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mercredi 14 mars 2007

Du select à l'industrialisation

Aujourd'hui, le Grand angle de Libé porte sur Starbucks, dont le directeur trouve qu'il a perdu son âme. Conçu comme un café européen, avec une âme, le café Starbucks moyen est une usine à vendre du café trop cher dans un endroit sale, humainement stérie et où chacun doit faire son service. Depuis un an ou deux, les Starbucks poussent comme des champignons et j'ai du mal à comprendre pourquoi ils ont du succès, vu que les cafés parisiens sympa avec une âme sont légion.
On dirait que les jeunes s'y pressent parce qu'ils pensent qu'en y allant ils sont modernes. De ce point de vue, Starbucks fait fort, car à mon avis rien n'est aussi ringard qu'un tel endroit. Mais bon, l'évolution de la chaîne, qui remplace les cafés conviviaux sur lesquels elle a bâti son image par des usines à servir des cafés industriels surtaxés et anti-paysans-du-tiers-monde, est typique d'une forme d'évolution de ce genre de chaînes pour qui le profit devient essentiel.

Quand je suis arrivé à Amsterdam, je suis tombé sur un café sympa qui s'appelait Hot & Cold, et où on pouvait manger les meilleurs sandouiches de la ville, préparés devant vous, servi par des gens sympa. C'est devenu mon quartier général durant l'écriture de ma thèse. A l'époque il n'y avait pas de wifi, mais je suis sûr que j'y aurais partiellement installé mon bureau si ç'avait été le cas.
Quelques années plus tard, mon café préféré a été "rationnalisé", ce qui veut dire que les sandouiches étaient préparés en usine, placés sous cellophane dans un meuble réfrigérant et réchauffés si besoin est par un étudiant sous-payé. C'est devenu plus cher. Au lieu du bon café glacé ou du jus de fruits, on doit désormais choisir entre une canette de coca ou un jus californien dillué vendu au prix du sauvignon. Et pourtant, ça marche.
Je n'ai jamais vu autant de Hot & Cold en ville. Ils sont pleins de provinciaux émerveillés d'avoir l'honneur de pouvoir poser leur derrière dans une chaîne moderne de la Ville et de devoir aller chercher avec un plateau un sandouiche industriel pas bon du tout et une canette de coca trop froide en payant le prix d'un bagel fait main avec un bon café fait maison qu'on réserve aux indigènes de l'autre côté de la rue.
Ça paraît absurde, mais ce genre de chaînes ont apparement fait le bon choix, puisque leurs bénéfices explosent et que de plus en plus de gens se pressent dans leurs cafés industriels. Le pari du fondateur de McDonald est largement gagné (j'y reviendrai).

Dans mon quartier, pas de Starbucks mais plusieurs Coffee Company. Ils restent encore conviviaux et continuent à faire leur café live, mais l'ambiance commence déjà à changer. Le wifi marche mal (pour pas que les clients restent trop longtemps), on a parfois des crises d'impolitesse de la part des garçons (comment on doit appeler les préparateurs de café, caffeiolo?), et il commence à y avoir trop de ces cafés dans le quartier, surtout depuis qu'ils ont obtenu plein de cash d'un investisseur indien qui aime les dividendes à la hauteur de ses investissements.

Bref, les bobos du Pijp attendent déjà d'être séduits par autre chose...