La nouvelle vient de tomber: le gouvernement renonce à obliger les détenteurs de deux nationalités à choisir. Les ministres semblent s'être rendus compte qu'une telle mesure serait entrée en conflit avec de nombreux traités internationaux. Encore un échec pour Rita Verdonk et Geert Wilders, pour qui la double nationalité était une des causes majeures du manque d'intégration. Outre que le lien entre simple nationalité et intégration ne me paraît pas du tout évident, une telle loi aurait posé de nombreux problèmes.
En dehors des bidouilles juridiques improbables qu'il aurait fallu monter pour faire tenir cette mesure, elle montrait à quelle point non seulement leur vision de l'identité est étriquée, mais elle aurait posé de nombreux problèmes pour certains Néerlandais, qui auraient ainsi été privés d'héritage familial ou de certains droits de propriétés liés à certaines nationalités.
Bref, du grand n'importe quoi. Franchement, si l'intégration les stresse autant, qu'ils encouragent des mesures qui marchent vraiment, comme limiter la discrimination à l'emploi et au logement, les discriminations dans l'éducation (écoles noires et blanches, les mésorientation systématique des jeunes d'origine allochtone...), l'apartheid social et ethnique dans les grandes villes, la domination des élites blanches protestantes sur l'appareil municipal des grandes villes, et j'en passe.
Quand on compare la nullité des rhétoriques verdonkienne et wilderienne et leur popularité dans les sondages, on devient songeur. Plus encore, c'est le suiviste de Mark Rutte qui me surprend: le VVD était il n'y a pas longtemps encore le parti de la droite libérale, certes, mais aussi férue de pragmatisme et d'une pointe d'élitisme bien informé. Il semble être tombé bien bas.
* Rajout le 15 octobre / Dans la presse néerlandaise:
"Le fait que 1 047 165 personnes aient désormais un passeport marocain, turc, argentin, somalien ou autre en plus de leur passeport néerlandais pose-t-il un problème ?" s’interroge le Volkskrant (p.3) dans un article de fond. "Non, dit le ministre de la Justice Hirsch Ballin, qui ne veut absolument ’pas suggérer que la double nationalité pose un problème’. La participation à la vie sociale n’a rien à voir avec le nombre de passeports qu’on a dans sa poche."
"Le projet de loi sur la nationalité néerlandaise que Hirsch Ballin a envoyé à la Deuxième Chambre vendredi est par conséquent plein de ’l’approche respectueuse’ qu’il prône pour la double nationalité. Seuls ceux qui exagèrent - des terroristes condamnés ayant plusieurs passeports - pourront perdre la nationalité néerlandaise sous la nouvelle loi. Et les étrangers venus aux Pays-Bas quand ils étaient enfants et qui, une fois adultes, optent pour la nationalité néerlandaise seront priés explicitement de renoncer à leur vieille nationalité - à moins qu’ils ne puissent invoquer une longue liste de motifs d’exception."
"L’argument en faveur de cette exigence est purement juridique, affirme Hirsch Ballin. Elle ne s’appliquait pas encore à ce groupe, alors qu’elle était déjà valable pour d’autres groupes souhaitant la nationalisation. ’Nous généralisons la loi.’ Pour le reste, rien ne change. C’est à dire que quand on veut devenir néerlandais, on doit renoncer à son ancienne nationalité - ce qui a toujours été le cas. Suit une longue liste d’exceptions : quand le pays d’origine ne le permet pas - comme le Maroc et l’Argentine, quand on est marié à un ressortissant néerlandais - car on doit pouvoir rentrer après un éventuel divorce, quand on est reconnu réfugié - car on ne peut pas exiger des réfugiés qu’ils prennent contact avec les autorités du pays qu’ils viennent de fuir -, quand on est né et resté aux Pays-Bas, quand on se porterait un grave préjudice - comme les Turcs qui perdraient leurs droits d’héritage, quand on a des ’raisons particulières et objectives’."
"Le gouvernement sort ainsi le débat sur la double nationalité de l’atmosphère de loyauté et d’intégration pour ramener le problème idéologique à une question juridique pratique. La prédécesseur de Hirsch Ballin, Verdonk, était plus idéologique en tant ministre VVD. A ses yeux, la nationalité néerlandaise était quelque chose ’d’exclusif’. Elle voulait une loi sévère qui réduise le nombre de doubles nationalités."
"Mais la Deuxième Chambre voulait tant changer aux propositions de Verdonk que le nombre de doubles nationalités n’aurait guère diminué. Ensuite, Wilders a attiré à lui le débat, en mettant en doute l’intégrité des secrétaires d’Etat Albayrak (néerlandaise et turque) et Aboutaleb (néerlandais et marocain)."
"La disparition phase par phase des doubles nationalités n’est expressément pas l’objectif de la proposition de Hirsch Ballin. C’est une idée que nous reconnaissons chez lui. Lorsqu’il était ministre de la Justice sous le premier ministre Lubbers, il y quinze ans, il voulait justement autoriser explicitement les doubles nationalités comme étant bonnes pour l’intégration."
http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=8968