MARTIN BUXANT
La Libre Belgique 08/03/2006
«Tous les partis ont intégré la composante immigration», analyse le Pr Philip van Praag.
Et la société néerlandaise se tourne, à nouveau, vers les questions socio-économiques.
ENTRETIEN
Tandis que des millions d'électeurs néerlandais se sont prononcés mardi lors d'élections municipales, Philip van Praag, politologue à l'université d'Amsterdam, décode les enjeux du scrutin. Et les évolutions récentes de la société néerlandaise.
Il flottait comme un air de répétition générale sur ce scrutin municipal...
C'était bel et bien une répétition générale avant les élections générales qui auront lieu en mai de l'année prochaine.Donc, les troupes se préparent et les leaders de chaque formation politique ont joué la carte nationale lors de cette campagne électorale. Tout le monde est descendu sur le pont: les membres du gouvernement, l'opposition et les parlementaires.
Les partis ont mené campagne en pensant à 2007?
Ce n'était pas une campagne très dure mais, pour la première fois, les libéraux (qui sont membres du gouvernement, NdlR) ont choisi de mener une campagne négative.Ils ont constamment attaqué le PvdA, le Parti des travailleurs (sociaux-démocrates) et n'ont pas mis en avant leurs propres initiatives, pas seulement sur la politique d'immigration qui est devenue un thème récurrent aux Pays-Bas mais aussi sur les enjeux socio-économiques.
La plupart des sondages indiquent que le gouvernement Balkenende ne survivra pas aux prochaines élections législatives...
C'est exact. Il faut signaler que le mécontentement gagne de plus en plus la population, concernant l'action du gouvernement du social-chrétien Balkenende et que cela se ressent inévitablement dans les sondages.Les socialistes ont ouvertement appelé à utiliser le scrutin de mardi comme une arme contre le gouvernement de La Haye. Et les libéraux font la course aux électeurs de l'ancien parti de Pim Fortuyn et bien sûr, ceux-ci sont très eurosceptiques; ce qui ne facilitera pas la recherche d'un compromis sur la Constitution européenne après le rejet de 2005.
A Rotterdam, un parti de droite «populiste» a géré la ville. Avec succès?
«Leefbaar Rotterdam» avait récolté un énorme succès il y a quatre ans. Maintenant, les gens sont plutôt mitigés.Ils sont, en général, relativement contents des mesures très strictes et répressives qui ont été prises pour renforcer la sécurité dans les rues de la ville. D'autres regrettent les mesures très dures qui ont été mises en place contre les immigrés.
Quatre années ont passé: la société néerlandaise a-t-elle digéré l'assassinat du leader populiste Pim Fortuyn?
Oui. Parce que tous les partis ont accepté qu'il y avait un problème «immigration» aux Pays-Bas. Et tous proposent des solutions. Le résultat, c'est que beaucoup de citoyens redonnent la priorité aux questions socio-économiques. Et ces questions avantagent traditionnellement les partis de gauche. On parle beaucoup moins d'immigration qu'il y a quatre ans.
© La Libre Belgique 2006
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