.

lundi 28 mai 2007

Un as dans la manche

Bon, qui ne connaît pas l'histoire des deux cowboys amoureux de Brokeback Mountain (appelé Bareback Maintain par un copain, quel cochon)? La nouvelle d'Annie Proulx se trouvait dans un recueil de nouvelles gaies sorties par Pinguin il y a quelques années (voir la photo ci-dessous) et a été ré-éditée lors de la sortie du film. Pas franchement au courant de l'étendue de notre bibliothèque, Lewis avait commandé sur Amazon une version poche avec pour couverture l'affiche du film. Il ne l'a jamais fini ("elle dit qu'ils sont moches et qu'ils puent de la gueule, je crois que je vais m'en tenir au film") et c'est Martin le chien qui a fini par le dévorer. Littéralement.



Pourquoi je vous en parle? Et bien parce qu'à Bruxelles je me suis acheté une traduction en français d'un de ses romans, "That Old Ace in the Hole" traduit par "Un as dans la manche". C'est l'histoire de Bob Dollar, jeune Américain désargenté, qui doit parcourir le "manche de casserole" du Texas (ainsi nommé pour sa forme), partie spetentrionale assez délaissée de l'Etat, pour essayer de trouver d'éventuels vendeurs de terre pour implanter des porcheries industrielles. Un prétexte pour parcourir le coin et tailler une bavette avec les autochtones.
Proulx a un style très fluide, très agréable (et le traducteur a dû souffrir), et est parfois proche du conte, mais aussi du récit anthropologique et historico-sociologique. On y découvre une Amérique dure, soumise aux dures lois du capitalisme, de la nature ingrate et des coups du sort, au bord de la catastrophe écologique. Après le pétrole (tari!), c'est au tour de la nappe phréatique (du joli nom d'Ogallala) d'arriver à sa fin. Une vraie récréation, pleine de charme, de surprises et d'histoire tristes et ironiques qui me font beaucoup de bien.



Ça donne même envie d'aller se perdre dans ces plaines sales et semi-désertiques, et aller manger des tartes trop sucrées avec les indigènes du coins, probablement édentés et sans le sou, un chien crasseux à ses pieds, bercé par le son des moulins à vent pompant ce qui reste d'eau. On est bien loin des drames avé terroristes de Hollywood ou des pitreries mondialo-européennes raffinées d'un Woody Allen, et beaucoup plus proche des analyses d'Emmanuel Todd sur le capitalisme de prédation cher à nos cousins américains. Vous avez deviné: c'est chaudement recommandé.