L'autre jour en faisant le ménage dans mon bordelissime bureau, j'ai décidé de descendre mes CD à la cave et de numériser ceux que j'écoute régulièrement, et de laisser les autres se faire découvrir quand je serai d'humeur à rouvrir les cartons.
Deux disques sont passés à la moulinette d'iTunes avant les autres: "Behaviour" et "Very", tous les deux des Pet Shop Boys, ce qui ne surprendra pas ceux qui ont écouté "Überlove", tant leur influence est indéniable sur notre musique. Les deux albums vont ensemble d'une étrange façon, et représentent les Boys au sommet de leur art.
Sorti il y a dix-huit ans, "Behaviour" est un album assez pessimiste et nostalgique. Lewis connaît toutes les paroles par coeur, of course. Avec le recul, je me rencontre que c'était un album de folle triste, parlant de mecs infidèles, des copains qui meurent du sida, de la solitude et d'amours compliquées. Allez, première citation qui me faisait péter les plombs alors que je passais mon bac et rêvait secrètement qu'un garçon quelconque me demande en mariage ("Nervously"):
«A nervous boy from another town
With a nervous laugh and a concentrated frown
I spoke too fast with watchful eyes
Of a recent past and some nostalgic surprise
We dont talk of love
We're much too shy
But nervously we wonder when and smile»
Une autre pour la route (de "So hard"), qui est assez bien vu pour qui a vécu une telle relation:
«I'm always hoping you'll be faithful
But you're not, I suppose
We've both given up smoking 'cause it's fatal
So whose matches are those?
Tell me why don't we try
Not to break our hearts and make it so hard for ourselves?»
Presque plus intéressant que l'album est la série de faces B complètement folles et drôlissimes, à commencer par "Miserabilism", pré-House électronique un peu toy, une chanson sur ces folles qui se prennent la tête pour rien. La révélation fut bien sûr "Bet She's Not Your Girlfriend", presque un morceau d'anthropologie participante sur la vie de l'adolescent dans le placard en banlieue, deuxième citation en angliche:
«Whisper 'round the town,
'cause you're my friend and that's the end
For you're the only one in town
Who they will beg to hang around with
You're so beautiful and calm
But with an attitude that says:
"Hands-off, you're just not good enough"
Every boy and man feeling lonely
Can't understand why you'd be with me
Furthermore, we laugh and we draw
More attention everyday, so they say:
(Refrain) Bet she's not your girlfriend, oh no,
You better make her happy
Bet she's not your girlfriend, oh no,
You better make her happy»
Allez, on passe au suivant...
Et, oui, PSB période Lego™ et chapeaux pointus. En réaction totale à l'album d'avant, "Very" est encore plus folle et le visuel à lui seul donne une idée du contenu: des chansons Pop en plastoc pleines de blips et de blops, de boîtes à rythme et de vidéos en 3D.
À part quelques chansons de House hystérique électronique néo-blip, il y a quelques chefs-d'œuvre absolus, aussi bien dans la composition que la production, et avec la quinzaine d'années de recul cela semble encore plus évident, en particulier "Liberation", une ballade extatique bourrée de guitares wah-wah, d'envolées de violons et de flangers réglés sur "infini". Autant l'album d'avant était celui du doute et du placard, autant celui-là est celui de sa sortie définitive:
«Take my hand,
Don't think of complications
Now, right now,
Your love is liberation
Liberation»
Là encore, c'est du côté des faces B qu'il faut aller voir pour se rendre compte de la créativité des Garçons. Une chanson trop belle pour aller avec le plastique de l'album, probablement une des plus écoutées chez les Chambon-Marques, est "Decadence" (avec Johnny Marr), coincées entre guitares baléariques, envolées de violons hollywoodiens et paroles joyeusement idiotes chantées en voix de tête:
«You'd better change for the better
Start using some common sense
Take it from me there's - got to be
An end to this decadence
For decadence - is fatal
It's the beginning of the end
In self-defense
I cannot recommend
This decadence»
À écouter aussi, le très British "Hey, Headmaster", mais aussi l'hystérique "Shameless" qui irait si bien en générique de toutes les émissions de recherche de "talents":
«We're shameless
We will do anything
To get our fifteen minutes of fame
We have no integrity
We're ready to crawl
To obtain celebrity
We'll do anything at all»
Le secret d'une telle longévité? De l'humour, et beaucoup de mélodies. Un fois que les boîtes à rythmes sont démodées, seules des paroles à la hauteur et des mélodies qui tuent font qu'on passe un album à la moulinette et qu'il ne meurt pas quelque part dans un carton à la cave. Mission accomplie ici, donc.
Pet Shop Boys "Behaviour" (1990) *****
Pet Shop Boys "Very" (1993) *****