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lundi 1 janvier 2007

Immobilier et fermage

En modérant les messages de ce blog (que de spam, dites moi!), je suis tombé sur un lien qui m'a envoyé sur un autre lien et je suis tombé sur ça:
http://www.blogwaves.com/2006/12/immobilier_le_n.html

Il y a effectivement un problème avec l'immobilier. Pour faire simple, il y a eu depuis 20 ans une transformation de la répartition des revenus qui fait que les classes moyennes et inférieures ont vu leur revenu net reculer au profit d'une caste capitalo-administrative (il faut désormais deux personnes au travail pour nourir une famille). Comme cette caste ne sait pas trop quoi faire de tout cet argent, il est massivement investi dans la pierre, ce qui fait exploser les prix immobiliers dans toute l'Europe.
Le résultat est que les ménages doivent consacrer de plus en plus d'argent pour se loger, et que de plus en plus de gens sont exclus à vie de la propriété et devront louer ad vitam eternam. Mon ami Bruno, qui a un salaire plus que confortable (il doit gagner dix fois ce que je gagne), m'a dit l'autre jour que s'il devait acheter maintenant, il ne pourrait pas se payer son deux pièces à Levallois. Dans les faits, s'il devait se loger il devrait consacrer autant d'argent en louant qu'en achetant, sauf qu'il ne pourrait pas acheter.

Le problème immobilier n'est pas uniquement un problème de classe, mais aussi de génération: la génération précédente, profitant désormais d'une retraite confortable (en partie payée par les jeunes, directement en France, indirectement aux Pays-Bas à travers des loyers délirants et une précarité croissante), a réussi à se loger de façon assez peu onéreuse et profite souvent de la location de biens achetés à l'époque où ils étaient aborables. A l'époque de mes parents, on contractait souvent un prêt immobilier sur 10 ans, 20 ans maximum. En ayant aussi deux voitures. Parfois avec un seul salaire. Maintenant, il nous faut emprunter sur 30 ans, à deux, en y consacrant entre un tiers et la moitié de nos revenus. Pour une surface largement inférieure, et souvent sans voiture.

Politiquement, cela s'exprime en France par les manifestations de précaires, contre le CPE, les émeutes et surtout un désinvestissement massif des jeunes de la politique et du monde du travail tel que nos parents l'ont connu. Aux Pays-Bas, le non à la Constitution européenne et la poussée du SP et de Wilders exprime aussi une angoisse générationnelle et de classe.
En face, politiciens, technocrates et cadres de l'ancienne génération leur font des leçons de morale et d'entreprenariat, nous répétant qu'on ne travaille pas assez, qu'on ne veut pas entreprendre, qu'on a une mentalité de fonctionnaires. De la part de gens qui ont souvent été parachutés à des postes trop bien payés et qui n'ont eux même rarement entrepris quoique ce soit, c'est gonflé.
Cet clash entre une génération sacrifiée (et suréduquée) et une autre qui se mure dans ses privilèges et son arrogance risque de déboucher sur des tensions sociales et politiques énormes. La dernière fois qu'une telle précarité économique et statutaire a frappé les classes moyennes fut dans les années 1920-1930. Avec les résultats qu'on connaît. Pour l'instant, seules les extrêmes en parlent, et, curieusement, Ségolène Royal. Savoir si elle va réussir à transformer ça en réforme est une autre question. C'est pour cela que les présidentielles de 2007 sont tellement excitantes: va-t-on pouvoir arrêter la montée des rentiers aux dépends des gens qui travaillent ou s'oriente-t-on vers une société de classe comme avant la guerre de 1914-1918 ou comme dans la France pré-révolutionnaire?