Aujourd'hui, la presse française tombe sur Ségolène Royal à cause de ses déclarations sur les jurys populaires permettant d'évaluer l'efficacité des hommes politiques. La gauche hurle au fascisme, la droite aux tendance soviéto-maoïstes.
Pour avoir vu de près les processus politiques français, je pense qu'une fois de plus Ségo a touché une corde sensible. Les pays scandinaves et germaniques ont une longue tradition de consensus et de contrôle démocratique, et il n'y a pas de honte à s'en inspirer. Ce n'est pas pour rien qu'ils arrivent toujours en tête de toutes les enquêtes sur les pays les plus transparents, les mieux gérés, les plus démocratiques et les plus à l'écoute des citoyens. Si même Porto Allegre, au Brésil, s'y est mis, pourquoi ne pourrait-on pas imaginer une version française du suivi du travail des élus?
Je me demande toujours quoi penser de Ségolène Royal, promesse fascinante ou usurpeuse de talent, mais une fois de plus elle a tapé dans le mille.
Samedi, à la permanence du parti travailliste australovicien dans un café (sur le Ceintuurbaan), j'ai pu discuter avec un politologue assez connu, Herman van Gunsteren, dont le dernier bouquin parle de démocratie (il est par ailleurs spécialiste de l'utilisation de la "sécurité" en politique, mais c'est un autre sujet). En fait, il ne fait que reformuler à sa manière des thèmes qui sont très présent dans le Zeitgeist, mais le fait qu'il soit prof à l'université de Leyde lui donne un vernis scientifique qui sert le sujet très bien.
D'après lui, la démocratie marche grâce à certains principes qu'il nous incombe de respecter: (1) diversité (c'est mon obsession, je sais), (2) ‘multiple mapping’ (penser les sujets de manières différentes sans dogmes ni a priori), (3) sélection (choix rationnels basés sur des valeurs communes) et (4) contrôle indirect (tiens, tiens). L'inverse de la démocratie, c'est selon lui les mouvements brusques d'humeur collective ("hype"), la polarisation entre les groupes et les décisions en cascade (sans possibilité d'arrêter le processus pseudo-logique, j'imagien qu'il pense à des processus de type "les règles sont les règles" de Verdonk).
Je pense qu'il a raison, et c'est en cela que les déclarations de Ségolène Royal me fascinent: elle prône elle -même l'intelligence collective, le contrôle par les citoyens, le consensus dans les décisions... On est loin de Sarkozy et de son utilisation d'un groupe pour faire peur à ses électeurs (il a tout faux dans la "non-polarisation des groupes" chère à van Gunsteren), et surtout il travaille avec des outils vraiment ringards: les sondages. Ségo travaille en amont des sondages, qui ne font que valider ses prises de positions générées par un travail pré-sondages lors de débats et des forums (ce qu'elle nomme l'intelligence collective). Bref, elle est très forte. Inaugure-t-elle une nouvelle forme de gouvernement que van Gunsteren nous invite à exercer ou est-elle un produit d'un marketing politique toujours en renouvellement? C'est une question à laquelle personne, pour l'instant, ne semble pouvoir répondre...