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vendredi 27 mai 2005

J-2...

Malgré une certaines absence sur le net, je n'ai pas chômé. Par ailleurs, il reste deux jours avant le référendum et je dois éclaircir mes positions au cas où ça aide certains à voter "oui"... Il y a des arguments tactiques, techniques, et émotionnels.

1. Je ne voterai pas non car si je compte sur les tenants du non pour faire avance l'Europe, on serait encore en guerre contre nos voisins: Le Pen, de Villiers, la LRC ou le président dictatorial d'Attac ne réussiront jamais à négocier un traité équilibré avec 24 autres pays! La gauche du PS me déçoit beaucoup: faire du populisme anti-orientaux (anti-Pologne, en particulier, qui sont nos cousins de l'Est, dont le pays a failli disparaître plusieurs fois!) est impardonnable.

2. Je voterai oui car le texte n'est pas si mal, il représente une avancée pour la liberté, la démocratie, la richesse commune, les droits sociaux et personnels. Par ailleurs, une constitution devient ce qu'on en fait, ce n'est pas un contrat figé. Les Américians ont peut-être une belle constitution, mais cela ne les empêche pas d'être une nation réactionnaire, impérialiste et violente. Une nation européenne pacifique et progressiste fera de ce traité un modèle fabuleux. Les politiciens xénophobes et populistes en feront une échec malheureux. C'est lors des élections nationales et européennes qu'il faudra décider du contenu réel à donner à ce traité, non pas lors du référendum.

3. C'est la première fois que 25 pays qui se sont entretués pendant des siècles décident de faire la paix, de devenir le pays le plus riche, un des plus peuplés, de loin le plus démocratique du monde, sans guerre, sans colonialisme, sans vainqueurs. Cela arrive rarement. Le reste du monde retient son souffle: serons-nous capables d'inspirer l'Asie et l'Amérique latine? Serons-nous capables de devenir un modèle social, politique, culturel et économique pour le reste du monde, loin d'une Amérique (que j'aime par ailleurs!) prédatrice et impérialiste? je voterai oui car je suis fier du travail parcouru. Rien n'est parfait mais nous devons cesser de jouer aux enfants gâtés et réaliser notre chance: malgré toutes les incertitudes politiques ou économiques, l'Europe reste le meilleur endroit pour vivre au monde. Peu de violence, une économie pas trop mauvaise, une couverture sociale qu'on nous envie, un système de santé qui nous fait vivre assez vieux pour développer des concers improbables, plus de démocratie que dans le reste du monde, des paysages et des villes fabuleuses. Et puis, il faut le dire, on a les gens les plus sexy, les mieux habillés et les plus libérés du monde occidental!

Malgré la corruption chiraquienne, la nullité de notre gouvernement, le populisme des extrêmes; malgré les crises économiques et identitaires, malgré la guerre en Irak qui a divisé le continent, soyons fiers d'une Europe qui n'a jamais été aussi pacifique, démocratique, égalitaire et riche, même s'il y a encore du travail à faire.
Une dernière remarque: lors des jeux olympiques, si les Européens avaient défilé sous un seul drapeau, ils auraient représenté au moins la moitié des sportifs, et l'Europe aurait rafflé l'essentiel des médailles, bien devant la Chine ou les Etats-Unis. C'est comme si les Etats-Unis se présentaient état par état: voici l'Utah, la Californie, la Géorgie, l'Alaska... C'est ce qui se passe ailleurs: 25 crottes européennes contre la Chine, l'Inde et l'Amérique. La honte.
Pour les Kreukreux parmis nous: ga stemmen, en stem 'ja'!

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Commentaire de Nathalie: "Merci"
Commentaire de Karim K ( http://www.minorites.org ): "Je suis bien content de ne pas avoir à me prononcer, étant indécis bien que penchant pour le non, comme plusieurs de mes collègues (eh oui, la Commission européenne est un bastion de l'euroscepticisme...). Mais je voudrais relever certains arguments que tu avances:

1. Je ne crois pas que la LCR figurera dans la prochaine majorité gouvernementale française, quelle qu'elle soit. Quant au populisme, que dire du mépris des électeurs dont ont fait preuve tant de tenants du oui, présentant des scénarios-catastrophes auxquels ils ne croient pas eux-mêmes (je pense ici au ministre néerlandais qui disait qu'en cas de non, un scénario à la yougoslave était à prévoir...)? C'est de la démagogie pure et simple: en cas de non, c'est le statu quo - chose déplorable sans doute, mais pas la guerre civile ou la misère généralisée qu'évoquent les Cassandre du oui.

2. Le projet de constitution présente effectivement une série d'avancées, qui sont au demeurant moins importantes que ne le disent ses supporters, et plus important que ne le pensent les tenants du non. Le seuil de la majorité qualifiée est allégé, le domaine de la codécision parlementaire est étendu, les objectifs sociaux renforcés dans le sens où ils sont désormais intégrés dans toutes les politiques de l'UE au lieu d'être simplement des objectifs parmi tant d'autres, et j'en passe. Mais il ne s'agit pas de bouleversements institutionnels: ceux-là ont eu lieu bien avant, avec l'acte unique européen de 1986 et le traité de Maastricht de 1992. Le traité sur le projet de constitution européenne ne mérite ni l'excès d'honneur qu'on lui prodigue, ni la diabolisation.
Je ne crois cependant pas à l'utilité de la comparaison avec les constitutions nationales, et particulièrement celle des USA. Curieusement, je n'ai rencontré ces comparaisons qu'au sein du débat français, les débats suédois ou anglais étant absolument silencieux sur ce point. Sans doute le tropisme français...
Quant au contenu réel de ce traité, et je crois que tu vises par là les politiques européennes dans divers domaines, le projet de traité en fixe malheureusement les modalités assez précises, et même de manière contre-productive (je pense au domaine monétaire, où l'objectif de lutte contre l'inflation prime tous les autres). C'est comme si la constitution française fixait le type de politique économique que devrait suivre tout gouvernement... Ceci limite de manière substantielle la marge de manoeuvre du gouvernement communautaire hybride constitué par la Commission et le Conseil, alors que la sagesse démocratique voudrait que le contenu des politiques soit déterminé conformément à l'expression du suffrage populaire. Il est vrai que sur ce point, le projet de traité n'innove guère, puisque les traités actuels contiennent des dispositions similaires en matière de politiques dans les domaines les plus divers. Mais prétendre que les élections nationales et européennes détermineront le contenu du traité n'est pas tout à fait exact, tous les principes et objectifs y étant déjà définis - les élections que tu évoques pourront à la rigueur (et encore - je ne connais pas d'élection nationale s'étant jouée sur des thèmes de politique communautaire) déterminer les moyens utilisés pour atteindre ces objectifs, ce qui ne laisse guère de place à l'expression d'une volonté populaire de changement à ce moment-là - et les difficultés de négociation et de révision que tu évoques au point 1 se poseraient pour toute modification des principes et objectifs régissant les politiques communautaires, même si elle serait voulue par l'opinion publique d'une majorité des Etats membres.

3. Ce n'est pas la première fois que 25 pays européens décideraient de faire la paix - à ma connaissance, les 25 Etats membres actuels ne sont pas en Etat de guerre, et les traités actuels auxquels ils adhérent demeureront en l'état en cas de non...
Quant à l'Amérique prédatrice et impérialiste, je ne crois honnêtement pas que les dispositions de la constitution européenne en projet puissent l'entraver - son fidèle caniche britannique s'y serait immanquablement opposé, et d'ailleurs, les décisions en matière de défense doivent être prises à l'unanimité des 25, satellites de l'OTAN compris...
Quant au sport, je te ferais remarquer que le Royaume-Uni est représenté au foot par quatre sélections (Angleterre, Ecosse, Irlande du Nord, Pays de Galles), sans que les intéressés ne s'en plaignent - va trouver l'Ecossais qui voudrait représenter le Royaume-Uni et chanter "God save the Queen"!"