Pays-Bas - Le film anti-islam retiré du net
Le lundi 31 mars 2008 à 11:12
FRANCESOIR : Le site britannique qui avait mis en ligne le film Fitna de Geert Wilders l’a retiré par mesure de précaution. Pensez-vous que cette affaire aurait pu provoquer les mêmes réactions que les caricatures de Mohomet ?
LAURENT CHAMBON. La grande différence, c’est que le Premier ministre néerlandais a tout de suite critiqué ce film. Il a clairement fait comprendre aux autres gouvernements qu’il ne le soutenait pas et ne l’acceptait pas. Donc si des émeutes surviennent dans certains pays, il s’agira davantage d’une manipulation politique. La preuve, c’est qu’aux Pays-Bas, il n’y a pas eu de violence, les gens sont restés très calmes.
L’Iran et les dirigeants réunis ce week-end au sommet de la Ligue arabe à Damas ont dénoncé le court métrage. Cela est-il inquiétant ?
Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont appuyé le gouvernement néerlandais en condamnant le message du film, tout en défendant le droit de son auteur de le diffuser. Je pense que c’est un signe fort. Quant à l’Iran, ses pratiques politiques sont trop souvent dénoncées ici. Aux Pays-Bas, le relativisme culturel sur les Droits de l’homme ne passe pas. L’Iran peut donc difficilement jouer les porte-parole de l’Islam.
Comment jugez-vous ce film?
Le court-métrage n'est qu'une compilation sans originalité d'images d’archives. Attentats, prêches d'imams intégristes, décapitations... Le but est évident : c’est d’amalgamer islam, islamisme et terrorisme. Il n’y a rien de très original. C’est une provocation de plus comme il y en a régulièrement ici depuis cinq ans.
Quelles genres de provocations ?
Dans mon livre, je montre que les propos des Néerlandais nationalistes sont très violents. Ce sont des insultes récurrentes. Le Pen ne pourrait pas s’exprimer ainsi. Geert Wilders appellent en effet les musulmans « des baiseurs de chèvres ». Je ne sais pas si les Français se rendent compte de cette violence exprimée au Pays-Bas. Tout a commencé avec l’assassinat en 2002 de Pim Fortuyn, dont les positions politiques étaient marquées par son hostilité à l'islam. Et depuis, ces provocations surviennent régulièrement.
Pourquoi l’Etat n’intervient pas ? Cela fait partie de la « tolérance » néerlandaise?
Depuis cinq ans justement, il y a une remise en question de l’identité néeerlandaise. Et cette problématique ne concerne pas uniquement l’extrême droite mais tout l’échiquier politique, jusqu’à l’extrême gauche. Cette dernière se rend compte que l’idéologie marxiste ne suffit plus à fédérer. Elle est donc obligée de prendre position sur ce genre de sujet. En un sens, c’est la question de la tolérance qui est en effet remise en cause. Pourra t-on parler d’une « wilderisation des esprits » comme il y a eu une Lepenisation des esprits en France…Il est encore trop tôt pour le dire.
Le grand mélange, de Laurent Chambon - Denoël collection Impacts 250 pages
Sortie 24 avril