.

samedi 3 mars 2007

Lepénisation de la droite

Il arrive aux Pays-Bas exactement ce qui est arrivé en France avec la montée de Le Pen dans les années 1980: une lepénisation de la droite. Ici, il faudrait parler de wilderisering van de VVD (wildérisation du VVD), mais la cause et les effets sont les mêmes.
Hier, après la grande réunion sur le fête de la musique (j'en reparlerai), nous avons discuté avec Gülden Ilmaz, la star d'AT5 (télé amstellodamoise) de Sarkozy et de la France comme thermomètre politique de l'Europe. Même Sarko, qui essaye de promouvoir une forme de dictature pseudo-démocratique (monopole du pouvoir politico-économico-médiatique sans aucun contre-pouvoir), n'irait jamais aussi loin que Wilders. Même Le Pen ne va pas aussi loin. Mais la droite néerlandaise le suit avec un enthousiasme effrayant. Beurk.

Dans la presse néerlandaise:
"Le VVD s’est rapproché un peu de Geert Wilders lorsque le président du groupe, Rutte, a appelé la secrétaire d’Etat Albayrak à renoncer à sa nationalité turque", écrit le Trouw dans son grand article à la une. "’En tant que responsable de la politique d’immigration elle aurait pu donner un signal en renonçant à sa nationalité turque. Elle aurait pu être un exemple pour les autres immigrants’, a dit Rutte hier, durant le débat sur la déclaration de politique générale, la première rencontre de la Deuxième Chambre et du nouveau gouvernement." "Albayrak a dit qu’elle ne renoncerait pas à sa nationalité turque. ’J’ai prêté serment. Alors je ne vais pas sauter par-dessus une autre barrière pour prouver que je suis loyale’. Aboutaleb a estimé que Wilders ne veut pas de musulmans dans le gouvernement. ’C’est là son vrai agenda’." "Wilders redoute l’islamisation du gouvernement", note aussi le Telegraaf (p.3), qui cite le leader du Parti de la Liberté en ces termes : "Albayrak ne peut pas décider de l’admission de Turcs. Cela revient à faire contrôler la viande par le boucher qui la vend."

Commentaires
"Il est triste que la première rencontre du nouveau gouvernement avec la Deuxième Chambre ait été éclipsée par une discussion sur la loyauté à la cause néerlandaise des secrétaires d’Etat Albayrak et Aboutaleb", remarque l’éditorialiste du Trouw. "Non seulement la société, mais ces deux personnalités politiques elles-mêmes, l’une d’origine turque, l’autre d’origine marocaine, auraient mérité mieux, en tant qu’exemples d’une intégration réussie, tout comme le million de nouveaux Néerlandais qui, d’une façon ou d’une autre, ont encore un lien avec leur pays d’origine."
"Il n’est pas inconvenant de se demander si une fonction administrative ou représentative est compatible avec une double nationalité, mais actuellement la Constitution l’autorise. Selon l’article 3 ’tous les Néerlandais sont également aptes à être désignés à une fonction publique’. Si l’on veut changer cette disposition il faut prendre l’initiative de modifier la Constitution. Exprimer des doutes, aussi subtils qu’ils soient, sur deux personnalités politiques honorables, c’est manquer de fair-play et être destructif : une mesquinerie typiquement néerlandaise."
Selon le commentateur du Volkskrant, qui résume le débat plus qu’il ne le commente, "il se dessine une majorité PVV, CDA et VVD qui veut mettre fin à la double nationalité".

Dans HP/De Tijd l’ancien ministre de la Défense Henk Kamp, qui est désormais porte-parole du groupe parlementaire VVD, chargé de l’Immigration et de l’Intégration, dit de Wilders : "Il sème la méfiance et suscite antagonisme et discorde. Il crée ainsi des problèmes, alors que la tâche de la politique est justement d’en résoudre." Kamp est néanmoins d’avis que chacun doit avoir une seule nationalité et qu’il convient de conclure des accords internationaux à ce sujet.

Dans Elsevier le chroniqueur Leon de Winter est plus clément. "Wilders s’oppose à la ’double nationalité’ de membres du gouvernement. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas un thème de discussion honorable. Il importe de tenir compte du contexte - ainsi, Aboutaleb ne peut pas renoncer à sa nationalité marocaine parce que la législation marocaine la lui impose, qu’il en veuille ou non - mais s’agissant de Nehabat Albayrak, notre nouveau secrétaire d’Etat à la Justice, Wilders aborde un point intéressant : Albayrak a délibérément la nationalité turque. Et pourquoi un parlementaire ne pourrait-il pas demander s’il est souhaitable qu’un membre du gouvernement ait une deuxième nationalité ?" "Beaucoup de questions abordées par Wilders sont les principaux thèmes de débat dans les marges intellectuelles des sociétés musulmanes. Mais il est absurde de parler de ’musulmans dans le gouvernement’. Cela ne pose aucun problème."
Pour Gertjan van Schoonhoven, auteur de l’essai de la semaine - "Le stand de tir de Wilders" -, "la double nationalité est à juste titre un thème de débat politique". "Mais quelque chose de très malsain risque de s’y glisser : un excès de mauvaise foi." "La question de la double nationalité montre indirectement que sous le vernis de l’individualisation, la philosophie de la pilarisation du XIXe siècle est toujours bien vivante. En effet, le PVV [de Wilders] considère les deux secrétaires d’Etat comme des chevaux de Troie de groupes d’intérêt, des exécutants sans volonté des méchants projets de leur base, et pas comme des individus ayant des antécédents spécifiques, comme c’est le cas pour tout le monde, en définitive."
On notera dans ce contexte un tour d’horizon de la double nationalité dans d’autres pays d’Europe et aux Etats-Unis. "La France n’a jamais considéré comme un problème les rares politiques ayant plus d’une nationalité." Quant au Royaume-Uni : "la patrie du Commonwealth est riche en doubles nationalités". Et en Suède "deux passeports ’font partie’ de la logique multiculturelle".

http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=8256