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dimanche 21 mai 2006

Tentative de synthèse sur l'affaire Verdonk/Hirsi Ali

Il y a tellement d'articles et de reportages sur la crise causée par Hirsi Ali et Verdonk que je n'arrive plus à suivre. Quelques remarques sur le sujet:

- Hirsi Ali, si elle a su se vendre à merveille à l'étranger comme victime des intégristes et des gauchistes, n'a pas réussi aux Pays-Bas. Elle n'a fait qu'exacerber les conflits entre allochtones et autochtones, ostraciser un peu plus les migrants en islamisant les problèmes, et légitimiser les dérives xénophobes de beaucoup de Néerlandais, dont beaucoup de politiciens et politiciennes arrivistes. Il restera aux historiens à déterminer qui a manipulé qui: Hirsi Ali victime, grande manipulatrice, marionette de certains? Verdonk gardienne de prison débile, arriviste aveuglée par la primature éventuelle, pauvre femme manipulée par les chefs du VVD?

- Une fois de plus, le VVD (libéraux) a montré qu'il était incapable de gérer correctement ses allochtones: après Cherribi, Remak ou Griffith, c'est au tour d'Hirsi Ali d'être jetée comme un vieux mouchoir. Ce n'est pas un hasard si Hirsi Ali a duré aussi longtemps: une femme noire qui tape sur les allochtones, en particulier sur les musulmans, quelle légitimité pour une xénophobie latente qui ne demandait qu'à exploser. Ce qui est ironique, c'est que celle qui a le plus utilisé cette légitimité nouvelle pour se jeter dans le populisme xénophobe le plus extrême, Rita Verdonk, a fini par exclure elle-même Hirsi Ali. Quand l'élève dépasse le maître...

- Il y a des gens adorables au VVD, mais il y a aussi beaucoup d'hommes blancs et riches, très égoïstes, égocentriques, avides de pouvoir et opportunistes, qui ne pensent qu'à eux-mêmes. La crise Verdonk/Hirsi Ali l'a montré: ils sont prêts à utiliser n'importe qui pour asseoir leur pouvoir, et sont prêts à le/la lacher quand son utilité n'est plus évidente. Ils ont lynché Hirsi Ali quand la foule grognait. Ils viennent de lyncher Verdonk, qu'ils avaient canonisé quand on annonçait qu'elle apporterait 11 sièges de plus aux prochaines élections, quand il a eu été clair que sa psychorigidité n'apportait rien de bon. Peut-on faire confiance à des gens aussi opportunistes?

- Hirsi Ali est une mauvaise politicienne (comme tant d'autres) et oublie le bien commun (comme tant d'autres), mais je ne vais pas changer ma position vis-à-vis de la politique migratoire pour qu'elle soit lynchée. J'étais contre le renvoi de Taïda Pasić, même de la famille Gümüş, car je pense qu'au-delà des règlements administratifs, ce sont les grands principes qui doivent prévaloir: quelqu'un qui a montré (parfois avec brio) sont intégration (langue maîtrisée, un travail, une position, des amis) ne doit plus voir son statut remis en cause. On ne retire pas la nationalité aux tueurs ou aux voleurs, même de la pire espèce (les chefs d'Ahold, les investisseurs crétins de KPN, les ministres qui coupent dans les budgets comme ils tondent leur gazon, ni même Mohammed B.). On ne la retire pas non plus aux gens qui sont intégrés, point. Même s'ils ne nous plaisent pas ou disent des bêtises. Sinon nous devenons aussi des crypto-fascistes comme Verdonk: l'utilisation détournée des moyens légaux pour empêcher certaines personnes de se faire entendre ne fait pas honneur à nos idéaux démocratiques.

- Tout cela nous détourne de quelques sujets vraiment importants qui touchent les gens: la vie devient de plus en plus chère, les budgets de plus en plus difficiles à boucler pour les classes moyennes et inférieures; la question européenne est plus que jamais d'actualité; l'éducation devient problématique, avec des étudiants qui ne pensent qu'à étudier les média pour devenir une star ou les finances pour devenir riche: personne ne veut créer, ni faire des enfants. Quel pays se fout de son futur, de ses pauvres, de ses enfants? Ah, mais oui, l'Amérique de Bush et des nouveaux amis d'Hirsi Ali montrent l'exemple, et l'élite néerlandaises se doit de faire pareil, bien sûr. Quelle modernité!