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jeudi 30 mars 2006

La méthode Villepin en question

A la lecture de la presse néerlandaise, il semble évident que la méthode Villepin n'est pas exportable: si on veut réformer profondément un pays, la méthode "polder", c'est à dire essayer de trouver un consensus avec tous, partis politiques différents et partenaires sociaux, est peut-être moins romantique que les révolutions de palais et les baricades, mais est définitivement plus efficace.
Comme je le rappelle, la démocratie ne se limite pas aux élections. Même sous Staline ou Saddam, il y avait des élections. En Russie Blanche, un dictateur (le dernier d'Europe, nous dit-on) vient d'être réélu. La démocratie, cela consiste à faire participer d'une manière ou d'une autre un maximum de personnes différentes aux processus de décision, et éviter la dictature de la majorité. Voire de la minorité.
Je commence à avoir pitié du pauvre Villepin, qui est tellement habitué à n'écouter que son immense intelligence et dédaigner le peuple. Il se voyait déjà président. Un technocrate éclairé faisant le bonheur des pauvres à coup d'ordonnances et de 49-3 (procédure qui permet au gouvernement d'obtenir un vote rapide d'une loi sans discussion), voilà qui aurait donné un autre Pompidou ou Giscard à la France. Une modernité technocratique ringarde et autoritaire régie par un poète bienveillant...

"Le gouvernement néerlandais suit avec attention la situation en France, où plus d’un million de jeunes sont descendus dans la rue mardi", relève Hendrik Jan van Oostrum dans le Financieele Dagblad (p.7). "Cela ne le dérangera probablement pas si les représentants du patronat et des syndicats ne suivent pas une ligne commune au sein du Conseil social et économique. Une recommandation divisée sera un excellent prétexte pour ne pas procéder à l’assouplissement du droit de licenciement pour le moment, un choix sûr dans la perspective des élections législatives au printemps prochain. Une chose est certaine : toucher à la protection contre le licenciement est extrêmement dangereux du point de vue électoral.""Le premier ministre français Dominique de Villepin le sait évidemment aussi, mais il était au pied du mur l’automne dernier. A Paris et dans d’autres grandes villes où le chômage des allochtones dépasse 40 % dans certains quartiers, de longues émeutes ont éclaté. Offrir des emplois à ces jeunes et aux jeunes autochtones sans formation suffisante est le principal motif de l’expédient constitutionnel de Villepin." "Le Conseil constitutionnel se prononce aujourd’hui sur la question de savoir si cette loi a été adoptée de façon légale. Mais quelle que soit sa décision, elle laissera intact le bien-fondé économique de la mesure de Villepin."
"Le premier ministre Villepin, l’inventeur du CPE, est de plus en plus pris entre deux feux", rapporte le Telegraaf (p.11). "Alors qu’il refuse toujours catégoriquement de retirer son projet d’emplois, les syndicats, les médias et l’opposition appellent le président Chirac à intervenir. Le chef d’Etat français a fait savoir qu’il se prononcera un de ces jours."
Dans le Volkskrant (p.5) Fokke Obbema, sous le titre "Chirac cherche à sortir de l’impasse", résume la situation et ses implications pour le Président de la République, en proposant au lecteur de se mettre à sa place. "Qu’allez-vous faire maintenant ? Telle est la grande question. Allez-vous défendre votre premier ministre contre vents et marées, alors qu’il rencontre de plus en plus de résistance dans la société et dans son propre camp ? Le prix risque d’être élevé. Avec une opinion publique en majorité opposée à l’assouplissement du droit de licenciement, les conséquences électorales risquent d’être catastrophiques l’année prochaine." Compte tenu du fait que le premier ministre Villepin "démissionnera probablement dès que vous lui demanderez de céder" et qu’il ne restera plus que Sarkozy à droite, "vous concluez qu’il ne reste qu’à tenir bon, à continuer d’appeler les syndicats au dialogue et à espérer que les adversaires faibliront." "Merde, vous vous rendez compte qu’en fait vous n’avez plus de pouvoir. Et surtout, vous vous demandez : quand pourrai-je enfin quitter ce palais ?"

Lien: http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=7062