Tout le monde parle des carricatures de Mahomet et, honnêtement, ça commence à me gonfler. Je les ai reçues de Miriyam Aouragh (qui fait aussi partie des NieuweAmsterdammers) et qui m'écrivait "This is what islamophobia means in practice. Hegemonic racism. Covered in (not even funny) humor & freedom of speech, a là Theo van Gogh. Disgusting". Elle avait raison mais ne savait pas encore que ça allait devenir big.
Je pense que tout le monde est bien informé, je n'ai donc pas besoin de revenir dessus. J'ai cependant trois remarques:
1°) on agite la liberté d'expression comme s'il s'agissait d'un droit absolu. Je rappelle que nous ne sommes pas aux Etats-Unis où le 1er amendement garantit une liberté totale de parole (même la plus raciste et haineuse). En Europe, nous avons eu une guerre affreuse lors de laquelle des choses terribles ont été dites et ont mené à l'extermination de millions de personnes. Nous en avons tiré une leçon: toutes choses ne sont pas bonnes à dire, et la liberté d'expression est limité par le principe de respect des autres. Sans prendre position sur les caricatures, il faut se le rappeler: la liberté personnelle doit être grande, mais trouve sa limite dans le respect des autres et du bien commun.
2°) il me semble que ce n'est pas un hasard si les deux pays européen où il y a le plus de problèmes politiques vis-à-vis des immigrés et d'islamophobie sont aussi, et de loin, les plus américanisés et pro-américains: les Pays-Bas et le Danemark. On dit souvent qu'ils sont le 51ème et 52ème Etat de l'Union, et ce n'est pas pour rien. La rhétorique utilisée, un mélange de racisme, de xénophobie, de nationalisme provincial, d'ostracisme structurel et d'un discours sur le clash des civilisations entre en résonnance avec l'impérialisme islamophobe de George W. Bush et ses amis. Peut-être est-il temps, dans ces deux pays, de se poser quelques questions.
3°) en France, Charlie Hebdo s'est fait pas mal de thune avec une édition spéciale sur les caricatures, criant au droit de se moquer des religions. J'ai comme l'impression (cela reste une impression) que Charlie Hebdo se croit encore sous Giscard: à bas les curés, vive la Révolution anarchiste. A l'époque c'était sympa, face à une bourgeoisie guindée et autoritaire, mais là il ne s'agit pas de critiquer une religion au pouvoir en France, mais un groupe déjà humilié et systématiquement stigmatisé. Loin d'être héroïque, Charlie Hebdo tabasse un blessé déjà à terre. Car, quoiqu'il en dise, c'est en France que leur magazine va être lu, et pas en Syrie, en Iran ou en Arabie Saoudite. La honte, quoi...