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samedi 30 décembre 2006

L'art et sa forme: l'arnaqueuse et l'entertainer

Dans le Libération d'aujourd'hui, il y a un dossier sur le droit et l'art. Très intéressant, puisqu'il expose quelques exemples et le fait analyser par différents spécialistes. Cela me rappelle deux discussions qui ont beaucoup lieu aux Pays-Bas: l'art dématérialisé et la techno.
L'art dématérialisé s'est présenté à moi sous la forme d'une femme dont je ne suis pas autorisé à parler, mais qui se prétend artiste (ce qui lui assure une rente de l'Etat néerlandais) et dont l'oeuvre est immatérielle. Selon elle, ses interventions sociétales (surtout du chantage et beaucoup de vent sur internet avec son nom suivi de "artiste plasticienne") sont son oeuvre. Tout le monde trouve ça gonflé mais personne ne dit rien. D'après ce que j'ai lu, une oeuvre d'art est formée d'une idée originale prenant forme de façon originale. Même la pissotière de Duchamp est donc une oeuvre puisqu'il s'agit d'une idée originale traduite par une forme, en l'occurance une pissotière. Même les installations de parapluies cassés dans la galerie en bas de chez moi sont donc une oeuvre, puisque l'idée originale (expliquée de façon involontairement très drôle sur le flyer, à grand renfort de "déconstrution", "espace" et "plastique") s'est effectivement matérialisée dans ces parapluies cassés.
Je ne suis pas un expert, mais l'idée d'un art dématérialisé me paraît vraiment douteuse. Surtout s'il est matérialisé par une arnaqueuse. Comme si je disais: "je suis cinéaste mais tous mes films ne sont visibles que dans ma tête" ou "je suis écrivain mais je n'écris pas, j'ai dépassé le stade de l'écriture". Bullshit, comme dirait Lewis. Je ne crois pas à l'idée d'un "artiste sans oeuvre", pour reprendre le titre d'un livre connu.

L'autre discussion est celle de la techno, en la personne de DJ Tiësto, DJ le plus populaire du pays. Pour ceux qui ne la connaissent pas, sa musique est composée de boucles rythmiques répétitiques assez stridentes (avec le temps fort des synthés à contre-temps), et de reprises de mélodies connues (souvent dénuées de droits d'auteur, comme c'est pratique) passées à travers le même filtre. Une autre définition de l'art l'oppose à l'artisanat (même si, selon moi, les deux sont souvent liés) en ce que l'art officiel (ou artisanat) se veut édifiant et divertissant alors que l'art vrai est émouvant, parfois dérangeant. Je suis assez d'accord avec cette définition, qui s'applique très bien ici: Tiëto est divertissant, mais j'ai du mal à le trouver émouvant. Et si tous ces couples néerlandais petit-bourgeois sont tellement enthousiastes après avoir été à un de ces grands rassemblements dans un stade, c'est parce qu'ils ont été divertis (de façon efficace, apparement). Mais touchés?
En musique, je ne suis pas un ultra-conservateur mais je pense que, comme dans tout langage, il y a une grammaire de base à respecter. Cette grammaire s'exprime par des modes ou harmonies, et des rythmes. Un rythme seul divertit mais émeut très rarement (M6 de Maurizio est un bon exemple d'émotion rythmique), une belle mélodie émeut facilement. Certains me diront que ma grammaire musicale est peut-être trop pauvre pour apprécier Tiësto et arriver à être ému par ses "oeuvres". C'est possible.
En attendant, je le considère comme un businessman avisé et un divertisseur habile, mais pas comme un artiste.