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mercredi 18 juin 2008

Exogamie bretonne

Une chose qui me frappe souvent, c'est à quel point les Bretons sont exogames. Beaucoup de Français que je rencontre à l'étranger sont soit bretons, soit issus d'un parent breton. En grattant un peu, je me suis rendu compte qu'il y a deux sortes de Bretons: ceux qui restent en Bretagne et s'appliquent à cultiver les maladies génétiques rares en épousant d'autres Bretons, et ceux qui vont voir ailleurs si j'y suis et épousent tout sauf des Bretons: Africains, Asiatiques, Maghrébins, voire même... des Hollandais. Le produit de cette union est alors bretonno-universel, et débouche sur des familles extrêmement exogames.

Quelques exemples... On commence avec ma mère, la fameuse DJ Janine, qui, avant d'épouser mon père (un Auvergnat ayant bourlingué dans le monde et qui a vécu avec plusieurs Africaines, tiens tiens), a eu des amoureux étrangers, même si elle n'aime pas raconter des histoires qui ont eu lieu il y a plus de quarante ans (un Italien, un Cambodgien, un Algérien). Leurs enfants sont mariés à des étrangers (une Bulgare, un Portugais-Américain néerlandisé). Elle a plein de cousins qui ont été chercher fortune avec plus ou moins de bonheur dans le reste du monde et ont épousé des indigènes, produisant très souvent des enfants mélangés.
L'autre jour j'ai enfin rencontré Sabine Cessou, la nouvelle correspondante de Libé à Amsterdam (mais aussi d'autres journaux), qui est très sympa, mais aussi Bretonne et spécialiste de l'Afrique, et a été mariée à un Sud-Africain (noir) dont elle a eu un garçon magnifique. Il y a bien sûr Melouki/Brieuc-Yves, de mère bretonne, de père algérien noir, qui lui-même s'est acoquiné à des Hollandaises. Le Frédéric Minvielle qui avait été déchu de sa nationalité française est un Breton exilé ayant épousé un Batave. En discutant avec des inconnus lors de réceptions avec pas mal de Français, je suis souvent tombé sur ces mêmes Bretons ou des semi-Bretons exilés. Si vous cherchez un peu vous allez en trouver une tripotée dans votre entourage, de ces Bretons voyageurs exogames.

Je peux m'imaginer que l'amour de connaît pas les frontières, mais je suis et demeure sociologue, et ne peux m'empêcher de chercher des raisons plus larges à certains choix de vie, comme celui d'immigrer ou de chercher des partenaire en dehors de son groupe d'origine. J'en ai parlé un peu à certains de ces Bretons et voilà les théories qui flottent le plus:

- L'horreur bretonne: beaucoup ont vécu la Bretagne catholique et conservatrice comme une prison humide et invivable, et ont donc tout fait pour ne pas avoir à y remettre les pieds. Pour beaucoup, c'est la fuite à Paris, mais aussi à l'étranger, et la construction d'un monde égalitaire et tolérant, exactement l'inverse de la Bretagne qu'ils ont connue. L'exogamie et les voyages comme antidote à la bourgeoisie catholique bretonne, en somme.

- L'appel de la forêt: le sexe est, avec le beurre salé, un bon produit d'exportation breton (au XIXe siècle les jeunes bretonnes devenaient femmes de chambre ou prostituées en arrivant à Paris, ce qui revenait parfois au même). Le bon sexe ne connaît pas de frontières et, d'après une experte que je ne nommerai pas "le sexe c'est la raison n°1 de sortir avec quelqu'un de différent". C'est vrai, je confirme.

- Le matriarcat: la Bretagne bretonnante est une société matriarcale où les hommes sont souvent morts ou alcooliques, en tous cas où le machisme a du mal à survivre. Les Bretons immigrés recherchent instinctivement un(e) partenaire partageant les mêmes valeurs familiales et se retrouvent donc avec des gens issus de cultures où la femme forte est une figure centrale (Afrique, Auvergne, certaines parties du Maghreb). La rumeur veut que les Bretonnes soient fortes et indépendantes, et les hommes parfois macho mais quand même égalitaires. À vérifier, bien sûr, mais c'est une théorie intéressante.

- La diversification génétique: une théorie osée mais why not... Alors que l'isolement fait que beaucoup de Bretons sont victimes de maladies génétiques dues à la consanguinité, il faut des gènes frais et le meilleur moyen est de rechercher son "complément génétique" ailleurs. Les bruns cherchent des blonds, les ronds cherchent les carrés, les nains cherchent les tiges, les blanchâtres cherchent les foncés. Un bon moyen de transmettre ses gènes est de se mélanger pour s'assurer que ses descendants seront forts et sains. Une stratégie de survie collective comme une autre...

Si vous avez d'autres explications, je suis preneur...