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lundi 6 novembre 2006

En campagne électorale sur le marché

Samedi après-midi, bien que n'ayant pas le droit de vote aux Pays-Bas, j'ai participé à la campagne électorale du parti travailliste dans mon quartier. Moins pour faire gagner mon parti (même si c'est vrai que c'est important) que pour m'assurer que la gauche bat la droite et que Balkenende et ses amis (Verdonk et Zalm surtout) ne reviennent plus jamais au gouvernement. A la limite, si les gens votent GroenLinks ou SP mais que la droite est enfin exclue du pouvoir, cela ne me traumatise pas: les programmes des trois partis de gauche (PvdA, GroenLinks et SP) sont tellement en phase sur de nombreux points qu'il s'agit plus de différences de personalités ou de sensibilités qu'autre chose. La preuve peut-être que les travaillistes s'affirment à gauche (enfin!) ou que le SP veut vraiment gouverner (les gens que je connais aux Internationale Socialisten doivent être furieux).
Toujours est-il que j'ai rejoint les "camarades" sur la place près de chez moi, où avait été dressé un stand avec des affiches et des gadgets rouges (le parti communiste a rapidement disparu après la deuxième guerre mondiale et le rouge est la couleur des travaillistes, et non le rose, couleur du mouvement homo). Je suis allé me poster sur le marché, à distribuer des flyers et des petits livres sur la politique familiale ou économique. J'ai dû en distribuer un bon miller. A un moment, j'étais tellement occupé à suivre les passants des yeux et essayer de eur fourguer un flyer en leur disant "goede middag" (bon après-midi) que j'en avais la tête qui tournait.

Statistiques approximatives: j'ai été ignoré plus ou moins poliment par 50% des passants (pas tant que ça, mais c'est vrai que je ne cherchais pas à leur soutirer de l'argent ou leur fourguer un abonnement quelconque), j'ai eu quelques réactions hystériquement anti-travaillistes (on m'a traité de communiste, c'était très drôle), des moues de dégoût, mais aussi beaucoup d'encouragements. Les allochtones se sont montrés très enthousiastes, d'abord les Industanis (Indiens/Pakistanais du Suriname), ensuite les Surinamiens, puis les Turcs et Marocains. Chez les autochtones, beaucoup de classes moyennes. Beaucoup de femmes qui poussaint des petits cris d'enthousiasme en voyant Wouter Bos sur le flyer "Hey Wouter, mon préféré!".

Il faut dire que la veille Wouter Bos et Jan-Peter Balkenende s'étaient affronté dans une joute oratoire regardée par presque deux millions de personnes, et que Wouter avait dominé le débat. Pleins de gens avaient le besoin de commenter ce débat comme s'il s'agissait d'un match de foot.

J'ai parlé un peu plus longuement avec quelques personnes. Des gens qui ont peur pour leur avenir et celui de leurs enfants, qui pensent (avec raison) que la droite est en train de démanteler l'Etat-providence et leur faire financer les privilèges fiscaux des plus riches. J'ai parlé avec des jeunes allochtones qui étudiaient dans une école privé et qui voulaient voter VVD parce qu'ils pensaient un jour qu'ils seraient riches et aimeraient alors ne pas payer d'impôts, ou très peu.
C'est assez typique de beaucoup d'électeurs de droite: il s'agit moins de protéger les biens ou privilèges qu'ils ont que de protéger ceux qu'ils pensent avoir dans le futur. C'est bien de rêver, mais en attendant ils financent les baisses d'impôts des riches sans bénéfier de traitement particulier (ils devaient payer leur école privée, pourquoi leurs parents et moi-même payons autant d'impôts?).
Dans la même veine, j'ai vu la mine de dégoût des nouveaux riches néerlandais vêtus chèrement sans beaucoup de goût. Certains étaient plus occupés à avoir l'air nouveau riche qu'à l'être vraiment. Ce qui confirme mes présentiments: beaucoup de gens de droite justifient leur égoïsme ou leur avidité en termes de liberté et de talent, alors qu'on en est souvent bien loin. La bêtise de gauche, c'est l'assistanat et le sentiment que tout vous est dû même si pour cela il faut payer beaucoup d'impôts, la bêtise de droite, c'est l'égoïsme et le sentiment que tout vous est dû sans que personne ne paye d'impôts.

Nouvelle campagne, même lieu, même heure, dans deux semaines.