jeudi 20 novembre 2008
Décoller en toute légalité
Décoller (get high) est un besoin humain, apparemment. Les riches y arrivent avec de la coke ou du shopping, les pauvres avec des courses de chevaux ou de la beuh, les classes moyennes avec de la codéine et de la bière. Bref, même si on connaît parfaitement les conséquences économiques et sociales qu'ont les drogues, il s'agit d'une réponse humaine à la dureté des relations sociales.
La question qui domine les Pays-Bas ces dernières semaines est celle de la politique de la drogue. En gros, les jeunes libéraux veulent une légalisation alors que les chrétiens-démocrates veulent une interdiction. L'argument des amis de Balkenende: comme les autres pays n'ont toujours pas dévié de leur politique répressive, notre politique a échoué.
Il y a un échec, c'est vrai, mais il est dû au législateur: en tolérant la vente de marie-jaja tout en interdisant la production d'herbe, il s'est débrouillé pour que, de facto, la production soit controlée par des criminels. Qui interdit un produit demandé s'assure que son économie profitera aux entrepreneurs avec les moins de scrupules.
Je pense que la politique néerlandaise a fait la preuve de son efficacité, non pas en éloignant la filière des criminels (mais c'est dû à l'hypocrisie des différents gouvernements), mais par les chiffres. Les Néerlandais consomment moins que les autres. Alors que les pays les plus répressifs sont ceux où on fume le plus. Plus c'est interdit, plus c'est désiré. C'est bête mais c'est ainsi.
Plein de Français ou d'Américains, quand ils apprennent que je vis à Amsterdam, se font des gros rêves: "mec, tu dois fumer tout le temps!", "si j'y vivais, je me roulerais des gros ouinjes de la mort." Et bien nan, comme c'est accessible, la tentation n'est pas là. L'interdiction fonctionne comme les soldes: on se sent obligé d'acheter car c'est une occasion, alors qu'on n'en a pas forcément ni besoin ni envie.
Au lieu de suivre les chrétiens-démocrates dans leur moralisme hypocrite, il vaudrait mieux s'assurer de la sécurité des consommateurs (avec des contrôles qualité et une traçabilité irréprochable) et des producteurs honnêtes (qui ne manqueront pas de se mettre au travail dès que la culture sera légalisée). J'espère que les politiciens haguenois auront l'intelligence de ne pas écouter les discours hypocrites des Français ou des Américains sur la question, où pourtant ils ont fait preuve de leur incompétence. Mais le complexe d'infériorité des élites néerlandaises est un facteur à ne pas sous-estimer dans ce genre de décisions...
Dans la presse néerlandaise d'aujourd'hui (lien):
"Plus de la moitié des maires qui ont des coffee-shops dans leur commune sont favorables à la légalisation de la ’chaîne des drogues douces tout entière’, y compris donc l’approvisionnement des coffee-shops", relève le Volkskrant (p.3). "Ils veulent qu’on mette fin au ’système dualiste’ dans lequel la vente de cannabis par la porte de devant est tolérée, alors que la culture et l’approvisionnement par la porte de derrière ne le sont pas."
"C’est ce qui ressort d’une enquête de Binnenlands Bestuur , une publication hebdomadaire pour gestionnaires et fonctionnaires publics. Les Pays-Bas comptent 106 communes avec un ou plusieurs coffee-shops. Tous ces maires ont été approchés par téléphone pour leur demander s’ils sont partisans de la légalisation de la ’porte de derrière’, du maintien de la politique de tolérance actuelle ou de l’interdiction des coffee-shops."
"88 maires ont coopéré à l’enquête : 54 ont déclaré vouloir légaliser toute la chaîne de production et de vente, 25 veulent continuer la politique de tolérance actuelle et 9 veulent interdire les coffee-shops. Six maires n’ont pas voulu exprimer de préférence."
"Parmi les partisans de la légalisation (plus précisément de la régulation) se trouvent les maires d’Amsterdam, d’Utrecht, de Tilburg, de Groningue, de Leeuwarden, de Leyde, de Maastricht, d’Enschede, de Haarlem et de Hilversum. Les maires VVD de Rotterdam et La Haye se sont prononcés pour la poursuite de la politique de tolérance."
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