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mardi 9 mai 2006

Premières impressions

Voilà deux mois que je suis élu et il est temps de livrer mes premières impressions. Ce ne sont que des impressions, il me reste tant à apprendre et comprendre... On les relira avec intérêt dans quelques mois.

- Centralisme. Il me semble que le pays est encore plus centralisé que la France. La plupart des règles et lois sont décidées à La Haye, dans le cabinet des ministres. On dirait que la seule marge de manoeuvre que nous avons est de limiter les dégats des dissonances réglementaires et législatives pour les citoyens pris dans des situations kafkaïennes. La Haye émet des règles, à nous de les appliquer, et finalement de passer pour des empêcheurs de tourner en rond. Serions-nous un fusible permettant de mettre le pays en coupe reglée? On nous demande de réaliser des économies selon des critères déjà définis, d'appliquer des règles parfois absurdes sans que nous puissions les changer, d'imposer une violence symbolique et administrative à des citoyens qui nous ont élus pour les défendre... Et quand ce n'est pas La Haye, c'est la ville d'Amsterdam, la Centrale Stad, la "CS" en charabia politique...

- Formalisme. Tout se passe comme si on respectait les règles les plus élégantes et généreuses de la démocratie, et ce de façon presqu'émotionnelle (on vote, on a un présidium, un comité de vote, des commissions, on jure de faire de notre mieux, on se congratule, bravo, bravo...), alors qu'on dirait que tout a été décidé ailleurs. Au sein des coalitions, entre têtes de partis, entre échevins, autour d'une bière un de ces soirs... On a d'autant plus besoin de formalisme qu'on n'est pas sûr que ce que nous faisons est juste. Ce formaliste me semble douteux: on dirait qu'il cache quelque chose. La violence brute des décisions autoritaires, peut-être? Serais-je un valet du régentisme traditionnaliste?

- Charabia. Je reçois des tonnes de papiers remplis d'un charabia incroyable. Seuls les juristes parmi nous, élevés à la novlangue napoléonienne néerlandisée, semblent comprendre de quoi il en retourne vraiment. Tout semble extrêmement compliqué alors qu'il s'agit d'histoires assez terre-à-terre, assez facilement exprimables en néerlandais de tous les jours, sans latinismes ou formules juridiques datant du XVIIIème siècle. Le sociologue en moi ne peut s'empêcher de suspecter que certains veulent conserver leur monopole symbolique (et réel, nous sommes payés pour notre fonction) en empêchant M. et Mme Tout-le-monde de comprendre de quoi il en retourne. Comment peut-on demander au citoyen de tout suivre attentivement (nul n'est sensé ignorer la loi) si on le noie sous des tonnes de charabia? Où est la transparence si on a besoin d'un dictionnaire juridique ou un précis de néerlandais médiéval pour comprendre de quoi il en retourne? Ce n'est pas à moi, à Piet ou Jan d'apprendre cette novlangue, c'est aux politique d'imposer le néerlandais standard comme langue de travail.

Mais ce ne sont que mes premières impressions. Parlerai-je en novlangue dans 3 mois? Défendrai-je le système comme démocratique, transparent et décentralisé, comme certains de mes collègues plus aguéris? Suspense!