Dans le cadre de mon travail d'élu local, je suis souvent confronté à des situations où l'on doit dépasser la résolution des problèmes concrets, et où l'on doit faire des choix basés sur une vision beaucoup plus abstraite des choses. Dernièrement, en m'interrogeant sur l'économie, le lien social et le travail des hommes politiques, je me suis rendu compte que ma ligne politique se résumait en trois points étrangement familiers: liberté, égalité, et fraternité.
Ce n'est pas du tout par nationalisme ou par nostalgie ringarde que j'utilise cette formule, c'est parce que j'ai redécouvert, par la pratique, la profondeur de ces trois mots combinés.
La liberté est une valeur essentielle sans laquelle on ne peut vivre. J'ai quitté la France avant tout par désir de liberté, pour échapper aux préjugés et aux pesanteurs de mon pays d'origine. J'ai fait beaucoup de sacrifices pour garder cette liberté. Beaucoup de gens sont morts pour que nous puissions être libre en Occident, d'autres meurent encore pour l'être ailleurs, ce n'est donc pas un vain mot. Beaucoup de minorités doivent se battre pour avoir le droit d'être libres, et ce n'est pas encore gagné, croyez-moi.
L'égalité se retrouve dans l'égalité juridique, et le fait que les règles doivent s'appliquer à tous. Rien de plus terrible que de voir les privilèges et les passe-droits. Enfant, ce qui me révoltait le plus était l'injustice et le fait que tout le monde ne devait pas se tenir aux même règles. Une société sans égalité juridique est vite invivable. On le voit en ce moment dans beaucoup d'endroits dans le monde. Aussi, l'égalité présuppose qu'au-delà des différences, chacun doit être pareillement traité, hommes, femmes, Noirs, blancs, gays, hétéros ou lesbiennes. On est loin d'avoir le compte. Par ailleurs, je pense que l'idée d'égalité préfigure aussi les "fair chances" des anglo-saxons: la possibilité de pouvoir faire ses preuves et de s'élever par le mérite. La différence avec l'Ancien Régime est surtout là: la fin des privilèges hérités (nuit du 4 août 1789). C'est une des valeurs les moins respectées, surtout ces 30 dernières années, malheureusement.
L'idée de fraternité, au début, ne m'a pas beaucoup touché. J'ai mis longtemps à comprendre qu'au-delà des droits, les devoirs sont un élément essentiel de la vie en société. L'aide aux plus faibles, le respect pour ceux qui ont bien fait leur devoir, la bonté désintéressée, la politesse... toutes ces choses perçues comme un peu ringardes sont indispensables à la vie collective, mais aussi au bonheur de tous. Ce n'est pas pour rien si la plupart des religions insistent lourdement dessus: sans fraternité, point de salut. Au-delà du cercle de la nation d'ailleurs: les révolutionnaires pensaient aussi à la fraternité humaine en générale, et rien ne nous interdit d'en faire autant, voire même d'y inclure les animaux. Sans repomper Lévi-Strauss, donner est indispensable, et penser à l'autre est beaucoup plus nécessaire qu'on ne le croit généralement.
Finalement, c'est l'équilibre de ces termes qui est la plus importante: la liberté mais pas aux dépends de celle des autres, l'égalité mais pas la médiocrité, la fraternité mais pas la dictature de la majorité...
Bref, aussi cliché que cela paraisse, si on me demande "Laurent, ton programme pour 2008-2009 en politique, si tu devais le résumer en quelques mots?" ce serait "fastoche: liberté, égalité, fraternité".
Classique™, mais encore loin d'être obsolète.