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mercredi 9 juillet 2008

Nouvel apartheid

Ah, la politique de la ville... Plus j'ai le nez dedans, plus j'ai l'impression qu'on dépense des milliards vraiment n'importe comment. On joue à l'urbaniste tout puissant alors que la plupart des problèmes dépassent largement la question de l'habitat: ségrégation sociale, discrimination sexuelle et ethnique, ethnocentrisme (aussi de classe) des décideurs, précarisation des classes moyennes et inférieures, mondialisation, crise de l'énergie... Pire, en voulant "libéraliser" le "marché" immobilier, on accélère le blanchisation des centres-ville et l'ethnicisation des banlieues.
En gros, en privatisant l'immobilier en centre-ville, on s'assure que seules les classes plus ou moins privilégiées (classes moyennes supérieures, massivement blanches) ont accès au centre historique, et on repousse les autres dans les banlieues lointaines. Ici, à Oud Zuid, malgré tout ce qu'on nous dit (même au sein de mon parti), on continue à remplacer des logements sociaux mixtes par des logements réservés aux classes moyennes supérieures blanches: soit on rénove et les nouveaux loyers sont tels que la plupart des habitants sont obligés de partir plus loin du centre, soit on privatise complètement, et là, la totalité des habitants originels en est exclue définitivement.
On parle d'intégration, de politique de la ville, de cohésion sociale, mais pour l'instant je vois surtout une parisianisation d'Amsterdam: les privilégiés et les ultra-pauvres qui les servent au centre, les classes moyennes fragilisées et les immigrés en banlieue. Plus on est loin (comptez la distance en temps de transports en communs, pas en kilomètres), plus on est pauvre et exclu.
J'essaye d'alerter les gens de mon parti, leur expliquer qu'on est en train de faire les mêmes conneries que les Français depuis 30 ans, mais personne n'est prêt à m'écouter. C'est vraiment cause toujours tu m'intéresses.

Ce qui me choque, c'est le degré de violence exercée: on vire les gens d'un quartier qu'ils ont contribué à rendre sympa pour les remplacer par d'autres qui "achètent" leur confort, non pas aux précédents locataires, mais aux agences locatives (autrefois dépendant des pouvoirs publics et financés par l'État, désormais privatisés et extrêmement rentables). Les malheureux sont non seulement exilés dans des quartiers lointains, mais il payent aussi la médiocrité de l'urbanisme européen depuis la guerre, en vivant dans des quartiers laids, mal conçus, et où la voiture est une nécessité absolue. Exclusion sociale, exil forcé, nouvelles charges de transport...

Pour ceux qui ont lu mon bouquin, Le grand mélange, c'est un truc que j'explique sur pas mal de pages. Mais c'est de toutes façons un thème qui commence à être enfin compris par le grand public: ségrégation spaciale, ségrégations sociale, ségrégation ethnique... Combien de temps faudra-t-il aux décideurs pour percuter, je ne sais pas.

Allez, un peu de presse hollandaise pour changer:
Le Volkskrant publie à la une les résultats d’une étude de l’université d’Utrecht qui montrerait que « les quartiers limitrophes des 40 quartiers prioritaires de la ministre de l’intégration et des quartiers, Mme Vogelaar, sont les prochains quartiers prioritaires » (…). « Les chercheurs ont étudié durant trois ans les effets des grands projets de restructuration urbaine à Leyde, Utrecht et la Haye, et ont constaté que les habitants quittent les quartiers en rénovation pour se réinstaller dans un cadre comparable à leur ancien habitat : beaucoup de logement social, d’allochtones non occidentaux et de revenus faibles. Ces ‘quartiers d’accueil’ se dégradent ensuite rapidement : ‘l’objectif de la restructuration est souvent d’éviter les concentrations, par exemple de logement social et de familles à bas revenu, mais la politique menée favorise justement ces concentrations dans d’autres parties de la ville’, commente un des chercheurs du NICIS Institute. (…) ‘Beaucoup de responsables croient qu’il suffit de raser des quartiers pour résoudre la concentration de problèmes. Nous n’y croyons absolument pas. Il est extrêmement onéreux et radical de vouloir résoudre des problèmes sociaux par des mesures d’aménagement urbain ».
http://www.ambafrance.nl/spip.php?article9858