencontrés pendant un cours de théologie à Louvain. Jorge et Dobson le prêtre avaient été signalés depuis des années dans le monde de la nuit d’Eindhoven.

Guillermo, après avoir épousé la cadette capricieuse et dépressive de Beatrix, avait obtenu par la famille royale un poste à la KLM, et il s'était vite fait remarquer par ses absences répétées et son désintérêt. Il s'illustre ensuite dans la spéculation immobilière et le trafic de vins rares.
Selon Privé, Jorge Guillermo, le beau cubain, se plaisait à humilier Christina en public, et très vite après le mariage il était devenu clair qu'il ne s'intéressait qu'à son argent. Il lui avait déclaré un jour en public: "regarde, quelle belle cage à perroquet... tu t'y plairais beaucoup". Non seulement il est très vite devenu indésirable à la cour, mais les services secrets ont été priés par la maison royale de s'intéresser à lui: il en est ressorti qu'il se trouvait régulièrement à des endroits où des hommes mariés ne devraient pas de trouver. Finalement, après des drames sans fin avec Christina qui avait fait bloquer ses cartes de crédit et un divorce spectaculaire, Guillermo a renoncé à écrire ses mémoires en échange, dit-on, d'une rente d'un demi million d'euros par an jusqu'à la fin de ses jours.

lundi 4 avril 2005

Une lesbienne sur quatre victime de violence conjugale *

Le journal flammand De Morgen a rendu compte d'un étude menée auprès de 160 femmes interrogées par le Centre pour la Santé Sexuelle lors de la journée des lesbiennes. Pour la chercheuse Erika Frans, "Dans les relations homosexuelles, aussi bien homme-homme que femme-femme, la violence est plus utilisée que dans les couples hétérosexuels. Les hommes sont d'ailleurs plus souvent victimes de violence conjugale que les femmes hétérosexuelles."
Pour Ad Vongerhoets, professeur de psychologie clinique à l'université de Tilbug (Pays-Bas) et interrogé par De Morgen, "Les femmes frappent autant que les hommes", voire un peu plus. Vingerhoets a basé sa recherche sur une enquête mondiale rassemblant 60.000 témoignages dans le monde entier. 16% des personnes interrogées ont été victimes de violence conjugale dans l'année écoulée. Chez les jeunes couples, ce pourcentage monte jusqu'à 33%. "La grande surprise, c'est que tous admettent que c'est la femme qui commence le plus souvent. les hommes et femmes qui sont violents sont eux-même le plus souvent victimes de violences."
Pour Erika Frans, "le fait que les hommes sont physiquement plus fort rend leur violence plus spectaculaire. "
Pour Suzanne Kers, de l'association néerlandaise Schorerstichting, "les homos, hommes et femmes, qui sont victimes de violence conjugale, en plus de cette violence, à faire face au tabou de l'homosexualité? Même au sein de la communauté gay on parle peu de violence conjugale, ce qui influence négativement l'offre d'aide. En fait, les homos sont en plus victimes des préjugés: la violence au sein des couples de même sexe est souvent pensée comme réciproque, et on pense qu'il est plus facile pour la victime de partir pour faire cesser les violences alors qu'il n'en est rien."

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Merci à PYL pour le tuyau...

dimanche 3 avril 2005

Plongée dans les eaux troubles du multiculturalisme transclassiste : un aprème à Beverwijk °

Depuis qu’à Paris Lewis a goûté aux pâtisseries orientales et au thé à la menthe, il n’a plus qu’une obsession : recommencer. Samedi nous sommes donc allés à Beverwijk (littéralement, « le quartier des castors »), une horrible ville nouvelle au nord d’Amsterdam, pour farfouiller le Zwarte Markt, le « Marché noir », sur les conseils de Prescilla, sa collègue de bureau.

Gare centrale d’Amsterdam, train pendulaire tout neuf, et un bus spécial nous attendait à la gare. Nous étions les premiers. Une alcoolique édentée et son mari tout juste sorti de prison se sont installés en face de nous. Des Blaques endimanchés (leur fils adolescent avait plus de perles à ses nattes que ma mère dans toute sa vie de femme coquette), des Beurettes voilées avec poussettes et beaucoup de beaufs hollandais précuits au banc solaire, bijoux dorés bien en évidence.
Après avoir traversé une zone marchande (« le Paradis de l’habitat », « Cuisine 2000 », « Meubles modernes ») et des parkings immenses, nous sommes arrivés dans une sorte de zone industrielle où une odeur tenace de porcherie nous a accueillis. On a imaginé que ce devait être la saison des épandages. Grands panneaux célébrant les 25 ans de l’endroit. A notre droite, le Marché Oriental, à notre gauche le Grand Bazar et le Marché Noir. Après avoir brièvement visité un Computer Markt (cela se passe de traduction) assez misérable, avec des vieux écrans jaunis et des piles de DVD dépréciés, nous nous sommes résolus à entrer dans le Grand Bazar / Marché Noir. Entrée à 1,20 €, et des hangars à perte de vue (ne pas s’enthousiasmer sur ce terme au pays plat, où la perte de vue s’étend en général sur quelques centaines de mètres).
Des bricoles, des fringues pas chères (« Tout à 1€ ! »), téléphones tombés du camion, produits de beauté démarqués à la tonne, parfums copiés ou improbables (« Janine Berjac », « Kévin K. », « Le nu vous va si bien »…), votre portrait en 3D gravé au laser dans votre porte-clef, des montagnes d’articles pour customiser votre bagnole, des jouets en plastoc Made in China, des lampes araignées, copies approximatives de lustres aperçus dans Elle Décoration, et des meubles.
Pas n’importe lesquels, mais des fausses colonnes grecques évidées et garnies d’étagères, des tables en faux marbre explosé, des canapés reposant sur des colonnes grecques éclatées, des fontaines noires et dorées avec eau, éclairage et fumée… Très kitch, très héllenistique. Des jeunes couples maghrébins impatients de signer un contrat de crédit sur 10 ans pour un modèle à même d’en imposer au bled.
A part quelques couples épuisés par tant de shopping parfaisant leur bronzage Made in Philips à la terrasse d’un café turc en préfabriqué, la plupart des visiteurs semblaient adorer se taper une frite-mayo aux bars intérieurs, bien protégés par les tôles ondulées. Et là, sommum de l’intégration (Pim Fortuyn mais aussi Paul Scheffer, l’intello réac de la gauche, se sont plantés) : un Blaque avec l’accent d’Amsterdam reprenant les grands succès du Oumpapa néerlandais le plus trash et de la pop américaine la plus radio-friendly. En guise de technicien / dj, un autochtone au ventre énauurme débordant de tous les côtés, d’autant plus incongru qu’il avait des jambes tout à fait normales. Probablement la magie d’années d’absorbtion des graisses saturées et du sucre rafiné généreusement fournis par l’industrie alimentaire néerlandaise.

Une fois qu’on a passé deux ou trois heures à se faire peur et à croiser des armées d’autochtones, de Blaques et de Beurs estomaqués par tellement de beautés parfois inaccessibles (une belle fontaine tout équipée valait plusieurs milliers d’euros), on a besoin d’air frais pour se recentrer.
C’est en quittant avec soulagement le temple de la consommation pour les exclus du rêve balkenendien que nous avons découvert que notre paradis à nous se situait en dehors de notre Parc du Bonheur : le Marché Oriental.
Si très peu d’Européens (si on oublie les Turcs, of course) s’y aventuraient, nous nous y sommes tout de suite sentis à notre aise : des kilomètres de fruits et de légumes jouxtant des montagnes de pâtisseries orientales, des épices, des olives de toutes tailles, toutes couleurs et tous assaisonnement, des cafés turcs et marocains offrant de quoi manger à des prix pré-euro (on avait oublié à quel point la vie était abordable avant), des ouvrages islamistes, des CD et DVD mal copiés de stars turques, arabes, bollywoodiennes ou farsi. Des hommes très sexy avec leur barbe de deux jours et leurs cheveux ras et des femmes toutes voilées sans exception. Des théières dorées plus brillantes les unes que les autres. Même si je ne sous-estime pas la distance culturelle qu’il peut exister entre le monde arabo-musulman et l’Europe, je me suis senti moins choqué et moins agressé qu’au Grand Bazar. Relants coloniaux, fascination de l’exotisme facile ou simple hasard, peu importe : je me suis promis d’y amener ma mère, une amoureuse contrariée de l’Algérie et du Liban.
Pourquoi le kitsch oriental me paraissait si sympatique alors que le kitsch autochtone m’avait tellement donné envie de vomir ? Ai-je apprécié le Marché Oriental après avoir été préparé au pire par l’horreur autochtone ? Ai-je fait preuve d’affection néocoloniale avec les uns et de kreukreuphobie primaire avec les autres ? Peu importe : ce fut exotique dans les deux cas. Et m’a rappelé ce qu’on ignore trop souvent en restant entre soi : tout en nous rappelle d’où nous venons. Notre langage corporel, notre tronche, nos vêtements, ce que nous aimons, ce que nous détestons. Et la personne qui vous tient la main ou dont le fait de vous tenir la main devient acceptable ou pas. Et, avec Lewis, mon p’tit mari, dans les deux cas nous avons jugé que cela semblait relever de l’inacceptable.
Nous sommes rentrés épuisés mais contents. Il nous faut désormais aller à la gym tous les jours pendant un siècle pour éliminer les délicieuses pâtisseries ramenées avec nous. Mais la vie est trop courte pour s'en priver. Et puis il fallait bien inaugurer notre nouveau service-à-thé-à-la-menthe...


Photo tirée du site http://www.swart-amsterdam.nl/recent/bazar.html

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Liza nous dit, de sa banlieue de Chicago: "Je viens de finir de lire l'article sur Beverwijk, j'adore la description du marché oriental c'est du pur bonheur pour moi d'autant que nous sommes allés samedi dans une petite épicerie justement nommée "Marché Oriental" mais rien à voir avec ta description. Point de corne de gazelle et autre délicieuse patisserie aux amandes, point de thé à la menthe juste quelques sachets de tabac à la pomme et un mélange de carte téléphonique pre-payée, de gingembre tout frippé, de boites de conserve périmées et de plats congelés.
Inutile de te dire combien on était super déçus, des amis nous avaient recommandé cette épicerie en nous disant que c'était ce qui se faisait de plus "oriental" dans notre bled. Aggghhhhhhh c'est dur de s'expatrier. Au moins à Grenoble je trouvais mes cornes de gazelle sans problème."