.

mardi 20 mai 2008

Solidarité pédé

Bon, je n'ai pas tout raconté sur le Rex Club, alors je me rattrape. Je suis rentré avec Orquídea et Sandra, qui sont très branchées avant-garde et qui ont beaucoup aimé. Il y avait plein de stars du monde culturel et électronique. La plupart étaient trop maigres avec des lunettes trop grandes, des cheveux mal coupés et trimbalaient une attitude énorme. Ils étaient assis en cercle devant un DJ qui faisait sortir des sons énervants de son Mac. Les voix étaient vraiment mal mixées, on n'entendait que les basses. C'est dommage, il y avait un sound system magnifique, la voix de Lewis en live ça donnerait fabuleusement ici... Le public se comportait comme s'il s'agissait d'un concert de musique indienne et qu'ils avaient tous fumé, sauf que les sons étaient stridents et que personne ne fumait.
On m'a demandé ensuite d'aller backstage dans le studio monté pour l'occasion par France Culture. En arrivant, sans faire exprès, j'éteins la lumière avec mon coude. Toutes les machines s'éteignent, le contact avec France Culture est coupé, les ordinateurs ont dû être rallumés. La honte. Je m'en suis sorti en leur disant qu'un morceau de scotch éviterait que quelqu'un d'autre suive mon exemple...

Alors que j'attendais mon tour, il y a eu des bruits bizarres. Exactement comme ma machine-à-laver quand elle est en mode essorage: des petits bruits de grincements aigus et un son très grave, comme une dizaine de marteaux. Je dis à la productrice: "Ce n'est pas vraiment le moment de faire sa lessive alors qu'on est en direct à l'antenne, hein?"
Elle va voir où était la machine en question. Oups, c'était la musique jouée dans la salle. Vraiment, Laurent, il est pas à l'avant-garde, hein? En m'asseyant sur le canapé défoncé où va avoir lieu l'interview, je suis présenté à la DJette avec qui je partage le micro. Elle me regarde avec dégoût. J'essaye d'être sympa et poli, et je lui donne une copie d'Überlove qu'elle jette négligemment sur le sofa et ne la regarde plus. La jeter directement dans la poubelle aurait été trop fatigant, apparemment.
Heureusement, ensuite, l'animateur parle de mon livre, de mon disque, de mon expérience d'élu. Je la vois qui ravale un peu sa fierté et s'enfonce doucement dans le canapé, histoire de se faire discrète. Il voit ça et insiste "alors, Miss Caro, t'as été à Detroit?" Elle: "Euh, non... " Plus tard "Alors, Miss Caro, Amsterdam?" "Euh, non..." Voilà. On m'avait parlé de la solidarité pédé, je n'y croyais pas. Maintenant je sais qu'elle existe.

Entretemps, on a passé un extrait de "One For A Moment". Lewis a une voix magnifique, c'est une des chansons les moins folles de l'album, et pourtant... Et bien entre la machine-à-laver et les couinements des disques qui suivent, j'ai l'impression d'être une grosse tarlouze de province complètement hystérique, scotché sur la disco ringarde. J'ai même des mélodies, c'est franchement n'importe quoi, clairement. Ma voisine arrogante retient à peine son envie de vomir. Je manque de l'insulter en direct mais je pense à ma mère qui tient à ce que je reste poli en toutes circonstance. Et puis, j'ai comme un doute: et si je m'étais trompé en sortant ce disque?
L'émission finie, on va boire un verre, je confie mes angoisses à un gars qui était dans le studio alors qu'un mec, sur scène, un énorme chapeau poilu sur la tête, fait vomir son Mac et en squeeze des sons affreux qui font sursauter les gens au bar. Il me rassure: "Mais non, c'est toi qui a raison, ne t'inquiète pas. Tu vois des gens acheter un disque avec des bruits qui les stressent à ce point?" Moi: "Et bien ils ont l'air d'aimer." Lui: "Mais non, ils sont là pour se montrer et se la jouer avant-garde. Inspecte leur iPhone et tu verras que dès qu'ils le peuvent, ils écoutent de la vraie House et des trucs avec des mélodies, même s'ils ne crânent pas avec." Moi: "Un peu comme les électeurs du Front National qui ne déclarent jamais qu'ils votent pour le vieux facho?" Lui: "J'avais pas vu ça comme ça, mais oui, en fait. Mais à gauche. Et en musique."

Bref, j'ai encore beaucoup à apprendre sur la faune branchée parisienne. J'aurais dû porter mes lunettes, déjà, histoire de rajouter quelques points de QI à ma tronche. Aussi, la prochaine fois, il faudrait aussi que j'ai une belle gastro une semaine avant, histoire d'être aussi mince que les autres. C'est quoi le meilleur moyen? Lécher les couvercles de poubelles, boire du jus de caniveau? Pfff, ce qu'il faut souffrir pour être beau...