J'étais en train de me plonger dans les détails techniques de la politique de parking de l'arrondissement (commission "Transport et Entreprise" hier soir) lors que Mehmet m'a envoyé cet article: "Donner n'exclut pas la charia". Ah, pas mal.
En fait, Piet Hein Donner, ministre CDA de la justice, dit en substance que les musulmans doivent s'investir en politique et que si les deux tiers des Néerlandais voulaient la charia, il faudrait l'appliquer. Outre le fait que Donner ne prend pas beaucoup de risques (il va falloir en convertir, des Croisés et des Mécréants, pour qu'ils acceptent la Loi du Prophète), il déraille complètement: le mise en place de la Charia serait en contradiction avec de nombreux traités internationaux ratifiés par les Pays-Bas, en particulier sur l'égalité entre les sexes, le respect des minorités et des libertés religieuses.
Mais ce n'est pas là qu'il faut le chercher: à deux mois des élections, on est dans une course au siège près entre les travaillistes et les chrétiens-démocrates. Soit le PvdA gagne et c'est Bos qui devient premier ministre (coalition probable avec le CDA anyway), soit c'est le CDA et c'est Balkenende qui reste à la primature (coalition probable avec le PvdA anyway). Et si le PvdA a gagné les élections municipales en mars dernier, c'est essentiellement avec les voix des "allochtones" qui ont rejeté la politique néo-nationaliste et xénophobe de Rita Verdonk. Les travaillistes font de leur mieux pour mobiliser leurs électeurs, le CDA a les siens toujours prompts à aller voter, et la différence se fera par la marge, donc aussi par les "allochtones".
En fait, je ne sais pas si la tactique de Donner va marcher: (1) beaucoup d'allochtones qui ont voté aux municipales n'ont pas la nationalité néerlandaise et ne peuvent donc pas voter aux législatives, (2) les allochtones qui ont la nationalité requise sont plutôt jeunes et plutôt enclins à voter PvdA ou SP, à la limite VVD pour les plus capitalistes (mais avec Verdonk en n°2, c'est pas gagné) (3) la religion n'est pas nécessairement un thème qui mobilise, même les plus religieux (la politique de Verdonk, par contre, va en mobiliser plus d'un, tout comme les discriminations au travail et au logement), (4) Donner se plante en pensant que les électeurs musulmans veulent la Charia: beaucoup sont progressistes et préfèreraient une laïcité où les musulmans sont moins montrés du doigt, plus protégés, et où les chrétiens intégristes se tiennent à carreau.
Allez, encore deux mois et on saura qui a eu la meilleure tactique.
Dans la presse:
"Le ministre de la Justice Donner déplore le ’malentendu’ suscité par sa déclaration selon laquelle la charia doit être introduite si une majorité de deux tiers le souhaite", note le Volkskrant à la une. "Le ministre CDA a dit mercredi qu’il juge la loi islamique ’tout à fait condamnable’."
"Selon le PvdA, le ministre doit investir son énergie dans la lutte contre ce genre d’opinion, au lieu de suggérer que ces idées pourraient faire partie de notre démocratie. Le CDA est satisfait de l’explication de Donner selon laquelle ses remarques étaient un exercice théorique. Le VVD comprend l’argumentaire de Donner, mais ne voit pas quelle contribution il apporte au débat aux Pays-Bas."
"Inutile de dire qu’en tant que ministre de la Justice je lutterai toujours contre l’introduction d’un tel système, qui serait tout à fait contraire à notre ordre juridique", a déclaré Donner hier.
La Deuxième Chambre tient aujourd’hui un débat d’urgence sur la question.
"Donner dit implicitement qu’à terme le nombre de musulmans aux Pays-Bas qui prônent la loi islamique peut être suffisamment grand pour créer la situation théorique qu’il évoque - en tout cas il ne l’exclut pas explicitement", commente l’éditorialiste du Volkskrant. "C’est une idée effrayante, qui est en outre blessante pour les nombreux musulmans néerlandais qui adhèrent aux principes démocratiques du système néerlandais acquis de haute lutte." "Les citoyens qui se rendront aux urnes le 22 novembre auraient dû entendre du ministre que l’introduction de la charia ne sera jamais une option pour les Pays-Bas."
Pour le Telegraaf, au lieu d’envisager la possibilité théorique de l’introduction de la charia, le ministre "aurait mieux fait d’en souligner les atrocités". "Il a aussi oublié de dire que si la charia est introduite ici, ses règles seront contraires aux traités internationaux auxquels les Pays-Bas sont tenus et qu’ils devront alors dénoncer." "Au demeurant, il faudra examiner de près la possibilité d’interdire des partis politiques dont l’action est contraire aux principes de base de notre Etat de droit démocratique."
"La question fondamentale est de savoir si nous acceptons un parti qui prône un ordre qui est contraire à l’Etat de droit démocratique", estime le commentateur du Trouw. "La réponse, en ce qui nous concerne, doit être affirmative, tant qu’un tel parti reste dans les limites de la loi."
Lien: http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=7692