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samedi 31 mars 2007

La fête de la musique cherche des volontaires de talent

D'après ce que j'ai entendu des volontaires, la fête de la musique s'annonce grandiose. J'ai fait de mon mieux pour indiquer aux gens de talents qui ont un peu de temps libre que la fête pourrait faire usage de leurs talents, et les volontaires européens (dont énormément de francophones) forment pour l'instant la quasi-unanimité des personnes mobilisées.
En plus ce n'est pas n'importe qui: une galliériste, une dj-ingénieur du son, une spécialiste de la world music, une attachée de presse, une manageuse...
Le problème est qu'il faudrait des volontaires néerlandais pour rassurer certains, mais qu'ils ont l'air difficiles à mobiliser. J'ai parlé hier à une employée d'un centre culturel local qui m'a dit que vu la sociologie, il va falloir se lever tôt pour mobiliser les autochtones: le quartier a plus ou moins quatre groupes sociaux. Les étrangers éduqués (dont j'ai réussi à en mobiliser quelques uns), les Néerlandais éduqués (impossibles à mobiliser, trop occupés à gérer leur carrière, refusent d'agir sans être payés), les allochtones paupérisés (très difficiles à mobiliser, même pour les activités culturelles simples) et les Néerlandais paupérisés (de moins en moins nombreux dans le quartier et eux aussi impossibles à mobiliser).
Résultat? Il va leur falloir chercher dans d'autres cercles d'occidentaux éduqués. J'ai cru comprendre qu'ils mettent au point des stratégies pour approcher les anglophones. On va voir s'ils y arrivent. En attendant, si les volontaires et la coordinatrice se sont mis à bosser très fort, la fondation (stichting) n'a toujours pas de statuts et donc n'existe toujours pas légalement. Mais j'ai cru comprendre que ça ne va pas tarder.
Il est temps car j'héberge leur site sur mon serveur depuis le début (il n'y avait pas d'argent) et j'aimerais qu'ils aient une forme légale que je puisse repointer les DNS du nom feestdermuziek.nl et qu'ils puissent héberger le site sur un serveur enregistré au nom de la stichting.
Plus de niouzes dès qu'on m'en donne...

Le PvdA dans la tourmente

La question des élections... ah là là. Alors que nous avions gagné haut la main les élections municipales (grâce en particulier au vote allochtone), cela fait deux élections qu'on se rétame lamentablement. Un rapport officiel est sorti hier (voir ci-dessous) qui souligne la position gênante du parti vis-à-vis de la séparation de plus en plus nette entre, pour faire bref, les ouiouistes et les nonistes (lors du référendum européen), c'est à dire les classes privilégiées d'une part et les classes moyennes et inférieures en voie de précarisation d'autre part.
Je le vois au sein même de ma fraction: il y a une division sociale très nette entre une aile droite ultra-libérale, moralisatrice, conservatrice et non-interventionniste, et une aile gauche collectiviste, protectionniste, anti-raciste et progressiste.
Vu l'air du temps, l'aile droite a l'air moderne, mais je dirais que son assise populaire est très très fragile. Et franchement, essayer de capter les électeurs du VVD ou du CDA, est-ce bien sérieux? Si le SP (extrême-gauche populiste) est en train de capter nos électeurs, c'est avant tout parce que notre ligne n'est pas claire du tout vis-à-vis de la prise de risque économique (désormais supportée par les pauvres) et la protection collective (en voie de démentellement). Comme je le dis depuis plus d'un an, les classes populaires et moyennes inférieures sont en voie d'appauvrissement et de précarisation, et cela engendre énormément de stress. 80% des Européens veulent un système social à la scandinave, mais seuls les politiciens du SP les soutiennent, c'est quand même révélateur de l'arrogance des politiques, non? Ceux qui daignent en parler aux politiques de leurs angoisses ont souvent droit à un discours de type "mais non, ne vous en faites pas, apprenez l'anglais, montez votre start-up de finances, achetez une maison plus grosse qui va prendre de la valeur et ça ira mieux." Le SP a peut-être des pratiques sectaires, mais sa ligne politique est claire: défense des salariés, des pauvres et des jeunes, lutte contre la précarisation, les guerres coloniales et la toute-puissance de l'ultra-libératlisme financier. Ils n'ont pas forcément la réponse aux angoisses des investisseurs financiers en manque de rendements, mais ils ont une réponse à ces catégories de la population qui sont (à juste titre) très angoissées.
Une autre question propre au parti est d'une part l'absence de débat interne, et d'autre part le leadership. L'absence de débat est assez fascinante, surtout si on compare les travaillistes aux socialistes français. Cela tient en partie à la culture néerlandaise qui (pour des raisons historiques) déteste tout forme de débat abstrait et de confrontation, mais aussi à des changements structurels à l'intérieur du parti. Une des manifestations de ce changements est la personnalisation à outrance du pouvoir, via Wouter Bos, et qui à mon avis correspond à la nouvelle vague d'individualisme sériel qui submerge la société néerlandaise et le parti.
Tout le monde fait semblant d'adorer "Wouter" parce qu'il y a une forme de terreur collective: on se dit que sans lui le parti ne peut pas avancer, que le critiquer c'est se préparer à une défaite électorale et politique, et que la majorité l'a adoubé et qu'il est donc légitime. On se croirait avec Kim Jong Il. Mon expérience personnelle (j'en ai parlé plusieurs fois dans ce blog) est qu'à chaque fois qu'il y a des décisions à prendre, les Wouter Boys (ces mecs dans la quarantaine, en costards sans cravate, d'une arrogance décontractée) sont là pour s'assurer que leur gourou médiatique obtient l'assentiment des foules, quitte à mettre en place des faux panels d'experts ou ds faux débats bien contrôlés. Dans un parti aussi large que le PvdA, avec autant de cadres suréduqués et à même de prendre des décisions par eux-même, je trouve cela pour le moins fascinant.
Je pense que s'il veut survivre, le parti va devoir faire une révolution culturelle et mentale pour se rapprocher de nouveau du peuple, laisser ses militants participer à la mise en place du programme, éventuellement avec le peuple de gauche pas forcément encarté (comme l'ont fait Prodi et Royal), et se trouver des dirigeants qui ne fonctionnent pas seulement à travers les sondages et les spin doctors, mais via l'engagement de la base, le travail des spécialistes et un débat interne réel. C'est pas gagné, hein?

Dans la presse néerlandaise:
"Le PvdA est divisé par une nouvelle ligne de rupture dans la société", écrit Hans Wansink à la une du Volkskrant. "Du fait de la polarisation croissante entre gens de formation supérieure et de formation inférieure, entre ’optimistes sur l’avenir’ et ’pessimistes sur l’avenir’, le parti de Wouter Bos se trouve écartelé." "Les cosmopolites et les libéraux trouvent que le PvdA n’est pas assez moderne et rechigne au changement, alors que les populistes de gauche et de droite considèrent au contraire les sociaux-démocrates comme une classe politique de réformateurs qui trahit M. Tout-le-monde." "C’est ce qu’écrivent les scientifiques du PvdA Frans Becker et René Cuperus, dans leur livre Verloren slag [bataille perdue], qui paraît aujourd’hui. Dans cette publication de la fondation Wiardi Beckman, le bureau scientifique du PvdA, divers auteurs analysent les causes de la grande défaite électorale que le parti a subie." "Becker et Cuperus parlent d’une ’très mauvaise campagne électorale, peu réactive, avec beaucoup de gaffes et un leader de parti qui n’avait pas la forme’. Ils jugent ’choquant’ que le parti ait perdu en faisant opposition à un ’gouvernement passablement impopulaire’. A cause du passage d’électeurs au SP, on aurait dit que ’le PvdA faisait partie de ce gouvernement asocial’. ’Or c’était le contraire’." "Les scientifiques du PvdA qualifient le programme électoral du parti d’’énorme liste des courses sans profil clair, sans choix nets’. La liste des candidats à la Deuxième Chambre n’avait pas de valeur ajoutée non plus, aux yeux de Becker et Cuperus, qui parlent de ’féminisme autodestructeur’ dans la composition de cette liste. ’Quel est l’intérêt pour la cause féminine en politique d’appliquer - sans recrutement efficace - un système de parité homme-femme rigide ?’" "Les divergences d’opinion ne manquent pas au PvdA, qui manque de cohésion, selon Becker et Cuperus. Mais la peur de voir la réalité en face domine. ’Les divergences d’opinion sont surtout traitées en cachette. Le leader du parti a été déclaré sacro-saint, sans que sa parole fasse vraiment loi’."
http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=8377

vendredi 30 mars 2007

Le vrai Sarkozy

Depuis quelques temps, le compte-rendu sans esprit critique des déclarations de Nicols Sarkozy par la press française et étrangère me sidère. Alors que beaucoup des déclarations des autres candidats sont souvent jugés de manière assez sévère, voire recadrés par des faits (on voit ce que Libé a fait subir à Ségolène Royal), l'ex-ministre de l'intérieur semble jouir de privilèges particuliers.
Sa politique sécuritaire poudre-aux-yeux ne commence à être critiquée que depuis quelques jours. On sait très bien que si Sarko n'est pas à l'origine des problèmes des banlieues, il n'a rien fait pour les résoudre, et il a été le premier à mettre de l'huile sur le feu, aussi bien par ses déclarations que par ses actions. Ce n'est pas comme si une telle attitude était sans conséquence: il a condamné des millions de personnes à la peur, le rejet, l'injustice et l'arbitraire des criminels et des policiers. Dont beaucoup de jeunes, et les jeunes c'est l'avenir du pays. Pire que tout, même les policiers se plaignent que la culture du chiffre et des arrestations à tour de bras va droit dans le mur. Si même les flics sont contre, où va-t-on.

Pire que la politique sécuritaire, la politique économique et les déclarations viriles sur la valeur travail et la France qui se lève tôt me scandalisent. Il faut savoir que Monsieur Sarkozy est avocat fiscaliste, c'est à dire que son travail consiste à aider les riches à ne pas payer d'impôts (il a commencé par lui-même, comme le Cannard nous l'a montré), alors que la France qui se lève tôt, comme il dit, n'a pas les moyens de programmer une quelconque évasion fiscale. Au ministère de l'économie et plus tard en tant que membre d'un gouvernement de droite ayant essayé de faire passer le droit du travail comme une chose archaïque et asociale, il s'est assuré que les détenteurs de capital (ses clients qui essayent de ne pas payer d'impôts) puissent vivre de leurs rentes alors que la France qui se lève tôt, comme il dit, s'enfonce dans la misère et la précarité. On vient de découvrir avec horreur qu'un tiers des Français vivent dans la pauvreté ou la précarité, et quand on sait qu'on a (selon les estimations) de 10% à 20% de chômage réel, ses déclarations sur la valeur travail semblent le fruit d'une cruelle ironie. Remettre le travail à l'honneur, c'est s'assurer qu'un maximum de personnes ont un accès aisé à l'emploi, à plein temps si elles le désirent (donc pas de temps partiel imposé), qu'elles puissent en vivre correctement, qu'elles puissent exercer un métier dignement, sans terreur, sans humiliations ou risques d'accidents du travail, et qu'elles puissent y accéder sans discriminations raciales, religieuses, d'âge, de sexe ou de code postal.
Franchement, autant Bayrou est une candidat de droite classique, finalement assez respectable malgré ses tentatives pour se positionner au-delà de la ligne droite-gauche (il reste un homme de droite, c'est un peu triste qu'il n'assume pas, comme s'il en avait honte), Sarkozy est le candidat non seulement de l'extrême-droite sécuritaire et raciste, mais aussi des rentiers pour qui l'évasion fiscal est un art très prisé, et clairement l'ennemi objectif des jeunes, de la France qui se lève tôt et de ceux qui essayent de vivre de leur travail.
J'espère que les Français auront l'intelligence de comprendre que leur vie va être profondément transformée, en mal, si ce monsieur est élu président. Encore quelques semaines pour savoir ce qu'il en sera.

Une politique faible

J'ai eu quelques réactions sur mon compte-rendu de la table ronde lors de la journée des associations (voir ici): apparemment c'est la panique parce que j'aurais dit que les institutions françaises aux Pays-Bas sont nullissimes. J'ai fait un compte rendu rapide de la réunion avant de tout oublier et j'ai peut-être mis ça en ligne trop rapidement. J'ai rapporté les réactions, parfois émotionnelles, des gens ayant participé à la table ronde. Et le cri du cœur de beaucoup était effectivement de hurler à la nullité.
Je pense que ces réactions sont le fruit d'une déception réelle, due à des désillusions (le passage de Christophe de Voogd avait laissé de très bons souvenirs et Philippe Ardy s'était fait des amis mais a déçu beaucoup de monde en n'arrivant pas à réaliser les brillants projets qu'il avait en tête), mais aussi à une attitude assez française, puisqu'on attend beaucoup des autorités.

Personnellement, mes rapports avec les gens de la Maison Descartes sont relativement satisfaisants, dans la mesure aussi où je n'en attends pas des merveilles. Quelques personnes qui y travaillent sont des amis. Aller bavarder avec Jasmine à la bibliothèque me fait un bien fou. Cependant, ça me frustre énormément de voir un si beau bâtiment si rarement utilisé à la hauteur de son potentiel. Hardy avait eu la fabuleuse idée de faire restaurer le cinéma et de le partager avec les autres centres culturels européens d'Amsterdam. Le fait qu'il ait fallu arrêter les travaux par manque de fonds a causé une déception énorme chez beaucoup de gens. Le restaurant/école culinaire avorté a déçu encore plus de monde.
Côté ambassade, je n'en sais rien, je n'ai jamais pris contact avec eux. J'ai eu des discussions agréables avec quelques diplomates qui y ont travaillé, mais c'est tout. A part la gaffe monumentale de l'ambassadrice il y a quelques années avec Tariq Ramadan, rien à signaler, si ce n'est un 14 Juillet de moins en moins populaire et de plus en plus réservé à la France d'en haut. Instructions du ministère?
Quand au consulat, j'y connais des gens très bien, mais j'y ai parfois été aussi très très mal reçu. Mais l'accueil glacial et indifférent des administration n'a rien de spécialement consulaire (voyez les administrations de certaines grandes entreprises françaises), ni de spécialement français (voyez les grandes entreprises néerlandaises).

En fait, le problème est peut-être ailleurs. Comme je l'ai dit, les Français attendent finalement peut-être un peu trop de leurs autorités. Ensuite, la représentation des Français de l'étranger (la seule force à même de faire changer les choses) est encore trop faible. D'après ce que j'ai vu, l'ADFE (les Français de l'étranger de gauche) a des idées pour renforcer cette représentation. On verra ce que le/a prochain(e) président(e) et le prochain parlement en fera.
En ce qui concerne la promotion du français et des cultures francophones, il faut aussi ajouter que les gouvernements français depuis 30 ans ne se sont pas illustrés par leurs énormes efforts en faveur des institutions françaises à l'étranger, surtout en Europe. J'entends les différents ministres beaucoup parler du rayonnement culturel de la France ou de la francophonie (ce Douste-Blazy, quelle pipelette sur le sujet...) mais cela fait bien longtemps que je n'ai pas entendu parler d'une mise en place de moyens extraordinaires en faveur des centres culturels, des facultés de français, des élèves francophones ou des initiatives pan-européennes de promotion de la culture francophone. J'ai l'impression que les fonctionnaires doivent se débrouiller avec des piécettes et mendier de misérables budgets tout le temps. Peut-être que la société civile, à travers le don d'entreprises françaises ou de mécènes francophiles, pourrait faire preuve de plus de générosité. Quand on voit le dynamisme et les moyens du Centre culturel flamand à Amsterdam ou de l'Institut Néerlandais à Paris, on se dit qu'il y a un problème franchement politique.

J'en ai parlé à ma copine Natasha, qui est québecoise (sa webradio est passée sur boingboing et est depuis quelques jours super connue), et voilà ce qu'elle m'a rapidement écrit à son réveil:
« Les Canadiens sont beaucoup plus loin culturellement et physiquement de chez eux que les Français quand ils sont ici. Peut-être que les Français ne prennent pas la distance au sérieux, ni le côté culturel. L'intégration reste quelque chose qui passe par le groupe culturel de l'immigrant (j'ai un gros article en néerlandais là-dessus) et non pas par le nouveau groupe, chose que les Néerlandais par exemple n'ont pas encore compris. Si c'est mal organisé, ça ne va pas fonctionner correctement. Peut-être que les autorités françaises estiment que les Français peuvent se débrouiller tout seuls, que les différences ne sont pas assez grandes et justement à cause du fait que la France est tellement connue, les Néerlandais savent comment faire affaire avec les Fançais (oui, j'ai entendu ça souvent - reverse integration). Peut-être que les autorités françaises estiment que ces expatriés vont retourner en France alors pourquoi les aider ?

Les Canadiens sont reconnus dans le monde pour bien s'intégrer dans un nouveau groupe. On apprend ça des immigrants chez nous et on applique la même chose à l'étranger. La raison est que le patrotisme à l'américaine n'existe pas chez nous. Il n'y a pas d'identité « fédératrice » comme disent les Européens.
On est pas une monoculture officielle comme la France, on est des ex-colonies, on n'est pas une puissance mondiale et on a énormément d'expérience interne avec les immigrants. Notre hiérarchie est alors moins forte, moins historique et apte au changement rapide. De plus, on parle pas de droite et de gauche, de classes sociales comme en Europe. On est vraiment plus égalitaires sur toute la ligne. Le peuple canadien est de nature un peuple effacé, poli et raisonnable. L'armée passe son temps dans des missions de paix. On est conscient que la planète ne nous connait pas culturellement et on n'impose pas notre culture nulle part comme l'a fait la France. »

C'est pour ça que ce groupe de travail qui va être mis en place est très intéressant. J'espère que les deux "partis" de Français, l'ADFE (gauche) et l'UFE (droite) vont s'y joindre et que les institutions françaises aux Pays-Bas, certes critiquées mais auxquelles tout le monde tient (si on ne s'y intéressait pas, ce serait pire), arriveront à dépasser l'agacement d'être critiquées et viendront réfléchir avec les gens pour lesquels elles doivent travailler.
Je crois que Tanguy va inviter tout le monde très bientôt...

En photo, une "réunion" des "jeunes talents" à laquelle j'étais invité il y a un an. C'était fabuleux, Douste nous a annoncé des choses incroyables, et finalement je n'en ai plus jamais entendu parler. Quelle histoire, comme dirait Jeanne Moreau.

lundi 26 mars 2007

Des heures sombres s'annoncent...

Je commence à m'inquiéter fortement pour les Pays-Bas. Wilders veut nettoyer l'administration, les services de l'Etat et la politique des allochtones, puisque beaucoup d'entre eux ont la double nationalité. Mais le pire est que d'autres partis se posent des questions. C'est ça qui m'inquiète le plus: la wildérisation des esprits. Après Wilders, c'est la droite qui veut nettoyer le pays. C'est vraiment très inquiétant.

L'autre jour, Lewis, qui a la nationalité portugaise (donc Union européenne) mais qui est né à Amsterdam et parle ABN, a reçu une lettre des services d'immigration: sa carte de séjour illimitée est annulée et il doit refaire des démarches pour obtenir un nouveau titre de séjour, en montrant qu'il a des attaches au pays et qu'il a déjà un travail. Il a appelé les services de l'IND pour demander des explications. On lui a expliqué que c'était une erreur, mais dans les faits il se doit tout de même de se présenter à la police des étrangers et montrer patte blanche. Il est profondément choqué et au moment où il pensait demander la nationalité néerlandaise, il s'est mis à parler de déménager en Belgique ou en France...
Il y a une semaine, ma voisine du dessus, lituanienne, est venue me raconter qu'on a mis contre sont gré sa fille (7 ans, très brillante, qu'elle éduque à la soviétique: maîtrise des langues, danse, musique classique), dans une classe pour attardés parce que sa mère n'est pas néerlandaise. La directrice de l'école a menti et essayé de falsifier les tests de niveau pour justifier cette décision. Personne ne s'y intéresse, comme si c'était normal.
Le tailleur de Lewis, un Turc blond aux yeux bleus, lui a raconté qu'on le laisse tranquille parce qu'il n'a pas une tête de Turc, mais que ses parents étaient tellement fatigués d'être ennuyés par tout le monde qu'après plusieurs décennies aux Pays-Bas où ils pensaient rester le reste de leur vie, ils sont repartis en Turquie.

Aujourd'hui, je me suis énervé car j'ai vécu cette xénophobie insidieuse en direct: on a parlé de refuser une volontaire française dans une association uniquement parce qu'elle est française et qu'il n'y a pas assez de Néerlandais (qui n'ont pas du tout envie de donner leur temps et leur énergie, ce n'est pas faute de leur avoir demandé). J'étais furieux. On commence à coller des étiquettes sur les gens "Kreukreu de souche" et "métèque" pour mieux les distinguer. Les "métèques" paient aussi leurs impôts et participent énormément à la société, la preuve, ils se portent volontaire pour travailler gratuitement pour le bien commun.
Ça me rappelle ce que j'avais appris à l'école sur la période de collaboration, avec l'exclusion des juifs des "postes sensibles" (avocat, médecin, député, fonctionnaire), puis leur exclusion de la vie sociale. Appelez-moi parano, mais tout ça sent très très très mauvais.

Dans la presse néerlandaise:
Geert Wilders veut exclure les Néerlandais ayant une double nationalité de certaines fonctions politiques et administratives. Wilders et son collègue de parti Sietse Fritsma écrivent dans le cahier de Verdieping du Trouw de samedi : "On sait que le Parti de la Liberté (PVV) est d’avis que les membres du gouvernement ne doivent pas avoir de double nationalité." "La double nationalité devrait également être interdite pour toutes les personnes qui remplissent une fonction politique, tels que les membres de la Première et de la Deuxième Chambres, des Etats Provinciaux, des conseils municipaux et des collèges du maire et des échevins. Il faut bannir de l’administration publique l’apparence de conflit d’intérêts et de double loyauté." "Il est aussi nécessairement d’interdire la double nationalité pour certaines autres fonctions, par exemple celles d’ambassadeur, de juge, de procureur, d’agent de police, de militaire et certains postes auprès de l’IND [service d’immigration] et de l’AIVD [renseignement]."
Ce matin, le Volkskrant (pp.1 et 2) relève que "la Deuxième Chambre est divisée sur le plaidoyer du leader PVV Wilders". Le CDA et le VVD sont partisans d’une limitation de la double nationalité. Le PvdA rejette la proposition du PVV, de même que le SP.
http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=8351

La commission d'égalité de traitement demande aux chrétiens de modérer leur homophobie

"L'acceptation de l'homosexualité est un développement sociétal essentiel. Même les chrétiens doivent s'y intéresser sérieusement à un certain moment et le gouvernement doit insister là-dessus" a déclaré Alex-Geert Castermans, le président de la Commissie Gelijke Behandeling, la commission néerlandaise d'égalité de traitement, au quotidien Nederlands Dagblad. C'est devant cette commission, réputée pour son indépendance, que la fonctionnaire chrétienne fondamentaliste a obtenu le droit de ne pas célébrer l'union de couple de même sexe.
"En 2002, nous avons créé un espace pour les weigerambtenaren [les fonctionnaires qui refusent d'unir les couples de même sexe au nom de leur liberté religieuse, historiquement très importante aux Pays-Bas, NdlR]. Six ans après le vote de la loi, on peut se demander si cet espace est suffisant. Vu les développement sociétaux récents, je trouve que les couples du même sexe ne devraient pas être confrontés à une situation où un fonctionnaire refuse de les unir. Si on dit aux couples de façon concrète qu'on refuse de les marier, on peut parler de refus insultant et de discrimination."
Castermans trouve que les autorités doivent soutenir les couples dans leurs droits. "Si les fonctionnaires peuvent faire des choix sur ces questions, cela envoie un très mauvais signal. Celui que c'est encore normal de traiter les homos et les hétéros différement."

Tensions entre laïques et chrétiens sur le mariage

Le passage de l'accord de gouvernement sur les weigerambtenaren (ces fonctionnaires qui refusent d'unir les couples de même sexe) est en train de créer un drame politique au sein des deux grand partis de la coalition, les travaillistes du PvdA et les chrétiens-démocrates du CDA.
La base du PvdA est furieuse de cet accord, alors qu'elle est talonnée dans les sondages par l'extrême gauche, et la question gay est devenue centrale. De nombreux arguments ont été développés par les travaillistes pour essayer de neutraliser les chrétiens: un fonctionnaire végétarien pourrait refuser l'ouverture d'une boucherie, un fonctionnaire raciste pourrait refuser de marier des gens d'origines ethniques ou religieuses différentes, et finalement l'objection de conscience ne concerne que des choix personnels, comme ne pas être forcé de se servir d'une arme ou avoir recrours à la violence, et non pas l'application d'une loi officialisant l'amour entre personnes. Une pétition a entretemps vu le jour et les partis laïques ont été rejoints par les associations gay et même le très neutre gay.nl, site d'information qui se garde en général de prendre une position politique.
De leur côté les chrétiens-démocrates d'Amsterdam (très petite représentation) se sentent persécutés: après la remise en cause de l'accord de gouvernement par la base travailliste, l'initiative des libéraux (VVD), "les dix commandements pour une Amsterdam gay florissante", a été vue comme une attaque personnelle anti-chrétienne et s'en sont plaint auprès des autorités. Officiellement, les gays sont émancipés et la loi leur assure une égalité totale. Dans les faits, la question génère encore des tensions très fortes entre une Amsterdam très gay-friendly et le reste du pays, encore très religieux.
http://www.tetu.com/rubrique/infos/infos_detail.php?id_news=11245

dimanche 25 mars 2007

Prise de conscience latine

Hier je suis allé à la journée des associations organisées par Tanguy Le Breton (notre représentant au Conseil des Français de l'Étranger) avec l'aide logistique du Consul (ses appartements m'ont bien plu et la quiche était fabuleuse). J'étais modérateur de la table ronde portant sur la "communauté" française. Nous étions une petite dizaine et nous avons eu une discussion passionnante. Pour résumer très rapidement, il n'y a pas de communauté à proprement parler, par contre il y a deux profils de Français: les expatriés (dont l'intégration est moins poussée car moins nécessaire), et les "mariés" (qui sont dans un couple mixte et qui sont fortement intégrés). Le problème central de beaucoup est celui des enfants et de leur apprentissage de la langue et de la culture française: il y a très peu d'initiatives et elles ne sont pas assez soutenues par les autorités. A côté, l'intégration professionnelle des "mariés" pose parfois problème et ils sont souvent en situation de fort déclassement professionel.
A propos d'autorités, tout le monde s'est accordé sur le fait que la représentation légale des Français (consulat, maison Descartes, ambassade) sont d'une nullité affligeante: ils n'ont aucune idée des besoins des Français et de leurs familles (pas de cartographie claire de leurs clients, comme a résumé un mec business du groupe), ils sont incapables de s'inspirer des autres représentations (les Canadiens sont un modèle, d'après ce que j'ai entendu), et ils donnent une image de la France et des Français déplorable: arrogants, ringards, passéistes, autoritaires, hiérarchiques...
Par ailleurs, la discussion s'est vite portée sur l'identité française: tout le monde est tombé d'accord pour dépasser le cadre hexagonal et inclure les francophones, mais aussi nos cousins latins (Italiens, Espagnols, Portugais) et éventuellement maghrébins. Le problème des latins dans le monde anglo-saxon est que nous sommes considérés comme inefficaces et brouillons alors que nous avons des méthodes de travail qui ont prouvé leur efficacité et qu'il nous faut promouvoir: nous sommes les héritiers du monde grec et romain, aussi bien dans notre socialisation que notre background intellectuel et nos méthodologies (capacité d'abstraction, structuration dialectique, mise en place d'un plan de travail après une analyse de la situation, pas avant, haute productivité, tradition d'excellence...), et nous devons nous inspirer des techniques des anglo-saxons (réseau, entraide, bases de connaissance, soutien des autorités aux initiatives privées) pour renverser la tendance.
En résumé? (1) il faut constituer un réseau d'entraide et de connaissance en copiant les techniques des anglo-saxons, (2) il faut l'élargir aux francophones, aux latins, éventuellement aux maghrébins, (3) il faut arriver à mieux vendre la spécificité culturelle latine dans le monde du travail et aux opinions publiques anglo-saxons et germaniques, et promouvoir une image différente de la France que celle donnée par les diplomates et les expatriés qui font du butinage professionnel.

Le succès a été tel que nous avons décidé de réaliser un groupe de travail pour mettre en place un réseau d'entr'aide efficace, décentralisé et démocratique (dépassnat les clivages politiques) très rapidement. De nombreuses personnes d'autres groupes sont apparement arrivées à des conclusions similaires et ont fait la demande de se joindre à nous. Que les kreukreusconautes qui veulent s'y joindre n'hésitent pas à m'écrire,,,

jeudi 22 mars 2007

Dans Het Parool

Hier j'étais sur ma machine à la gym en train de lire Het Parool quand tout à coup j'ai un choc: je vois mon nom dans un des articles. La conférence que j'avais donné pour l'association Critical Mass avait été infiltrée par un journaliste.
Dans l'ensemble il a rapporté mes propos de façon correcte, sauf qu'encore une fois il a retenu ce qui lui plaisait et m'a fait dire des choses que je n'avais pas dites.
A l'entendre je n'arrête pas de dire qu'en France c'est mieux. L'article précédent me faisait passer pour un facho, celui-là pour un ultra-nationaliste nostalgique. Il mélange aussi les époques (à propos des fonctionnaires) et les pays (j'ai aussi parlé de l'Amsterdam classique où les différentes classes sociales vivaient les uns sur les autres). Mais bon, c'est ça aussi la presse libre.
Scan par Lewis: cliquez dessus pour l'avoir en taille lisible (à lire: deuxième colonne, trois derniers paragraphes).

Une traduction sauvage à la volée:
Actions fermes contre la ségrégation
Les discussions sur le NDSM-werf à Amsterdam Noord portaient hier sur les tensions entre groupes ethniques. Le panachage des gens en ville mène à l'intégration, explique un sociologue. La solution des élèves: 'tout le monde doit devenir metalhead'.
Patrick Meershoek, Het Parool, Woensdag 21 maart 2007, p.17.

(...le journaliste raconte les discussions des élèves contre les tensions ethniques dans la première colonne...)

Attendez, Laurent Chambon n'avait pas encore pris la parole. Le sociologue français, habitant désormais à Amsterdam et depuis mars élu travailliste australovicien, a soutenu sa thèse de doctorat sur l'intégration des minorités en France et aux Pays-Bas, et en a parlé hier. Chambon n'est pas vraiment enthousiaste quant au rythme de l'intégration aux Pays-Bas. "Zuidoost est en fait le seul endroit que je connaisse où différentes populations vivent ensemble. A Amsterdam on peut parler d'un ségrégation grandissante, et dans le reste du pays d'une apartheid en bonne et dûe forme."
Les Pays-Bas peuvent beaucoup apprendre de la France, même si plus de problèmes entre les groupes de populations y sont reportés. "Les difficultés proviennent surtout de la pauvreté et des inégalités sociales" rapporte Chambon. "Mais les autoriéts françaises n'hésitent pas à suivre une politique qui favorise l'intégration. Les enseignants sont envoyés dans des écoles à l'autre bout du pays. Il n'y a pas d'écoles noires ou blanches. Même le logement des minorités est suivi avec attention. Cela a un coût pour les libertés personnelles, mais les avantages du mélange sont à long terme largement profitables."
A Amsterdam, on insiste sur un commerce harmonieux entre les groupes ethniques, mais les décisions difficiles sont systématiquement écartées. Chambon: "Je ne connais aucun politicien qui ose plaider pour une répartition des populations avec des revenus différents partout en ville, ou des élèves blancs et noirs dans les différentes écoles de la ville. C'est un tabou. Mais pourquoi donc, si on sait que de telles mesures vont mener, à long terme, à une intégration réelle? Avec la politique actuelle, on n'enregistre que des succès à court terme. Je trouve qu'on ne doit pas hésiter à forcer le processus d'intégration."

mercredi 21 mars 2007

Ennuis techniques? Vive Ubuntu!

“Les ordinateurs sont là pour nous simplifier la vie. Ce sont des outils, ce sont nous les artisans, et nos outils ne sont qu’un moyen d’exprimer notre talent et exécuter des tâches.” Ah bon?

Hier, mon mac a refusé de démarrer, j’ai dû l’emporter au Mac Centre (qui m’a bobardé en me disant que ce serait prêt le lendemain… ils m’appeleront dans une semaine si j’ai de la chance). Aujourd’hui, mon vieux Portable n’a plus internet, Windows ne veut plus reconnaître la carte wifi, et je dois le brancher sur une ligne LAN et n’est donc plus vraiment portable. Quand à mon vieux PC, déjà qu’il ne voulait plus démarrer sans le CD d’XP dedans (et ne voulait pas s’éteindre vraiment: il se rallumait une fois éteint et j’étais donc obligé d’arracher le câble d’alimentation au moment stratégique, accroupi sous le bureau), là il ne veut plus démarrer du tout. “Nous allons démarrer en mode sécurisé”. Et redémarre que dalle…

Résultat? Me voilà vraiment obligé de me mettre à Ubuntu. On met le CD dedans, fenêtre brune, logo rond, une ligne verte et paf! Ca marche. Pas besoin d’installer, tout marche du CD. Quand le Mac est mort et que Windows marche de mal en pis, il nous reste l’Open Source. La preuve, j’écris ce truc sous Ubuntu. Si c’est pas la preuve que ça marche envers et contre tout?

Entretemps, je me suis mis à expérimenter avec le service traitement de texte de Google. L'idée est que mes essais et gribouillages ne soient pas perdus si un de mes ordinateurs vient à tomber malade (c'était arrivé pendant l'écriture de ma thèse, croyez-moi, c'est une expérience traumatisante), mais aussi que le travail avec mon éditeur soit facile (il est à Paris, moi à Amsterdam), et qu'enfin les personnes avec lesquelles je travaille sur certains thèmes puissent corriger/relire ça facilement sans qu'on jongle avec les systèmes (XP, OSX, Linux) en entraînant des incompatibilités. Bref, j'expérimente. L'aide des spécialistes est la bienvenue, les suggestions techniques aussi.

mardi 20 mars 2007

Van Ardenne tape sur Rutte

Une interview qui fait du bien, surtout venant de droite. J'ai tout à coup beaucoup de respect pour Agnes van Ardenne à qui je n'avais jamais vraiment prêté attention jusque là...

Dans la presse néerlandaise:
"L’absence d’Agnes van Ardenne dans le gouvernement Balkenende IV est frappante", écrit le Volkskrant (cahier Voorkant) dans le chapeau d’un entretien avec l’ex-ministre CDA de la Coopération. Agnes van Ardenne, qui ambitionnait la Coopération, l’Agriculture ou la Défense dans le nouveau gouvernement, a manqué le coche en raison de l’indispensable parité entre catholiques et protestants au sein de l’équipe CDA, explique-t-elle.
"La puissance s’exprime de diverses manières et l’impuissance aussi", dit-elle à propos de la question de la double nationalité aux Pays-Bas. "Le VVD n’a pas été capable de mettre de l’ordre dans ses affaires. S’il l’avait fait à temps, il aurait remporté une belle victoire. Maintenant le VVD est en deuil. Tous les hommes du parti devraient laisser pousser leur barbe. Mais que font-ils ? Ils sautent sur le porte-bagages de Wilders."
"Je trouve que Kamp et Rutte ne rendent pas service à la philosophie libérale. Notre civilisation néerlandaise est en partie fondée sur cette philosophie, c’est le plus ancien des trois courants [libéraux, socialistes et chrétiens], c’est pourquoi je la respecte. Nous avons profité pendant des siècles de la venue d’étrangers."
"Le VVD doit réfléchir à sa situation. J’espère que la véritable philosophie libérale reviendra, mais je retiens son souffle."
"Rutte et Kamp sont devenus des gens peureux. La politique n’est pas pour les peureux, dit Bolkestein. C’est pourquoi je pense que Rutte et Kamp doivent quitter la politique." "Pourquoi donner toute latitude à Wilders ? Wilders est en surmultiplié et le VVD le laisse faire. Rutte et Kamp ne servent plus la cause politique, personne n’a besoin de ça. Les libéraux se sont détachés de ce que les Néerlandais veulent. Il s’agit maintenant de personnes, pas de dossiers. Il ne s’agit pas de mon frère adoptif italien Salvatore qui a deux passeports et qui est ici depuis cinquante ans, il s’agit des musulmans."
"Kamp prétend que l’intégration stagne parce que des gens comme Arib ont deux passeports. Cela me fait rougir, il y a de quoi pleurer."
"Les Pays-Bas doivent se renouveler et rester tournés vers l’avenir. Van Aartsen voulait faire des Pays-Bas le Manhattan de l’Europe. Lui, au moins, avait une perspective. La philosophie libérale doit être placée dans un contexte mondialiste. Kamp et Rutte ne le font pas. Eux se préoccupent d’Arib, Aboutaleb et Albayrak. Suivent-ils l’ordre alphabétique ? Qui seront les suivants ?"

http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=8340

Mardi 20 11h BFM Radio

Les Grands Débats de BFM / Mardi 20 mars de 11h à 12h Thème : Comment font les Pays-Bas pour consolider leur identité nationale ? L'émission aura lieu en direct et sera animée par Philippe Manière, directeur de l'Institut Montaigne avec:
- Laurent Chambon, sociologue, Amsterdam;

- Dominique Schnapper, directrice d'études à l'EHESS, sociologue ;

- Mehdi Ouraoui, président de la Conférence Périclès.

Conferentie "I have a dream / nightmare"

Titel: Conferentie "I have a dream / nightmare" (Conferentie, Debat, Info-Bijeenkomst, Vergadering) / Wanneer: 20-03-2007 t/m 20-03-2007 / Hoe laat: 13:00 - 21:00 uur / Waar: Noorderlicht, NDSM-werf
Beschrijving: De stichting Critical Mass organiseert op 20 maart een conferentie over etnische spanningen en conflictpotentieel in de Nederlandse samenleving. Voorafgaand aan een aantal doe-workshops wordt, door o.a. de Franse socioloog Chambon een toekomstscenario voor multicultureel Nederland geschetst. De workshops richten zich op het handelingsperspectief en vaardigheden van de deelnemers. Er is een workshop multicultureel onderhandelen, conflictbemiddeling en geweldloos communiceren en een workshop verantwoorde journalistiek. De dag eindigt met een slotdebat over de effectiviteit van de aanpak van radicalisering in de Nederlandse samenleving. Hier betreden beleidsmakers en het maatschappelijk middelveld het podium voor een debat.

PROGRAMMA:
Lezingen 13.00 - 14.30 / Droom of nachtmerrie? Verkenning van het conflictpotentieel in Nederland en West Europa.
Workshops 14.30 - 16.00 / multicultureel onderhandelen / conflictbemiddeling en geweldloos communiceren / verantwoorde journalistiek
Bezoek INBOX en diner 16.00 - 19.30 / Ontdek in tien multimediale installaties of jij last hebt van een hokjesgeest. / Borrel en Noorderlicht Diner (diner voor eigen rekening)
Slotdebat 19.30 - 21.00 / Remslaap of Ramkoers: hoe effectief is de aanpak van radicalisering in Nederland?

Aanmelden kan via: Bas Gadiot of door te bellen naar 06-16131475. Beperkte plaatsen, in geval van grote belangstelling vindt er een selectie plaats. / Kosten: 5,- euro (borrel inbegrepen), betalen op de dag zelf. Dit bedrag geldt voor de gehele dag of een gedeelte daarvan.
Café Noordelicht ligt op de NDSM-werf, te bereiken via het meest linker pontje achter Amsterdam C.S.

lundi 19 mars 2007

Enfin une avancée majeure

Pour ceux qui me lisent depuis longtemps, ça ne va pas être une surprise: je suis très très heureux que Ségolène Royal annonce vouloir mettre en place la VIème République chère à Montebourg et ses amis. Je suis les progrès de ce projet quasiment depuis le début. J'hésitais beaucoup à soutenir Royal car elle me paraissait trop vague sur le sujet qui à mes yeux est essentiel et Bayrou (qui reste un mec de droite) était le seul à se profiler avec une réforme des institutions, d'ailleurs assez vague. A l'inverse, l'engagement de Sarkozy pour encore plus de pouvoir au Président me confortait dans mon intention de le combattre activement (il veut le pouvoir et est prêt à tout pour cela, et il ressemble étrangement à un certain... Chirac, avec les résultats calamiteux qu'on connaît).
J'ai lu ça et là qu'il faudrait juste introduire un peu de proportionnelle aux élections législative et le tour serait joué. Je pense que ce n'est pas suffisant: il faut une proportionnelle assez large, avec pour seule circonscription la France entière (l'Assemblée nationale est là pour représenter le peuple dans la diversité et son unité, pas pour représenter les territoires et les régions... ça c'est le rôle du Sénat), mais aussi un rééquilibrage des institutions, avec des contre-pouvoirs efficaces, une vraie indépendance de la justice, la limite du cumul des mandats, et une autre façon de prendre des décisions, en faisant participer les citoyens le plus en amont possible.
Quand j'ai envoyé ma thèse de doctorat aux éditions de L'harmattan il y a quelques années, j'ai reçu une lettre d'eux hallucinante disant que les minorités n'existaient pas et que la Vème République était parfaite et que ma critique du système politique était donc scientifiquement infondée. Ce n'est pas mon orientation ou mon engagement politique qui m'a fait dresser ce constat sur la Vème, c'est mon travail sur les minorités. Mais ça, c'est une autre histoire...
La question est essentielle, car on parle de programme de candidats et de réformes, mais sans structure démocratique, la France reste un pays soumis à une semi-dictature politico-médiatique. Les seuls pays à avoir un système aussi archaïque sont le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Où la population carcérale est la plus élevée, où les différences entre pauvres et riches sont les plus extrême, et où le risque terroriste est le plus grand. Un hasard? I don't think so...
Bref, je vais voter Ségolène Royal et j'appelle tous ceux qui veulent un changement de régime à voter pour elle.

samedi 17 mars 2007

L'autonomie...



Bon, la fête de la musique semble bien partie. Je vais pouvoir m'occuper de mes autres projets. La fondation (stichting) est en place, avec un président (Henk Bokenkamp) élu libéral, ancien habitant du Pijp, qui aura pour fonction avec les autres membres de s'assurer de l'utilisation correcte des fonds et que l'esprit de la fête est respecté (surtout éviter une dérive commerciale). Il sera secondé par un avocat (Eric Jan Loos), un trésorier (Ad van Laan, ancien élu travailliste), un secrétaire (Lewis) et son adjointe (Dalila de la Stichting de Levante).
La coordinatrice, Claudia Kantelberg, a du pain sur la planche, surtout vu le nombre croissant de volontaires. Elle doit s'occuper de tout coordonner, vu que de nombreux groupes de volontaires s'activent à réaliser des tâches différentes: mis à jour du site internet (feestdermuziek.nl), écriture des pages du site et des communiqués de presse, gestion des artistes, gestion des scènes et des rues, recherche de sponsors... De mon côté, je vais me contenter d'assurer une partie de l'aide technique pour le site et le contact avec la coordination mondiale, mais je ne m'occupe de rien d'autre.
Je suis super heureux que tout le monde soit tellement enthousiaste et plein de bonnes idées. Je vous tiendrai bien sûr au courant des développements, mais j'y prendrai part plutôt en observateur qu'en acteur. Ces derniers mois avaient été assez difficile, il a fallu que je tienne le projet à bout de bras... Pour être honnête, j'ai très envie de travailler sur mon livre et j'aimerais pouvoir y passer un maximum de temps.
En attendant, même si le site n'est pas encore officiellement ouvert, j'incite ceux qui veulent participer à s'inscrire dès maintenant: l'espace est limité et, à vue de nez, tout le monde n'aura pas la possibilité de se produire ou de s'y activer comme volontaire...

Ubuntu in da house



Pour ceux qui n'ont pas la joie d'avoir un Mac, il reste quelque chose s'en approchant, marchant à merveille et... gratuit! Ça s'appelle Ubuntu, c'est basé sur Linux et ça marche vraiment bien. J'adore leur slogan "Linux for human beings" et j'ai reçu plusieurs CD d'installation pour ceux qui veulent.
L'histoire, c'est celle d'un milliardaire Sud-Africain des années folles d'internet, Mark Shuttleworth, qui a réinvesti une partie de sa fortune pour promouvoir une version facile et simple de Linux, surtout en Afrique où tout le monde n'a pas forcément les moyens de se payer le dernier PC surpuissant nécessaire pour faire marcher la dernière version de Windows, d'ailleurs ridiculement chère quand on voit son fonctionnement. On peut installer Ubuntu sur des vieilles machines et ça marche aussi bien (et vite) que sur un monstre ultra-cher. Les programmes sont Open Source (Firefox pour le butinage par exemple) et donc sûrs et gratuits, même dans 10 ans. Ce que j'aime le plus (c'est aussi ce que j'adore dans OSX d'Apple), c'est que c'est complètement multilingue: on peut travailler dans sa langue maternelle, mais aussi en changer si besoin est. Ça prend quelques secondes, et pouf! on l'a en français, en néerlandais, en wolof ou en farsi. C'est pas beau la modernité?
D'après ce que j'ai compris, on peut même démarrer Ubuntu du CD sans avoir à l'installer sur le disque dur. Il va falloir que j'essaye ça. Pour ceux qui veulent un CD, on peut en commander gratuitement sur le site de la fondation, ou me demander...

mercredi 14 mars 2007

L'industrie du mensonge



J'avais acheté "Fast Food Nation" d'Eric Schlosser à Oslo et je l'avais quasiment fini à l'aéroport et je m'étais promis d'en parler. Le temps passe vite, et en rangeant mon bureau je me suis rappelé de cette promesse aux kreukreusconautes et à moi-même.
Ce livre est très bien écrit, parfaitement argumenté, à chaque fois il commence par une histoire horrible et il montre ensuite, chiffres à l'appui, que c'est une tendance générale de l'industrie alimentaire plus qu'un accident de la vie. Je ne vais pas rentrer dans les détails (il tient 289 pages hors notes), mais il est plusieurs leçons intéressantes:

1. L'industrie du fastfood et de la malbouffe est une application des principes d'organisation industrielle à une industrie alimentaire encore mal structurée dans les années 1960. Elle se développe avec l'industrialisation des Etats-Unis à partir de la guerre et correspond à la promotion d'une industrie hyper-rentable, privée, qui est rendue possible grâce à des investissements publics colossaux (en particulier un réseau routier).
Son profit s'appuie aussi (c'est un classique) sur une mise en coupe réglée du secteur agricole, avec des conséquences sociales et écologiques dramatiques: obésité généralisée, misère paysane, pollution massive, perte de diversité des espèces, esclavagisation des immigrés latinos...

2. Aux Etats-Unis, cette industrie a pour but le profit et ne recule devant rien pour y arriver. Toutes les manipulations et formes de corruption sont permises. Il raconte des histoires révoltantes et effrayantes sur des lois de protection des travailleurs vidées de leur substance, des arrangements avec les droits de l'homme, l'hygiène et la santé publique. J'aimerais trouver un livre aussi bien fait sur l'industrie agro-alimentaires européenne, qui n'est pas en reste sur le sujet, même si on n'a pas atteint les sommets américains (il se réfère souvent aux normes européennes, beaucoup plus strictes en la matière).
Il parle bien sûr de la publicité et du matraquage en direction des enfants. Car plus on nous programme tôt, mieux on obéit, c'est connu. La suède a interdit la publicité en direction des enfants, il est tant qu'on sy mette ici aussi.

3. Le pire est pour chacun de nous, à notre petit niveau: il montre comment les produits issus de cette industrie sont non seulement très mauvais pour notre santé (ce n'est pas un scoop et je en vais pas rentrer dans les détails), mais aussi comment elle fait de nous des drogués de la malbouffe et surtout comment on trompe nos sens en les abrutissant de signaux visuels et olfactifs ne correspondant à aucune réalité tangible. Nos steacks de hamburger sont parfumés au steack grillé (ils sont en fait un ramassis de déchets de boucherie, de graisses ajoutées et de produits additionnels pour lui garder sa fraîcheur et sa consistance), nos frites le sont encore plus (pommes de terres mutantes, restructurées avec des produits chimiques pour leur maintenir goûts, aspect et croquant constants, extrait de boeuf et huiles trans), et la plupart des produits utilisés sont là pour nous donner l'illusion de leur consommation.
En gros, on croit consommer quelque chose qui n'est pas là. Et c'est ça le pire. A côté, les sucres synthétiques cancérigènes, c'est pour rire.

Bref, un livre vraiment conseillé si votre souhait de boycott de l'industrie de la malbouffe s'effrite doucement, attaquée par des odeurs de viande saisie à point et des images géantes de tomates juteuses et sucrées... Un livre pour effrayer les enfants et aider les parents à ralentir leur programmation par l'industrie, si c'est encore possible. On m'a dit qu'une version française existait, pour les fénéants.

Du select à l'industrialisation

Aujourd'hui, le Grand angle de Libé porte sur Starbucks, dont le directeur trouve qu'il a perdu son âme. Conçu comme un café européen, avec une âme, le café Starbucks moyen est une usine à vendre du café trop cher dans un endroit sale, humainement stérie et où chacun doit faire son service. Depuis un an ou deux, les Starbucks poussent comme des champignons et j'ai du mal à comprendre pourquoi ils ont du succès, vu que les cafés parisiens sympa avec une âme sont légion.
On dirait que les jeunes s'y pressent parce qu'ils pensent qu'en y allant ils sont modernes. De ce point de vue, Starbucks fait fort, car à mon avis rien n'est aussi ringard qu'un tel endroit. Mais bon, l'évolution de la chaîne, qui remplace les cafés conviviaux sur lesquels elle a bâti son image par des usines à servir des cafés industriels surtaxés et anti-paysans-du-tiers-monde, est typique d'une forme d'évolution de ce genre de chaînes pour qui le profit devient essentiel.

Quand je suis arrivé à Amsterdam, je suis tombé sur un café sympa qui s'appelait Hot & Cold, et où on pouvait manger les meilleurs sandouiches de la ville, préparés devant vous, servi par des gens sympa. C'est devenu mon quartier général durant l'écriture de ma thèse. A l'époque il n'y avait pas de wifi, mais je suis sûr que j'y aurais partiellement installé mon bureau si ç'avait été le cas.
Quelques années plus tard, mon café préféré a été "rationnalisé", ce qui veut dire que les sandouiches étaient préparés en usine, placés sous cellophane dans un meuble réfrigérant et réchauffés si besoin est par un étudiant sous-payé. C'est devenu plus cher. Au lieu du bon café glacé ou du jus de fruits, on doit désormais choisir entre une canette de coca ou un jus californien dillué vendu au prix du sauvignon. Et pourtant, ça marche.
Je n'ai jamais vu autant de Hot & Cold en ville. Ils sont pleins de provinciaux émerveillés d'avoir l'honneur de pouvoir poser leur derrière dans une chaîne moderne de la Ville et de devoir aller chercher avec un plateau un sandouiche industriel pas bon du tout et une canette de coca trop froide en payant le prix d'un bagel fait main avec un bon café fait maison qu'on réserve aux indigènes de l'autre côté de la rue.
Ça paraît absurde, mais ce genre de chaînes ont apparement fait le bon choix, puisque leurs bénéfices explosent et que de plus en plus de gens se pressent dans leurs cafés industriels. Le pari du fondateur de McDonald est largement gagné (j'y reviendrai).

Dans mon quartier, pas de Starbucks mais plusieurs Coffee Company. Ils restent encore conviviaux et continuent à faire leur café live, mais l'ambiance commence déjà à changer. Le wifi marche mal (pour pas que les clients restent trop longtemps), on a parfois des crises d'impolitesse de la part des garçons (comment on doit appeler les préparateurs de café, caffeiolo?), et il commence à y avoir trop de ces cafés dans le quartier, surtout depuis qu'ils ont obtenu plein de cash d'un investisseur indien qui aime les dividendes à la hauteur de ses investissements.

Bref, les bobos du Pijp attendent déjà d'être séduits par autre chose...

mardi 13 mars 2007

Publicité en question



Je viens de finir ce livre très chouette de Maris Bénilde sur la publicité et les média (sans 's', je préfère): "On achète bien les cerveaux". On en apprend de belles sur les stratégies économico-médiatiques. Pour le reste, elle prêche un convaincu, donc on a plutôt été d'accord l'un avec l'autre tout le long du livre.

Un extrait trouvé sur le site d'Acrimed:
A lire : On achète bien les cerveaux. La publicité et les médias (extrait)
Marie Bénilde / Publié le mardi 13 février 2007
Nous publions ci-dessous, avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur, un extrait de On achète bien les cerveaux. Médias et publicité, par Marie Bénilde, Raisons d’Agir, 15 février 2006, 6 euros, isbn : 978-2-912107-31-2. (Acrimed)

À la télévision comme à la radio, les intérêts croisés des agences de publicité et des médias se vérifient au quotidien à l’institut privé de mesure d’audience Médiamétrie, qui fêtait son vingtième anniversaire en 2005. Vingt ans de Médiamétrie, c’est aussi deux décennies de décervelage à coups d’Audimat, de parts d’audience et de durée d’écoute au service de « clients qui sont aussi nos actionnaires », comme le rappelle sa présidente, Jacqueline Aglietta. Fabricant exclusif de chiffres d’audience à destination du marché publicitaire, Médiamétrie tient dans sa main tous les médias audiovisuels représentés à son conseil d’administration et dans son capital : 35 % pour les télévisions (France Télévisions, TF1, M6, Canal Plus) ; 35 % pour les agences de publicité, les centrales d’achat d’espace et les annonceurs (Publicis, Havas-Euro RSCG, Carat, DDB Needham, FCB, l’Union des annonceurs) ; 30 %, enfin, pour les stations de radio (Radio France, Europe 1, RMC, RTL) ainsi que l’Institut national de l’audiovisuel.
Depuis 1985, cet organisme « interprofessionnel » créé à l’initiative des pouvoirs publics sert de caution à des directeurs de programmes en panne d’inspiration - l’indigence de leurs « contenus banalisés » a fini par inquiéter jusqu’au Commissariat général au Plan. En 2003, afin d’affiner l’adéquation entre les programmes diffusés et la cible publicitaire visée, Médiamétrie crée TV Performances, un outil qui vérifie si le profil des téléspectateurs d’un programme correspond bien au public souhaité [1]. Qu’une émission déborde de sa cible de « ménagère de moins de 50 ans » ou de « responsables d’achat de 35-50 ans », et elle est immédiatement corrigée.

LA PRESSE OU LE MÉLANGE DES GENRES
La presse écrite ne dispose pas encore de Médiamat. Cela ne l’empêche pas de vendre en gros ses lecteurs aux annonceurs. On fixe leur valeur au moyen d’études d’audience baptisées « Audience et étude de la presse magazine » (AEPM), « Ipsos France cadres actifs » ou Epic. L’audience, qui bénéficie des effets de notoriété des grands titres des médias, est un critère fondé sur le taux déclaratif de lecture, beaucoup plus avantageux pour les supports de publicité : un quotidien comme Libération, dont la diffusion payante moyenne ne dépasse pas 135 000 exemplaires, se targue d’une audience supérieure à 800 000 lecteurs en 2005. Cette même année, selon l’Office de justification de la diffusion (OJD), ventes et abonnements des journaux grand public ont encore baissé de 2,1 %. Plutôt que de chercher les causes profondes de cette désaffection, les éditeurs de presse se tranquillisent en regardant gonfler leur portefeuille publicitaire. En 2005, la publicité dans la presse mondiale a augmenté de 5,7 %, selon l’Association mondiale des journaux. En France, les temps sont cependant plus durs, comme l’atteste la faible progression de ces mêmes recettes en 2005 (+ 1,1 % selon l’Union des annonceurs). En matière d’investissements publicitaires, Internet et la presse gratuite commencent à tailler des croupières aux journaux payants.
Aussi est-il de plus en plus nécessaire de montrer patte blanche si l’on veut convaincre les entreprises et leurs courtiers en publicité d’annoncer dans la presse. Il ne suffit plus, en effet, de mettre en tête de gondole des rubriques comme « Les choses de la vie » (Le Nouvel Observateur), « Art de vivre » (Le Figaro), « Tendances » (L’Express) ou « Rendez-vous » (Le Monde). Même les suppléments high-tech, montres, luxe ou mode ont un air de déjà-vu : ils suintent le piège à pub. Il faut donc montrer aux publicitaires qu’on les aime. On peut, comme L’Équipe en 2004 ou Vogue en 2006, recruter directement son patron - respectivement Christophe Chenut et Xavier Romatet - dans l’agence de pub DDB. Ou, comme Prisma Presse (Capital, Femme actuelle, VSD), débaucher Fabrice Boé chez l’annonceur L’Oréal pour succéder, en juillet 2005, à l’ancien journaliste Axel Ganz à la tête du groupe de presse. En mars 2006, le nouveau patron exigeait de ses rédactions que tout projet d’ouvrage écrit par un collaborateur de Prisma Presse lui soit soumis à l’avance, qu’il ne comporte « aucune orientation ou interprétation politiques » et qu’il ne mette pas en cause « l’un quelconque des partenaires ou annonceurs publicitaires » du groupe [2].

Des dirigeants aux ordres du marché, un ton résolument positif propice aux pages de publicité, une nouvelle école de journalisme à Sciences Po qui intègre dans son cursus « la capacité à attirer la publicité » : la presse ne sait plus quoi inventer pour se vendre aux annonceurs. La plupart des titres économiques ou généralistes se sont dotés de pages consacrées aux médias, au marketing et à la publicité. Leur fonction ? Installer une courroie de transmission avec le monde forcément passionnant de la « communication ». Le Figaro, créateur en 1987 d’une page quotidienne réservée à « la vie des médias et de la publicité », vite relayée par une émission clone sur LCI et TF1, a poussé très loin cette sorte de compromission institutionnelle. La rubrique offre un traitement hyperbolique à une actualité professionnelle (comme l’obtention des budgets d’achat d’espace publicitaire) qui ne présente pas le moindre intérêt pour un lectorat grand public.
Un exemple, parmi tant d’autres : le feuilleton de l’irruption du matamore Vincent Bolloré, en juin 2005, dans l’arène d’Havas. La presse expliqua d’abord que le remplacement de 4 des 18 administrateurs de cette grosse agence était censé bouleverser les règles du capitalisme hexagonal. La grande affaire fut ensuite de savoir qui prendrait la place du taureau terrassé Alain de Pouzilhac, feu président d’Havas et désormais patron de France 24. Dès lors, la dernière page saumon du Figaro entretenait un suspense insoutenable autour de la nomination attendue du patron de l’agence TBWA Worldwide.

Le 23 juin, un gros titre nous apprend que « Jean-Marie Dru souffle le chaud et le froid » puis, le lendemain, que « Dans sept jours, Jean-Marie Dru dira s’il prend la tête d’Havas ». Finalement, c’est Le Monde qui fut l’auteur d’un scoop digne du Watergate avec une interview du dénommé Dru aussi efficace qu’une révélation de campagne publicitaire : « Il y a un challenge formidable chez Havas mais je reste chez TBWA [3]. » Pour les journalistes du secteur, il vaut mieux accepter de se prêter à ce genre de facéties sous peine d’être désavoués par leur direction. En février 1998, une rédactrice fut ainsi licenciée du Figaro pour « inaptitude à se plier aux exigences rédactionnelles d’un quotidien grand public ». Son crime ? Avoir déplu à Maurice Lévy, président de Publicis. À la faveur du récit de l’OPA ratée de cette société sur le groupe américain True North, la journaliste avait laissé entendre que ce grand patron influent profitait du conflit d’héritage opposant deux actionnaires de Publicis, Élisabeth Badinter et sa soeur, pour récupérer des actions « à titre personnel ». Maurice Lévy a bien sûr démenti toute implication dans ce limogeage ; et le tribunal des prud’hommes a condamné Le Figaro, le 8 octobre 1998, pour licenciement abusif.
L’emprise de l’agence Publicis sur une bonne partie de la presse tiendrait-elle à ses multiples imbrications capitalistiques ? Présent à 49 % dans la régie publicitaire d’Europe 1, du Monde et de Libération, le groupe de Maurice Lévy a trouvé le moyen d’étendre sa domination, via sa filiale Médias et Régies Europe, en s’alliant avec Lagardère. Cette société holding de Métrobus, bien connue des antipub pour les procès qu’elle leur a intentés à la suite de leurs barbouillages dans le métro, fédère les intérêts croisés des groupes Publicis, Lagardère, Le Monde et Libération.

Le Monde société anonyme est ainsi pris entre deux mâchoires : celle du lion de Publicis, à qui il doit 12 millions d’euros sous forme d’obligations transformables en actions, et celle de Lagardère, qui a injecté dans ses comptes 25 millions d’euros en 2005 en échange de 17 % du capital du Monde SA - sous réserve d’une entente entre les régies publicitaires. « Avec le groupe Lagardère, des accords publicitaires ont été mis en place notamment entre Interdéco, la régie d’Hachette Filipacchi Médias (du groupe Lagardère), et Publicat pour la partie magazine, et entre Régie 1, la régie d’Europe 1, et Le Monde Publicité pour le quotidien », a précisé Jean-Marie Colombani dans La Tribune (30 juin 2006). Autrement dit, Europe 1, Le Monde, Télérama, La Vie, Courrier international, Le Journal du dimanche, La Provence, Nice Matin, Le Midi libre, Paris Match, Elle et Libération ont désormais partie liée avec Publicis, Lagardère Publicité et la régie publicitaire des magazines d’Hachette. « L’idée est d’avoir un retour sur investissement à travers les régies publicitaires », a prévenu Arnaud Lagardère devant les analystes financiers inquiets d’un investissement peu rentable dans le groupe Le Monde, qui accumule les pertes financières.
En 1992, un livre blanc des journalistes du Figaro dénonçait déjà une « confusion entre rédaction et publicité qui contraint des confrères à citer dans des articles des annonceurs du journal et à signer des portraits-interviews entièrement réalisés par les commanditaires avec l’accord des gestionnaires du journal [4] ». Membre du comité d’éthique du Medef et directeur de la rédaction du journal de Serge Dassault, Nicolas Beytout se flatte d’avoir assaini les relations avec les annonceurs. « Le titre doit être complètement indépendant de la publicité, des groupes de pression, mais cette indépendance est aussi permise par sa capacité à gagner de l’argent [5] », déclarait-il à son arrivée. Un an plus tard, nul ne sait si quelques dizaines de journalistes du Figaro travaillent encore aux « piges publicitaires » de quelque 60 guides hors série rémunérées par la régie Publiprint au tarif du feuillet journalistique [6]. On sait en revanche qu’à l’approche des fêtes les rotatives continuent de cracher des catalogues « attrape-pub » ponctués d’articulets plus ou moins élogieux en fonction de l’importance du budget publicitaire (350 pages pour le « Spécial cadeaux » de Noël 2004). Quant aux pages « immobilier », elles sont encore garnies d’interviews de complaisance bien faites pour gratifier les gros pourvoyeurs en annonces. Le nouveau patron de la rédaction a cependant poussé l’exigence déontologique jusqu’à faire figurer l’énigmatique et très discrète mention « Rubrique réalisée par Publiprint » sous un « article », par exemple, financé par le Salon de la copropriété et signé d’un certain Thierry Veyrier sur « Les conséquences de la nouvelle donne » des copropriétaires [7].

L’actionnaire Dassault se montre tellement soucieux de bien faire au Figaro qu’il a confié son œuvre moralisatrice à un directeur général, Francis Morel, condamné à quinze mois de prison avec sursis pour avoir, en 1993, cédé à un prix sous-évalué un bien immobilier des Éditions mondiales (dont il était le PDG) à une société dont il était le propriétaire. Une condamnation confirmée en cassation en 2003 mais qui, selon Marianne, n’a pas empêché le même Morel de faire réaliser les travaux d’aménagement des locaux du Figaro par une société dont il était, la veille de son arrivée, l’administrateur [8].
De tels agissements ne sauraient avoir cours au Monde : le quotidien publie depuis quelques années un Livre de style, synthèse de ses principes qui le pose en parangon de la déontologie journalistique. Mais le « style » du Monde consiste aussi à faire paraître des suppléments publirédactionnels sur les montres, la « vie au féminin » ou des destinations touristiques. Financés par des agences de voyages, ces derniers regorgent d’articles avenants signés par des auteurs inconnus de la rédaction du Monde et rétribués par des tiers. Le 13 octobre 2005, un supplément intitulé « Objectif régions » était inséré dans le quotidien, avec tous les attributs d’un vrai contenu rédactionnel : un éditorial, des articles signés, une mise en page soignée. Seule une mention entre parenthèses - de 1 millimètre de hauteur, soit une taille trois fois moins importante que le corps des caractères utilisés dans les articles -, trahissait la véritable nature du produit : « publicité ». Le journal « de référence » propose régulièrement à ses lecteurs des cahiers de 8, 12 ou 16 pages à la gloire d’États étrangers aussi irréprochables que le Togo, la Tunisie, la Malaisie, la Bulgarie, l’Éthiopie, l’Algérie, la Mauritanie, etc. Au total, comme l’ont rapporté Pierre Péan et Philippe Cohen dans La Face cachée du Monde, une cinquantaine de ces suppléments dithyrambiques ont été publiés sous le label InterFrance Media entre 1999 et 2003. La technique est aujourd’hui connue : un VRP-journaliste se présente - faussement - au nom du Monde, ou tout au moins pour le compte d’une agence travaillant pour lui, afin d’inviter un gouvernement à faire valoir son point de vue, lequel sera fidèlement reproduit et « rentabilisé » grâce à la publicité récoltée localement auprès d’entreprises amies des autorités en place. Le journal se dédouane en affirmant que le supplément publié dans ses pages n’engage pas la rédaction du Monde puisque cette dernière n’a pas participé à l’élaboration de son contenu.

C’est pourtant bien en profitant du crédit de ce « fleuron de la presse mondiale », « le plus lu et le plus influent des journaux hexagonaux à l’étranger », pour reprendre l’argumentaire d’InterFrance Media cité par Péan et Cohen, que l’agence de communication vend une image d’intégrité à des États désireux de faire la promotion de leur régime ou même de répliquer à des articles défavorables publiés dans les colonnes du quotidien.
Comme l’écrit le médiateur du Monde, Robert Solé, le 10 mai 1999, « la question est de savoir si [cette forme de communication] ne porte pas atteinte à l’image d’un journal attentif au tiers-monde et soucieux de vérité ». La « charte publicitaire » publiée dans le Livre de style du Monde stipule pourtant que « toute formule du type “publireportages” ou “pages spéciales offertes” destinées à mêler contenu rédactionnel et contenu publicitaire est proscrite, tant dans Le Monde que dans les suppléments du Monde ». Mais comment renoncer à une manne estimée à 1 ou 2 millions d’euros par an ? Selon les auteurs de La Face cachée du Monde, Interfrance Media est un « faux nez » de l’agence Noa, spécialisée dans la conception de pages de publicité rédactionnelle destinées à des médias réputés comme EuroNews, Paris Match, USA Today, Time, Sunday Telegraph et, bien sûr, Le Monde.

De tels écarts peuvent paraître mineurs. Ils témoignent tout à la fois d’une volonté des annonceurs de s’immiscer dans le contenu des médias et de la proximité des journaux avec ceux qui les financent. Face à ce qui apparaît comme un moindre mal, une bonne partie des journalistes demeurent apathiques, chacun se résignant à ce que son journal soit aussi un support de publicité. Il en va, expliquent les directions, de la santé économique de leur média ; laquelle détermine, par ricochet, la pérennité de leurs emplois. Mais, en utilisant les codes de l’expression journalistique afin de légitimer leur discours, notamment dans la presse féminine, les annonceurs contribuent à décrédibiliser le journalisme. Au risque d’entacher un peu plus la confiance qu’accordent les lecteurs à leurs journaux.

Marie Bénilde, On achète bien les cerveaux. Médias et publicité, Raisons d’Agir, 15 février 2006, 6 euros, pp. 65 à 73.
[1] Le Monde radio-télévision, 3-4 juillet 2005.
[2] 20 Minutes, 21 mars 2006.
[3] Le Monde, 30 juin 2005.
[4] Le Canard enchaîné, 22 avril 1992.
[5] Le Monde, 2 octobre 2004.
[6] Marianne, 12 février 2005.
[7] Le Figaro, 5 octobre 2005.
[8] Marianne, 12 février 2005.

dimanche 11 mars 2007

Les misères du Gerard Douplein

La place près de laquelle j'habite, le Gerard Douplein, est l'un des endroits les plus visités d'Amsterdam, surtout par les fêtards et les célibataires alcooliques, et pourtant l'un des endroits les plus mal aménagés de la ville.
La coupe de la plupart des arbres de la place, malades ou abîmés par la tempête (j'étais alors à Oslo), redonne envie aux habitants et aux cafetiers de la place de s'investir et de la faire refaire pour répondre aux besoins de tous. J'ai été discuter avec ceux-ci. Il y a des problèmes techniques (pas de toilettes publiques, le sol est couvert de briques presqu'impossibles à nettoyer et dangereuses pour les vieux et les gens alcoolisés, les vélos sont garés partout, l'oeuvre d'art est abîmée...), mais aussi de problèmes plus sociaux: un café baricade sa terrasse pour ne pas méler ses clients chics aux clients plus mélangés du café d'à côté et empêche les gens de passer, lors des discussions de cafetiers le proprio du café turc n'a pas été invité, les deux clochards ennuyeux ont été interdits de place pour deux ans mais leur peine arrive bientôt à sa fin et ils vont revenir gueuler toute la nuit et cracher sur les gens...
A côté, on a un arrondissement dont la tête (en gros, nos échevins) sont ouverts à la discussion mais dont la lourdeur décisionnelle fait que je me demande combien de temps il faudra pour refaire cette place. Egbert de Vries (le bourgmestre) indique que des entrepreneurs veulent faire des choses sympa sur la partie de la place un peu paupérisée, mais je ne sais pas à quelle échéance.
Bref, cette place est petite, mignone et populaire, mais aussi très sale, bruyante, mal conçue et concentre beaucoup de rancoeurs. C'est à l'image du quartier. On va voir si on arrive à améliorer les choses...

Chaos organisé

Je commence à me reposer un peu: la fête de la musique commence à décoler sérieusement, et je vais pouvoir enfin commencer à bosser sur mon bouquin. Cette dernière semaine, rien de spectaculaire n'a été réalisé, car l'essentiel du travail a été mental.
Le concept de la fête de la musique est quelque chose que beaucoup de Néerlandais mettent du temps à comprendre: ce n'est pas un festival, ce n'est pas payant, ce n'est pas organisé par le privé, ce n'est pas organisé par les autorités, ce n'est pas centralisé, ça n'a aucun but lucratif, et c'est de facto démocratique.
Heureusement, notre coordinatrice, Claudia, a très vité pigé l'idée, celle du chaos organisé. Un peu comme ce qu'on essaye de nous vendre comme du Web 2.0, sauf qu'il n'y a aucun milion facile à gagner. En fait, c'est une idée assez latine de séparation des responsabilités: les gens fabriquent eux-même le spectable, et les autorités (ici via la Stichting Feest der Muziek) gèrent le chaos et coordonnent cette spontanéité créatrice sans contrôle artistique.
Nous avons déjà trois podiums gérés par des volontaires, et la semaine prochaine nous sortons du placard via internet et la presse locale et espérons que d'autre volontaires se présenteront pour coordonner d'autres podiums et des rues. Il y a des projets de ticheurtes, de fête préparatoire pour rassembler de l'argent...
La coordination mondiale, à Paris, veut cette année mettre en valeur New-York et Amsterdam (qui toutes les deux inaugurent leur fête locale) et nous demande de trouver une radio partenaire pour diffuser en direct la fête partout dans le monde (via leur site internet). Heureusement que désormais tous les volontaires et la coordinatrice se retrouvent tous les mardis pour coordonner tout ça. Si NYC s'y met, ça nous fait une sacré concurrence!
"No pressure" comme dit Lewis, qui maîtrise le sarcasme à merveille...

Nationalité et loyauté, rappel historique

J'ai lu un article passionnant dans lequel un historien compare les Pays-Bas en 2002 et en 1850. Selon Marlou Schover, historienne des migrations à l'université de Leyden, les Allemands catholiques qui avaient immigré aux Pays-Bas étaient accusés des mêmes maux que les Turcs et Marocains aujourd'hui. En pleine naissance du nationalisme, les Néerlandais on changé le jus soli (droit du sol, hérité de Napoléon) en jus sanguinis (doit du sang) pour éviter que les "colorés" des colonies ne deviennent aussi néerlandais (tiens, tiens, ça me rappelle des discussions sur les Antillais). S'ajoute donc en 1892 l'exigence d'être né de parents et grands-parents néerlandais, qu'on retrouve aujourd'hui dans la définition de l'autochtone. Les enfants et petits-enfants de migrants restent donc des étrangers, même s'ils sont eux-même über-néerlandisés.

Par ailleurs, les Allemands sont surtout vus comme des catholiques dans un pays qui s'imagine encore protestant (comme aujourd'hui certains sont vus comme des musulmans dans un pays qui s'imagine chrétien). Vers 1850 commence une psychose anti-romaine: les employés catholiques sont virés, beaucoup sont refoulés à la frontière. On associe systématiquement nationalité étrangère (obligatoire puisque ces migrants ne peuvent pas prétendre à la néerlandité) et traîtrise: on parle de révolutionnaires (l'équivalent XIXème d'islamiste), plus tard d'espions à la solde de l'Allemagne, et le besoin d'une distinction entre "vrais" néerlandais et les "faux" toujours susceptibles de trahir la patrie ne prend fin partiellement qu'en 1953.
Selon l'historienne, on se retrouve avec Wilders dans exactement la même situation: le mélange de la nationalité et de la loyauté "quand tu fais l'effort de te faire naturaliser Néerlandais, tu indiques pourtant clairement où penche ta loyauté la plus importante, non?"

Intéressante, cette Schover: "il ne faut pas confondre loyauté et nationalité. Il y a des députés qui défendent les intérêts des paysans en étant paysans eux-même. Mais on n'entend rien à ce sujet. N'est-ce pourtant pas aussi une loyauté? Balkenende va taire certaines choses parce qu'il est chrétien, c'est la loyauté au christianisme. Pas de problème. Mais il faut être clair sur la question."
Schover a une solution simple: arrêter d'inscrire la nationalité d'origine des gens qui deviennent néerlandais. Quand on est Néerlandais, on est Néerlandais, point, comme aux Etats-Unis: on est Américain, c'est tout.

Je suis assez d'accord avec elle. Pas vous?

vendredi 9 mars 2007

Petit soldat de l'évangélisation Mac?



Jeudi dernier, mon collègue travailliste Alper Tekin Erdogan a découvert avec béatitude la diversité informatique avec mon petit MacBook (une photo prise à la volée pour le prouver). Je recommande la bête à qui me demande (même si ma tendance politique me ferait conseiller un environnement Linux approprié, genre Xubuntu, qui marche vraiment impeccable), mais j'hésite à devenir ce que beaucoup d'utilisateurs Mac ont tendance à devenir: des petits soldats de l'évangélisation par le Mac.
Soyons honnête, la machine est superbe, marche très bien, l'univers Mac est maîtrisé et impressionnant, surtout après tellement d'années à souffrir sous Windows. Mes parents ont enfin pris goût au net, aux emails et à Skype grâce à leur Mac. Mon frère en veut un, Lewis en veut un...
En fait, au-delà de la propagande pro-Mac, la vraie question c'est: pourquoi les gens s'obstinnent-ils à acheter des PC avec Windows dessus, alors que c'est cher, que ça marche mal et qu'on nous aide rarement à surmonter les problèmes intrinsèques à l'univers Microsoft? Hein?

samedi 3 mars 2007

Lepénisation de la droite

Il arrive aux Pays-Bas exactement ce qui est arrivé en France avec la montée de Le Pen dans les années 1980: une lepénisation de la droite. Ici, il faudrait parler de wilderisering van de VVD (wildérisation du VVD), mais la cause et les effets sont les mêmes.
Hier, après la grande réunion sur le fête de la musique (j'en reparlerai), nous avons discuté avec Gülden Ilmaz, la star d'AT5 (télé amstellodamoise) de Sarkozy et de la France comme thermomètre politique de l'Europe. Même Sarko, qui essaye de promouvoir une forme de dictature pseudo-démocratique (monopole du pouvoir politico-économico-médiatique sans aucun contre-pouvoir), n'irait jamais aussi loin que Wilders. Même Le Pen ne va pas aussi loin. Mais la droite néerlandaise le suit avec un enthousiasme effrayant. Beurk.

Dans la presse néerlandaise:
"Le VVD s’est rapproché un peu de Geert Wilders lorsque le président du groupe, Rutte, a appelé la secrétaire d’Etat Albayrak à renoncer à sa nationalité turque", écrit le Trouw dans son grand article à la une. "’En tant que responsable de la politique d’immigration elle aurait pu donner un signal en renonçant à sa nationalité turque. Elle aurait pu être un exemple pour les autres immigrants’, a dit Rutte hier, durant le débat sur la déclaration de politique générale, la première rencontre de la Deuxième Chambre et du nouveau gouvernement." "Albayrak a dit qu’elle ne renoncerait pas à sa nationalité turque. ’J’ai prêté serment. Alors je ne vais pas sauter par-dessus une autre barrière pour prouver que je suis loyale’. Aboutaleb a estimé que Wilders ne veut pas de musulmans dans le gouvernement. ’C’est là son vrai agenda’." "Wilders redoute l’islamisation du gouvernement", note aussi le Telegraaf (p.3), qui cite le leader du Parti de la Liberté en ces termes : "Albayrak ne peut pas décider de l’admission de Turcs. Cela revient à faire contrôler la viande par le boucher qui la vend."

Commentaires
"Il est triste que la première rencontre du nouveau gouvernement avec la Deuxième Chambre ait été éclipsée par une discussion sur la loyauté à la cause néerlandaise des secrétaires d’Etat Albayrak et Aboutaleb", remarque l’éditorialiste du Trouw. "Non seulement la société, mais ces deux personnalités politiques elles-mêmes, l’une d’origine turque, l’autre d’origine marocaine, auraient mérité mieux, en tant qu’exemples d’une intégration réussie, tout comme le million de nouveaux Néerlandais qui, d’une façon ou d’une autre, ont encore un lien avec leur pays d’origine."
"Il n’est pas inconvenant de se demander si une fonction administrative ou représentative est compatible avec une double nationalité, mais actuellement la Constitution l’autorise. Selon l’article 3 ’tous les Néerlandais sont également aptes à être désignés à une fonction publique’. Si l’on veut changer cette disposition il faut prendre l’initiative de modifier la Constitution. Exprimer des doutes, aussi subtils qu’ils soient, sur deux personnalités politiques honorables, c’est manquer de fair-play et être destructif : une mesquinerie typiquement néerlandaise."
Selon le commentateur du Volkskrant, qui résume le débat plus qu’il ne le commente, "il se dessine une majorité PVV, CDA et VVD qui veut mettre fin à la double nationalité".

Dans HP/De Tijd l’ancien ministre de la Défense Henk Kamp, qui est désormais porte-parole du groupe parlementaire VVD, chargé de l’Immigration et de l’Intégration, dit de Wilders : "Il sème la méfiance et suscite antagonisme et discorde. Il crée ainsi des problèmes, alors que la tâche de la politique est justement d’en résoudre." Kamp est néanmoins d’avis que chacun doit avoir une seule nationalité et qu’il convient de conclure des accords internationaux à ce sujet.

Dans Elsevier le chroniqueur Leon de Winter est plus clément. "Wilders s’oppose à la ’double nationalité’ de membres du gouvernement. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas un thème de discussion honorable. Il importe de tenir compte du contexte - ainsi, Aboutaleb ne peut pas renoncer à sa nationalité marocaine parce que la législation marocaine la lui impose, qu’il en veuille ou non - mais s’agissant de Nehabat Albayrak, notre nouveau secrétaire d’Etat à la Justice, Wilders aborde un point intéressant : Albayrak a délibérément la nationalité turque. Et pourquoi un parlementaire ne pourrait-il pas demander s’il est souhaitable qu’un membre du gouvernement ait une deuxième nationalité ?" "Beaucoup de questions abordées par Wilders sont les principaux thèmes de débat dans les marges intellectuelles des sociétés musulmanes. Mais il est absurde de parler de ’musulmans dans le gouvernement’. Cela ne pose aucun problème."
Pour Gertjan van Schoonhoven, auteur de l’essai de la semaine - "Le stand de tir de Wilders" -, "la double nationalité est à juste titre un thème de débat politique". "Mais quelque chose de très malsain risque de s’y glisser : un excès de mauvaise foi." "La question de la double nationalité montre indirectement que sous le vernis de l’individualisation, la philosophie de la pilarisation du XIXe siècle est toujours bien vivante. En effet, le PVV [de Wilders] considère les deux secrétaires d’Etat comme des chevaux de Troie de groupes d’intérêt, des exécutants sans volonté des méchants projets de leur base, et pas comme des individus ayant des antécédents spécifiques, comme c’est le cas pour tout le monde, en définitive."
On notera dans ce contexte un tour d’horizon de la double nationalité dans d’autres pays d’Europe et aux Etats-Unis. "La France n’a jamais considéré comme un problème les rares politiques ayant plus d’une nationalité." Quant au Royaume-Uni : "la patrie du Commonwealth est riche en doubles nationalités". Et en Suède "deux passeports ’font partie’ de la logique multiculturelle".

http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=8256