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mardi 8 mai 2007

Le communauté et le mensonge



Je suis en train de lire le dernier bouquin de Didier Lestrade: "Cheikh, journal de campagne". Il ne porte pas sur la campagne électorale mais la campagne où il vit depuis 4 ans. J'en suis à la moitié. Il commence à s'énerver et taper sur la "communauté".

L'ordre divin et sexuel
Je dois être vieille France, car je suis complètement d'accord avec ce qu'écrit Lestrade. Le monde homo est fasciné par la consommation, la compétition et le sexe. Cela devient complètement absurde. Il y a une haine de soi et des autres, un racisme ethnique et social complètement assimilé, dans la façon de se conduire, de traiter les autres, de faire son shopping de sexe sur le net, mais surtout de tout mesurer selon des échelles convenues: il vaut mieux être blanc, musclé, bien monté et riche que l'inverse, comme si la personnalité, les talents et les réalisations ne comptaient pour rien. Une sorte de droitisation des pédés, pour qui seul le code génétique et le compte bancaire suffisent. Peu importe ce qu'on fait de sa vie, ce qui compte c'est la place dans la pyramide sociale et sexuelle. Tout l'inverse de ce qu'on m'a appris.
Pour qui connaît un peu les lois de l'amour, les deux plus fondamentales sont "à froid, la loi du marché domine" et "à chaque pot son couvercle". Dans la façon dont les pédés urbains modernes se conduisent, on retrouve le monde de Sarkozy et des capitalistes protestants croyant à une prédestination divine. Pas étonnant que tant d'homos urbains soient si seuls. On ne donne pas l'occasion aux gens de se connaître assez pour dépasser l'illusion d'un marché parfait où tout se négocie, et on réduit donc fortement les chances de chaque pot de trouver son vrai couvercle, et non pas celui qui est considéré comme le plus beau ou le plus approprié par les autres.
J'ai quelques amis homo parisiens qui sont des garçons brillants, créatifs et de bons amis (et oui, c'est une qualité estimable) et qui sont désespérément seuls. A croire que, structurellement, la "communauté" leur interdit de rencontrer des gens avec qui ils seraient bien. Ils sont trop jeunes, trop vieux, pas assez riches, trop cultivés, trop blancs, pas assez musclés, trop provinciaux... Personne ne leur dit: "je déteste ton travail artistique" ou "tu es trop obsédé par la musique". Non, ils sont juste pas assez cotés au marché de la viande.
Résultat, beaucoup de folles parisiennes trop seules importent des maris de province, histoire d'éviter la mercatisation de leur vie affective. Ces maris importés deviennent vite des Parisiens maigrichons, aigris et dépensiers, et il est alors temps d'importer d'autre provinciaux pour les remplacer.

Le mensonge comme arme universelle
Un autre truc qui m'intéresse dans son livre, c'est la question du mensonge. C'est quelque chose qui me touche beaucoup, car le mensonge a ceci de particulier qu'il pollue la vérité: dès que l'on sait qu'il y a un mensonge, la vérité s'en trouve ternie. On ne sait plus ce qui est mensonge de ce qui ne l'est pas. On le voit avec la prolifération des nouvelles mal vérifiées, trop simplifiées ou juste mensongères. On le voit aussi sur le net: le drague se passe sur des critères mensongers, avec des centimètres internet plus courts que les centimètres terrestres, ou des années plus longues. Tout le monde y est beau, bien monté, grand, musclé, mince, riche et jeune.
C'est cette utilisation du mensonge, aussi en politique, qui me pose le plus de problèmes et qui me révolte le plus. Ce n'est pas pour rien si les Classiques sont obsédés par la Vertu et la Vérité, ils savent que le mensonge corrompt tout. Les relations, les contrats, l'information, l'amitié, les relations sociales. Je ne sais pas si c'est dû à ma position d'outsider dans une société étrangère, hétéronormée et germanique, mais je me suis rendu compte que le mensonge était à l'origine de beaucoup de problèmes. Au travail, avec des chefs qui mentent. En amitié avec des gens qui trahissent leurs engagements amicaux (Lewis s'est fait une spécialité de tomber sur ce type de personnes). Dans les rapports avec les entreprises où la première question qui vient désormais à l'esprit quand on signe un contrat est "en quoi m'ont-ils menti, où vont-ils m'arnaquer?". Et en politique où l'utilisation du mensonge est l'arme la plus fréquemment utilisée, et elle est même considérée par beaucoup comme une preuve d'intelligence et de pragmatisme.

Je ne vais pas cacher que mon engagement à ne rien dire des discussions qui ont lieu dans mon parti me posent un problème de taille. Je le ressens comme une forme de censure a priori, et Dieu sait si j'en aurais de bonnes à raconter, mais le pire est que la transparence, qui est la seule arme que je possède, est donc a priori interdite. Dans un monde politique où chacun joue de ses capitaux (sociaux, symboliques, financiers), ma position est assez difficile. Seul un recours à la transparence me permet de dépasser les mensonges et les censures. Et c'est justement sur cette transparence que je suis régulièrement attaqué, ce n'est pas un hasard.
Me traiter de menteur, c'est délégitimer ce que je construit patiemment depuis des années, avec ce blogue, avec des positions publiques parfois difficile, et avec mes articles et interventions diverses.
Je me demande si la victoire de Sarkozy est un hasard dans ce cas: dans une société où le menteur est de mieux en mieux vu (regardez, Bush, Chirac ou Sarkozy), où le traître devient le maître et où les qualités se mesurent en euros ou en dollars, le mensonge est une valeur refuge... Certains parleront de déni, je n'en crois rien. Les lepénistes savent bien qu'on a torturé et tué lors de la colonisation. Ils savent bien que les Juifs ont été exterminés avec la collaboration active de l'Etat français. Ce n'est pas un déni, donc. C'est un mensonge qu'ils savourent avec un plaisir non dissimulé.

Bref, le livre de Lestrade, en plus d'être bien écrit, me lance sur des pistes de réfléxion auxquelles je n'aurais pas pensé. La suite très bientôt.