Dans le Thalys d'Amsterdam à Paris, mon voisin était un jeune Américain de Nouvelle Angleterre. Marié à une Belge, et terriblement républicain: on s'est frittés sur l'Irak, la peine de mort et la responsabilité collective. Mais sympa malgré tout. Comme je bossais sur mon bouquin, j'avais mon Mac avec moi et j'ai eu une fenêtre pop-up me proposant de me connecter à un réseau wifi payant à la gare d'Anvers.
"What's wrong with you people?" il m'a alors demandé? "Comment ça?" "Cette manie du wifi payant, ça rime à quoi? Où que j'aille je peux me connecter à 10 euros de l'heure. Je ne paye même pas ça pour un mois illimité chez moi. Ils pensent vraiment que les gens vont se connecter à ce prix là?"
Comme je vous l'ai dit, il n'est pas franchement un collectiviste soviétique, mais là il ne comprenait pas: c'est pour lui comme si on privatisait les routes et qu'on faisait payer aux passants utilisant les trottoirs. Je lui ai expliqué que beaucoup de gens pensaient aussi que cette privatisation du réseau pour que quelques compagnies télécom se fassent leur beurre indignaient beaucoup de gens, mais que, du moins en Hollande, les décideurs n'étaient pas prêts à se mettre à dos KPN même si l'impact sur l'économie était indéniable.
Je ne lui ai même pas parlé de la question de la prolifération des antennes wifi sécurisées et leur impact potentiel sur la santé des gens, et en particulier des enfants. On a tout de même parlé accès à la culture et à la connaissance, émancipation personnelle des enfants. Je pensais avoir affaire à un Amerloque buté (il l'était sur certaines questions), et je me suis retrouvé avec quelqu'un qui comprenait bien qu'en limitant une infrastructure on empêchait un pays entier de se développer.
Bref, après lui avoir remonté les bretelles sur la peine de mort, les prisons et l'éducation gratuite pour tous, je me suis fait remonter les miennes sur les réseaux d'information et le manque de vision de nos élites. La honte, mais il avait raison.
On verra s'ils sont prêts à rediscuter de la question dans mon parti à la rentrée...