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samedi 31 mars 2007

Le PvdA dans la tourmente

La question des élections... ah là là. Alors que nous avions gagné haut la main les élections municipales (grâce en particulier au vote allochtone), cela fait deux élections qu'on se rétame lamentablement. Un rapport officiel est sorti hier (voir ci-dessous) qui souligne la position gênante du parti vis-à-vis de la séparation de plus en plus nette entre, pour faire bref, les ouiouistes et les nonistes (lors du référendum européen), c'est à dire les classes privilégiées d'une part et les classes moyennes et inférieures en voie de précarisation d'autre part.
Je le vois au sein même de ma fraction: il y a une division sociale très nette entre une aile droite ultra-libérale, moralisatrice, conservatrice et non-interventionniste, et une aile gauche collectiviste, protectionniste, anti-raciste et progressiste.
Vu l'air du temps, l'aile droite a l'air moderne, mais je dirais que son assise populaire est très très fragile. Et franchement, essayer de capter les électeurs du VVD ou du CDA, est-ce bien sérieux? Si le SP (extrême-gauche populiste) est en train de capter nos électeurs, c'est avant tout parce que notre ligne n'est pas claire du tout vis-à-vis de la prise de risque économique (désormais supportée par les pauvres) et la protection collective (en voie de démentellement). Comme je le dis depuis plus d'un an, les classes populaires et moyennes inférieures sont en voie d'appauvrissement et de précarisation, et cela engendre énormément de stress. 80% des Européens veulent un système social à la scandinave, mais seuls les politiciens du SP les soutiennent, c'est quand même révélateur de l'arrogance des politiques, non? Ceux qui daignent en parler aux politiques de leurs angoisses ont souvent droit à un discours de type "mais non, ne vous en faites pas, apprenez l'anglais, montez votre start-up de finances, achetez une maison plus grosse qui va prendre de la valeur et ça ira mieux." Le SP a peut-être des pratiques sectaires, mais sa ligne politique est claire: défense des salariés, des pauvres et des jeunes, lutte contre la précarisation, les guerres coloniales et la toute-puissance de l'ultra-libératlisme financier. Ils n'ont pas forcément la réponse aux angoisses des investisseurs financiers en manque de rendements, mais ils ont une réponse à ces catégories de la population qui sont (à juste titre) très angoissées.
Une autre question propre au parti est d'une part l'absence de débat interne, et d'autre part le leadership. L'absence de débat est assez fascinante, surtout si on compare les travaillistes aux socialistes français. Cela tient en partie à la culture néerlandaise qui (pour des raisons historiques) déteste tout forme de débat abstrait et de confrontation, mais aussi à des changements structurels à l'intérieur du parti. Une des manifestations de ce changements est la personnalisation à outrance du pouvoir, via Wouter Bos, et qui à mon avis correspond à la nouvelle vague d'individualisme sériel qui submerge la société néerlandaise et le parti.
Tout le monde fait semblant d'adorer "Wouter" parce qu'il y a une forme de terreur collective: on se dit que sans lui le parti ne peut pas avancer, que le critiquer c'est se préparer à une défaite électorale et politique, et que la majorité l'a adoubé et qu'il est donc légitime. On se croirait avec Kim Jong Il. Mon expérience personnelle (j'en ai parlé plusieurs fois dans ce blog) est qu'à chaque fois qu'il y a des décisions à prendre, les Wouter Boys (ces mecs dans la quarantaine, en costards sans cravate, d'une arrogance décontractée) sont là pour s'assurer que leur gourou médiatique obtient l'assentiment des foules, quitte à mettre en place des faux panels d'experts ou ds faux débats bien contrôlés. Dans un parti aussi large que le PvdA, avec autant de cadres suréduqués et à même de prendre des décisions par eux-même, je trouve cela pour le moins fascinant.
Je pense que s'il veut survivre, le parti va devoir faire une révolution culturelle et mentale pour se rapprocher de nouveau du peuple, laisser ses militants participer à la mise en place du programme, éventuellement avec le peuple de gauche pas forcément encarté (comme l'ont fait Prodi et Royal), et se trouver des dirigeants qui ne fonctionnent pas seulement à travers les sondages et les spin doctors, mais via l'engagement de la base, le travail des spécialistes et un débat interne réel. C'est pas gagné, hein?

Dans la presse néerlandaise:
"Le PvdA est divisé par une nouvelle ligne de rupture dans la société", écrit Hans Wansink à la une du Volkskrant. "Du fait de la polarisation croissante entre gens de formation supérieure et de formation inférieure, entre ’optimistes sur l’avenir’ et ’pessimistes sur l’avenir’, le parti de Wouter Bos se trouve écartelé." "Les cosmopolites et les libéraux trouvent que le PvdA n’est pas assez moderne et rechigne au changement, alors que les populistes de gauche et de droite considèrent au contraire les sociaux-démocrates comme une classe politique de réformateurs qui trahit M. Tout-le-monde." "C’est ce qu’écrivent les scientifiques du PvdA Frans Becker et René Cuperus, dans leur livre Verloren slag [bataille perdue], qui paraît aujourd’hui. Dans cette publication de la fondation Wiardi Beckman, le bureau scientifique du PvdA, divers auteurs analysent les causes de la grande défaite électorale que le parti a subie." "Becker et Cuperus parlent d’une ’très mauvaise campagne électorale, peu réactive, avec beaucoup de gaffes et un leader de parti qui n’avait pas la forme’. Ils jugent ’choquant’ que le parti ait perdu en faisant opposition à un ’gouvernement passablement impopulaire’. A cause du passage d’électeurs au SP, on aurait dit que ’le PvdA faisait partie de ce gouvernement asocial’. ’Or c’était le contraire’." "Les scientifiques du PvdA qualifient le programme électoral du parti d’’énorme liste des courses sans profil clair, sans choix nets’. La liste des candidats à la Deuxième Chambre n’avait pas de valeur ajoutée non plus, aux yeux de Becker et Cuperus, qui parlent de ’féminisme autodestructeur’ dans la composition de cette liste. ’Quel est l’intérêt pour la cause féminine en politique d’appliquer - sans recrutement efficace - un système de parité homme-femme rigide ?’" "Les divergences d’opinion ne manquent pas au PvdA, qui manque de cohésion, selon Becker et Cuperus. Mais la peur de voir la réalité en face domine. ’Les divergences d’opinion sont surtout traitées en cachette. Le leader du parti a été déclaré sacro-saint, sans que sa parole fasse vraiment loi’."
http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=8377