Avec un peu de retard, j'ai enfin réussi à envoyer mon "carnet amstellodamois" à Septentrion, la revue trimestrielle sur les "arts, lettres et culture de Flandre et des Pays-Bas". Je mettrai le texte en ligne une fois la revue publiée (je ne sais pas encore quand).
En attendant, vous pouvez profiter de mon texte dans le numéro de ce trimestre (il me reste quelques précieux exemplaires pour ceux qui le demandent poliment) portant sur la statue équestre de Guillaume le Taciturne (page 38)...
Guillaume le Taciturne (1533-1584)
En plein débat houleux sur l'intégration et l'identité néerlandaise, il m'arrive de penser que la nationalité est une chose vraiment relative, et pas seulement dans les couloirs de la Commission européenne. Prenons Guillaume d'Orange, dit le Taciturne, héros néerlandais numéro un. Si l'on en croit sa biographie officielle, c'était un Allemand ayant grandi en partie à Bruxelles, qui a pousé une Hollandaise, une Saxonne, puis une Française, a créé les Pays-Bas en conduisant une révolte contre les Espagnols, et a fini assassiné par un Français hospanophile. L'hispanité des Provinces-Unies est d'ailleurs une zone grise de l'identité nationale, des croquettes aux tours des églises hystériquement ibériques qui parsèment l'horizon des villes néerlandaises.
Les aventures de Guillaume sont dignes des meilleurs films: un méchant vraiment cruel (le duc d'Albe), des coups du sort innombrables (il perd sa fortune, la retrouve, la reperd...), de l'amour (trois mariages, six enfants), de nombreuses trahisons, de tragiques retournements de situations (les huguenots sensés venir à sa rescousse sont massacrés lors de la nuit de la Saint-Barthélémy), un assassinat raté (par un espagnol à Anvers) puis réussi (par un Français à Delft).
Deux siècles plus tard, ses hauts faits militaires et stratégiques ont surtout eu pour conséquence d'installer, grâce aux Français sans qu'ils l'aient voulu, une famille allemande aux joues rebondies et aux dents un peu gâtées à la tête de la république batave et d'en faire un royaume héréditaire et quasiment insubmersible... celui qui paraît désormais si tranquille et pro-européen. Non sans raisons, donc. Songez-y lorsque vous vous trouverez à La Haye, près du Parlement, et que vous levez les yeux vers la statue sur laquelle, parfois, se pose un pigeon.
Laurent Chambon
(Septentrion XXXV, n°4, 2006, 4ème trimestre, page 38)