J'ai eu quelques réactions sur mon compte-rendu de la table ronde lors de la journée des associations (voir ici): apparemment c'est la panique parce que j'aurais dit que les institutions françaises aux Pays-Bas sont nullissimes. J'ai fait un compte rendu rapide de la réunion avant de tout oublier et j'ai peut-être mis ça en ligne trop rapidement. J'ai rapporté les réactions, parfois émotionnelles, des gens ayant participé à la table ronde. Et le cri du cœur de beaucoup était effectivement de hurler à la nullité.
Je pense que ces réactions sont le fruit d'une déception réelle, due à des désillusions (le passage de Christophe de Voogd avait laissé de très bons souvenirs et Philippe Ardy s'était fait des amis mais a déçu beaucoup de monde en n'arrivant pas à réaliser les brillants projets qu'il avait en tête), mais aussi à une attitude assez française, puisqu'on attend beaucoup des autorités.
Personnellement, mes rapports avec les gens de la Maison Descartes sont relativement satisfaisants, dans la mesure aussi où je n'en attends pas des merveilles. Quelques personnes qui y travaillent sont des amis. Aller bavarder avec Jasmine à la bibliothèque me fait un bien fou. Cependant, ça me frustre énormément de voir un si beau bâtiment si rarement utilisé à la hauteur de son potentiel. Hardy avait eu la fabuleuse idée de faire restaurer le cinéma et de le partager avec les autres centres culturels européens d'Amsterdam. Le fait qu'il ait fallu arrêter les travaux par manque de fonds a causé une déception énorme chez beaucoup de gens. Le restaurant/école culinaire avorté a déçu encore plus de monde.
Côté ambassade, je n'en sais rien, je n'ai jamais pris contact avec eux. J'ai eu des discussions agréables avec quelques diplomates qui y ont travaillé, mais c'est tout. A part la gaffe monumentale de l'ambassadrice il y a quelques années avec Tariq Ramadan, rien à signaler, si ce n'est un 14 Juillet de moins en moins populaire et de plus en plus réservé à la France d'en haut. Instructions du ministère?
Quand au consulat, j'y connais des gens très bien, mais j'y ai parfois été aussi très très mal reçu. Mais l'accueil glacial et indifférent des administration n'a rien de spécialement consulaire (voyez les administrations de certaines grandes entreprises françaises), ni de spécialement français (voyez les grandes entreprises néerlandaises).
En fait, le problème est peut-être ailleurs. Comme je l'ai dit, les Français attendent finalement peut-être un peu trop de leurs autorités. Ensuite, la représentation des Français de l'étranger (la seule force à même de faire changer les choses) est encore trop faible. D'après ce que j'ai vu, l'ADFE (les Français de l'étranger de gauche) a des idées pour renforcer cette représentation. On verra ce que le/a prochain(e) président(e) et le prochain parlement en fera.
En ce qui concerne la promotion du français et des cultures francophones, il faut aussi ajouter que les gouvernements français depuis 30 ans ne se sont pas illustrés par leurs énormes efforts en faveur des institutions françaises à l'étranger, surtout en Europe. J'entends les différents ministres beaucoup parler du rayonnement culturel de la France ou de la francophonie (ce Douste-Blazy, quelle pipelette sur le sujet...) mais cela fait bien longtemps que je n'ai pas entendu parler d'une mise en place de moyens extraordinaires en faveur des centres culturels, des facultés de français, des élèves francophones ou des initiatives pan-européennes de promotion de la culture francophone. J'ai l'impression que les fonctionnaires doivent se débrouiller avec des piécettes et mendier de misérables budgets tout le temps. Peut-être que la société civile, à travers le don d'entreprises françaises ou de mécènes francophiles, pourrait faire preuve de plus de générosité. Quand on voit le dynamisme et les moyens du Centre culturel flamand à Amsterdam ou de l'Institut Néerlandais à Paris, on se dit qu'il y a un problème franchement politique.
J'en ai parlé à ma copine Natasha, qui est québecoise (sa webradio est passée sur boingboing et est depuis quelques jours super connue), et voilà ce qu'elle m'a rapidement écrit à son réveil:
« Les Canadiens sont beaucoup plus loin culturellement et physiquement de chez eux que les Français quand ils sont ici. Peut-être que les Français ne prennent pas la distance au sérieux, ni le côté culturel. L'intégration reste quelque chose qui passe par le groupe culturel de l'immigrant (j'ai un gros article en néerlandais là-dessus) et non pas par le nouveau groupe, chose que les Néerlandais par exemple n'ont pas encore compris. Si c'est mal organisé, ça ne va pas fonctionner correctement. Peut-être que les autorités françaises estiment que les Français peuvent se débrouiller tout seuls, que les différences ne sont pas assez grandes et justement à cause du fait que la France est tellement connue, les Néerlandais savent comment faire affaire avec les Fançais (oui, j'ai entendu ça souvent - reverse integration). Peut-être que les autorités françaises estiment que ces expatriés vont retourner en France alors pourquoi les aider ?
Les Canadiens sont reconnus dans le monde pour bien s'intégrer dans un nouveau groupe. On apprend ça des immigrants chez nous et on applique la même chose à l'étranger. La raison est que le patrotisme à l'américaine n'existe pas chez nous. Il n'y a pas d'identité « fédératrice » comme disent les Européens. On est pas une monoculture officielle comme la France, on est des ex-colonies, on n'est pas une puissance mondiale et on a énormément d'expérience interne avec les immigrants. Notre hiérarchie est alors moins forte, moins historique et apte au changement rapide. De plus, on parle pas de droite et de gauche, de classes sociales comme en Europe. On est vraiment plus égalitaires sur toute la ligne. Le peuple canadien est de nature un peuple effacé, poli et raisonnable. L'armée passe son temps dans des missions de paix. On est conscient que la planète ne nous connait pas culturellement et on n'impose pas notre culture nulle part comme l'a fait la France. »
C'est pour ça que ce groupe de travail qui va être mis en place est très intéressant. J'espère que les deux "partis" de Français, l'ADFE (gauche) et l'UFE (droite) vont s'y joindre et que les institutions françaises aux Pays-Bas, certes critiquées mais auxquelles tout le monde tient (si on ne s'y intéressait pas, ce serait pire), arriveront à dépasser l'agacement d'être critiquées et viendront réfléchir avec les gens pour lesquels elles doivent travailler.
Je crois que Tanguy va inviter tout le monde très bientôt...
En photo, une "réunion" des "jeunes talents" à laquelle j'étais invité il y a un an. C'était fabuleux, Douste nous a annoncé des choses incroyables, et finalement je n'en ai plus jamais entendu parler. Quelle histoire, comme dirait Jeanne Moreau.