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jeudi 1 juin 2006

Une petite victoire pour Rutte

Hier soir, la presse a annoncé la victoire éclatante de Mark Rutte aux primaires du parti libéral (VVD). L'élite du parti s'était mobilisée pour s'assurer que Rita Verdonk ne monterait pas sur le trône éjectable du parti de Frits Bolkestein. Le Parool d'hier titrait "VVDay" avec une citation de Geert Dales, maire de Leeuwarden: "Si c'est Verdonk, beaucoup d'électeurs vont déserter le parti. Y viendront des gens qu'il n'est pas vraiment désirable d'accueillir" (traduction libre d'une phrase intraduisible en français).
En regardant de plus près, on se rend compte que Rutte a eu une éclatante victoire... avec 51% des suffrages. Verdonk en obtient 46%, et la troisième candidate, dont je n'arrive pas à me souvenir du nom, seulement 3%. Pas franchement de quoi pavoiser, surtout quand on prend en compte certains faits: l'élite du VVD a fait une campagne de folie contre Verdonk; l'affaire Hirsi Ali a été instrumentalisée à mort pour rendre Rutte respectable et "coalisable" (sous-entendu: Verdonk=opposition ad vitam eternam); la presse s'est jettée sur Verdonk; la plupart des partis politique de droite et du centre on lynché Verdonk (en particulier le CDA, le D66 et la ChristenUnie).
Vu les moyens déployés, le petit 51% de Rutte est donc un signe très grave: le parti est divisé, et les membres du parti comme ses électeurs sont complètement contaminés par les idées obtues, xénophobes et sécuritaires de Rita Verdonk. Le VVD avait fortuynisé en urgence son programme électoral en 2002 pour limiter l'avance de la Lijst Pim Fortuyn, voilà désormais que son appareil et son électorat se fortuynise de plus en plus, malgré la panique qui gagne le coeur des libéraux sincères (comme Dales, par exemple).
Mon analyse (qui reste très subjective, bien sûr), est que le VVD a intérêt, pour survivre à long terme, à nettoyer ses écuries rapidement, pousser Verdonk et ses amis ultra-nationalistes à aller fonder un parti d'extrême-droite, et se recentrer sur un libéralisme de centre-droit, seul à même de leur ouvrir la porte de coalitions avec le CDA et le parti travailliste. Si le VVD refuse de nettoyer l'infection Verdonk, non seulement les tensions entre fortuynistes (anarchistes autoritaires et démagogues d'extrême-droite) et libéraux (liberté économique mais aussi, c'est important, liberté d'émancipation personnelle) vont s'accentuer, non seulement le parti se retrouvera isolé politiquement, et donc impuissant, mais c'est l'atmosphère du pays tout entier qui va s'en ressentir. Surtout l'économie. Et ça, les électeurs traditionnels du VVD ne le lui pardonneront pas. Ils se reporteront pour certains sur le CDA, pour d'autres sur le D66, et même pour les plus progressistes sur la branche droite du parti travailliste, qu'une collaboration avec les socio-libéraux du VVD n'effraie pas.
Le VVD a donc échappé au pire, mais il n'est pas tiré d'affaire. Franchement, je leur souhaite bonne chance, car la partie est loin d'être terminée.