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lundi 23 janvier 2006

Colonialisme et esclavage °

J'ai donc passé quelques jours avec l'équipe de France 3 que j'ai guidé aux Pays-Bas pour qu'ils puissent réaliser un programme sur la discussion sur le colonialisme. Ce fut très intéressant.
Le cher professeur Pieter Emmer, de l'université de Leiden, n'a pas vu où était le problème: pour lui, la colonisation était une occasion fabuleuse pour les primitifs et les Pays-Bas devraient être remerciés pour les avoir forcé à construire eux-mêmes, sous la contrainte, des infrastructures leur permettant de mieux piller le pays.
Nous avons rendu visite à la très New England Frances Gouda, professeure elle aussi, dans son apparte chicissime du Keizersgracht. Elle m'a beaucoup impressionné (et sa collection de bouquins et d'art aussi). Elle nous a raconté que jusqu'à la deuxième guerre mondiale, les revenus des Indes Orientales (Indonésie) ont constitué 30% du budget de l'Etat néerlandais. Pas étonnant que les Néerlandais soient partis de mauvaise grâce. Par contre, le Surinam et les Antilles n'ont jamais été aussi profitables. Il y a eu un débat (thank god!) mais ces dernières années les Bataves préfèrent ne plus y penser.
Côté minoritaire, nous avons parlé pas mal d'Antillais et de Surinamiens, dont un mec du Ninsee dont j'ai oublié le nom (institut pour la recherche sur l'esclavage, à l'origine du petit monument dédié à l'esclavage).
Ce qui m'a le plus touché, ce sont les mecs de la radio communautaire, qui existent avec pas grand chose. Ils connaissent bien leur histoire et ne comprennent pas qu'ils soient encore considérés comme des étrangers après avoir passé 4 siècles au sein du royaume. Ils dénoncent le racisme de Verdonk, bien sûr, mais aussi celui de l'administration et des petits blancs. Ils envient les Antillais français, qui jouissent de l'égalité de droits. Ils semblent surtout très isolés politiquement. Ils préviennent que les taux de chômage des jeunes est aussi désespérant que celui des Marocains ou des Turcs, et que les jeunes Noirs sont systématiquement envoyés sur des voies de garage et exclus du système scolaire (70% se content du plus bas diplôme s'ils ne sont pas explus avant).
Ils parlent aussi de l'ethnocentrisme hollandais blanc protestant, qui les touche au quotidien: ethnocentrisme à l'école, où la "culture de base" n'est pas la leur (il vaut mieux connaître un peu de Mozart qu'être un spécialiste du Jazz), en politique (ils sont "allochtones"), vis-à-vis de la police (ils sont une "population à problème"), et surtout dans les instances de l'Etat-providance (une femme blanche élevant seule ses enfants reçoit beaucoup d'aides, une Antillaise ou Surinamienne dans la même position est une "famille dysfonctionnelle", est sommée de révéler le nom du père de l'enfant sans quoi on lui retire les aides sociales, et est fortement encourragée à aller travailler, quel que soit le job).
Ils sont juste à côté de chez moi, j'ai été invité à repasser, je le ferai!