Hier, à Akhnaton, Maina, des Internationale Socialisten, m'a reproché de rester au parti Travailliste (PvdA). En gros si je suis de gauche, je n'ai rien à y faire. Cela m'a irrité parce qu'il a en partie raison (voir les résultats du Stemwijzer), mais aussi parce que ce n'est pas aussi simple.
Tout d'abord, j'ai grandi dans une famille socialiste où on se considère à gauche, mais loin de l'extrême. A la maison, on parlait de la possibilité de voter pour Simone Veil (de droite) si elle se présentait à l'élection présidentielle, des tactiques stalinistes du Parti communiste, des stratégies sectaires de l'extrême-gauche révolutionnaire, du rapport entre liberté et égalité. Bref, nous étions collectivement de centre-gauche.
Je pense ne pas devoir renier ces principes: liberté, égalité, fraternité, tolérance, démocratie, bien commun, redistribution des richesses, l'Etat comme organe régulateur des excès du marché...
C'est pour cela que je suis devenu travailliste aux Pays-Bas: rester fidèle à mes principes de gauche, en évitant les excès révolutionnaires (source d'anomie) et réformer dans un consensus le plus grand possible tout en s'assurant d'une relative cohésion sociale. Et me voilà classé à l'extrême-gauche. Par mes interlocuteurs, par les programmes des partis, par les partis eux-mêmes. Me suis-je radicalisé?
Je ne pense pas. En fait, depuis 3 ou 4 ans, c'est les Pays-Bas qui se sont droitisés de façon assez radicale. Le VVD (libéraux) reprend les thèmes de l'extrême-droite lepéniste, le CDA (democrates-chrétiens) surfe sur l'idéologie de Vichy (travail, famille, patrie), l'extrême-droite (Leefbaar, Wilders et leurs amis) flirte avec les idées révisionnistes et eugénistes des nazis (stérilisation des jeunes noires, déportation, camps de rééducation pour jeunes allochtones), et le PvdA s'efforce de ne pas se faire dépasser par son électorat. Par ailleurs, SP (extrême-gauche) se déradicalise en voyant que l'électorat s'intéresse à lui et essaye de se profiler en parti de gouvernement (ah là là, premier pas vers la droitisation!), et GroenLinks a carrément opté pour un tournant ultra-libéral et renie son gauchisme humaniste du début. Cela entraîne nécessairement une droitisation du PvdA, surtout s'il veut gouverner avec le CDA après les prochaines élections législatives, en mai 2007.
Je résume: le VVD est la nouvelle extrême-droite, le CDA la droite réactionnaire, l'extrême-droite flirte avec l'idéologie nazie, GroenLinks est le nouveau parti libéral, le PvdA est au centre-centre-droit, et SP est la nouvelle gauche gouvernementale.
Cela signifie-t-il que je dois quitter le PvdA et rejoindre SP? Ou au contraire rester au PvdA et ancrer le parti à gauche (je ne suis pas le seul) ? Vu le vide intersidéral à gauche, le PvdA va-t-il comprendre qu'il a beaucoup d'électeurs à sa portée ou va-t-il continuer sa droitisation pour occuper le terrain laissé vide au centre-droit par les partis de droite ?
Franchement, je ne vois pas comment les gens du SP peuvent prédire l'avenir. Par définition, la science politique est une science très très molle. Elle est le point nodal entre la sociologie, l'hystérie collective, les mouvements historiques macro, l'économie, la psychologie, la sociologie des organisations, le religieux et l'ethnologie. C'est peut-être le domaine où on peut le moins faire de prédictions. Donc je n'ai pas plus tort qu'eux jusqu'à ce qu'on me prouve le contraire.
Allez, les élections sont dans 10 jours. La façon dont les partis vont négocier pour se partager le pouvoir révélera où se situent leurs limites et quels sont leurs vraies valeurs. Voyons donc ce qui s'y passe et nous aviserons.