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dimanche 14 décembre 2008

Je quitte le PS



Je suis membre du Parti travailliste néerlandais, et j'étais membre du Parti socialiste français. J'ai décidé de lâcher le parti socialiste français. C'est moins un problème que je pourrais avoir avec son programme (il n'y en a pas, malheureusement), qu'avec son fonctionnement interne.
J'avais expliqué le mode de désignation du président du parti travailliste, avec la méthode dite de Condorcet (voir ici). On vient de renouveler l'opération pour savoir qui va être la tête de liste travailliste pour les prochaines élections européennes: on indique nos candidats préférés dans l'ordre qui nous sied, et celui ou celle qui a le plus de voix est désigné(e) comme tête de liste. Cette méthode, qui existe depuis plusieurs siècles, permet de générer de la légitimité. On peut voter par internet, par téléphone ou par courier. Simple, non?

Le fait que le PS ne soit pas même en état d'imaginer que ce soit possible laisse entrevoir son mode de fonctionnement réel. La réaction des éléphants aux tentatives de Ségolène Royal d'ouvrir le parti à d'autres groupes de militants avec les adhésions à 20 euros, et la façon dont ces adhérents ont été ostracisés par les vieux adhérents en dit long sur la mentalité de forteresse assiégée qui y règne.
Je suis sensé être membre de la section de La Haye. Pour les élections du nouveau secrétaire du parti, il fallait que je me déplace à La Haye (plus de trois heures de porte à porte l'aller-retour) pour pouvoir voter. Dans une section aussi large (tous les Pays-Bas), pourquoi est-ce inimaginable de ne pas pouvoir voter autrement? Je leur ai écrit que c'était une méthode d'exclusion un peu dépassée en ces temps de "rassemblement", mais ils n'ont pas compris mes reproches, tout occupés qu'ils étaient à mesurer leurs motions et savoir comment faire avancer la leur... Dans cette fameuse section, la plupart des membres que j'y ai rencontrés sont avant tout obsédés par la France et les jeux politiques; les Pays-Bas ne les intéressent pas. Je pense, au contraire, que notre situation particulière, entre deux cultures et deux pays, fait de nous une boîte-à-idées, et que notre rôle n'est pas d'occulter le plat pays, mais au contraire de construire un relais politique et culturel entre les deux pays.
Pour le reste, notre relation consistait surtout à faire en sorte que je ne prenne pas trop de place et que je ne vole pas le "pouvoir" de notre présidente. Comme si je n'avais que ça à faire. Franchement... Je pensais qu'il faudrait plutôt construire un pont vers les Socialistes européens et le Parti travailliste. Mais, clairement, mes idées étaient inconvenantes, et je n'ai que très peu entendu parler de notre section par la suite. Ce qu'on m'a raconté sur d'autres sections ailleurs m'a beaucoup calmé: contrôle du "pouvoir", exclusion de ceux qui ne pensent pas comme il faut, coût d'entrée réel (autre que l'adhésion) montre que le parti n'est pas du tout un système démocratique, mais une machine à s'assurer de l'élection de quelques uns. Les aventures des intellectuels de gauche qui ont essayé de faire changer les choses ont bien montré ce qu'il en était réellement dans le parti: on leur a demandé de se taire et on les a physiquement empêchés de parler au congrès.
Quoiqu'on puisse penser d'elle, les propositions de Royal sur la démocratie interne me semblaient sages, et il est clair qu'elles ne seront pas prises en compte. Son contact avec de nombreux intellectuels de gauche (même si elle n'a pas su les inclure correctement lors des présidentielles) laissait présager un peu d'intelligence au service du peuple. La timide ouverture a fait long feu.

La crise au PS est une bonne parabole de la crise française qui dépasse largement les problèmes du parti: une élite qui a confisqué le pouvoir, se bat pour conserver ses privilèges et qui ne comprend même plus que les vrais problèmes dépassent le choix entre les motions A, B ou Z; un peuple qui a été exclu; des méthode antidémocratiques; et beaucoup d'arrogance. J'ai honte de l'UMP et de son attitude servile vis-à-vis de Sarkozy, mais j'ai encore plus honte du PS. Hors de question de légitimer un tel système par ma présence. Je ne lui souhaite même pas bonne chance, ce serait en faire mauvaise utilisation.

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Le texte de mon email envoyé ce soir à 23:57: «Je sousigné Laurent Chambon, né le 22 mai 1972 à Châtenay-Malabry (92), membre de la section de La Haye (Pays-Bas), déclare ne plus être adhérent au Parti socialiste à partir d'aujourd'hui. Je souhaite être rayé des listes d'adhérents, ne plus recevoir de couriers et ne plus être mentionné comme membre du parti. Fait à Amsterdam le dimanche 14 décembre 2008.»