Comme je l'ai montré dans ma thèse, il y a deux sortes de présences des minorités en politique, plus ou moins facile à mesurer. La première est la présence physique, elle représente la capacité qu'on les minorités à se faire élire. Cette présence se mesure avec des ratios. Pour avoir un ratio de représentativité, on divise le pourcentage de sièges obtenus par une minorité par le pourcentage de son importance numérique. Si le ratio est de 1, la minorité est parfaitement représentée. Au delà de 1, elle est sous-représentée, en deça, elle est sous-représentée.
La deuxième est la présence politique, c'est à dire la capacité à obtenir des changements de l'ordre du jour (qu'on parle d'un sujet qui tient à coeur à cette minorité) et, éventuellement, obtenir des résultats concrets (mais il faut replacer ce dernier processus dans un système politique complexe). Cela passe par une maîtrise des codes culturels au sein du monde politique, mais aussi par un support des organisations politiques (partis, syndicats, Eglises...). Une présence politique réussie marie l'accès à des postes de pouvoir réel (ministère, présidence, maire ou adjoint...) à un support politique et logistique des organisations politiques.
A Amsterdam Oud-Zuid, l'arrondissement où je vis, lors des dernières élections, sur 29 sièges, il y a un nom indiquant une origine non-Néerlandaise (Adán Campos Verdugo, GroenLinks), et 10 femmes (34%) mais aucun autre élu d'origine étrangère. Il est alors très simple de calculer les ratios: 3,4%/40%=0.085 pour les non-Néerlandais, 34%/50%=0,69 pour les femmes. Pour les allochtones (selon la définition légale) cela donne un ratio de 0; pour les immigrés de souche européenne, cela donne un ratio de 0.12, ce qui est très faible.
Au Dagelijks Bestuur (le 'gouvernement' de l'arrondissement), il y a 6 membres, tous Néerlandais de souche (que j'appelle "Bataves" sur l'exemple ironique du "Gaulois" français), 4 hommes, 2 femmes (33% soit un ratio de 0,66). Le ratio pour toutes les autres minorités est donc de 0.
Les minorités au conseil municipal Oud-Zuid 2000-2006
Parti VVD PvdA GL ZPB VOZ D66 CDA AA
Femmes 0,3 0,66 0 0,66 2 0,66 2 0
non-Bataves 0 0 0.69 0 0 0 0 0
Il est encore impossible de dire qui va être élu et combien de siège chaque parti va remporter, mais essayons-nous avec le parti travailliste (PvdA) sur la liste duquel je figure en place 9. Cette liste comprend 4 femmes sur les 10 premiers (place 1, 3, 5, 8) et 2 non-Bataves (un Turc en 6, moi, un Européen non-Batave en 9).
- Hypothèse basse
Le parti a obtenu 6 sièges aux dernières élections (2 femmes, 4 hommes, tous Bataves) et dans un hypothèse basse maintient ses 6 sièges et n'arrive pas à former une coalition et n'envoie donc aucun élu au Dagelijks Bestuur (ce qui fait rentrer au conseil ceux qui suivent sur la liste). Les candidats 1 à 6 sont alors élus: 1 allochtone et 3 femmes. Ce qui donne un ratio de 1 pour les femmes (bravo!), de 8,3 pour les Turcs (c'est une superbe sur-représentation), de 1,44 pour les allochtones (selon sa définition légale), mais seulement de 0.41 pour les non-Bataves.
- Hypothèse haute
Si on déborde d'enthousiasme, on imagine que le parti monte à 7 sièges et obtient deux postes au Dagelijks Bestuur. Sont élus les candidats 1 à 9 (dont moi, donc). Nous avons donc au conseil 7 membres du PvdA, dont 3 femmes, 1 Turc et 1 Européen. Cela donne un ratio de 0,86 pour les femmes, 8,3 pour les Turcs, 1,44 pour les allochtones, 0,51 pour les Occidentaux, et 0,71 pour les non-Bataves.
Le PvdA au Conseil municipal en 2006
Minorités Femmes Turcs Allochtones Occidentaux Non-Bataves
Hypothèse basse 1 8,3 1,44 0 0,41
Hypothèse haute 0,86 8,3 1,44 0,51 0,71
La nature du Dagelijks Bestuur va déterminer la nature de la présence politique des minorités. Cela m'étonnerait beaucoup que des non-Bataves y entrent. Pour les autres résultats il faudra attendre le résultat des élections, en mars 2006, pour savoir à quoi s'en tenir.
Il est remarquable que l'arrondissement d'Oud-Zuid offre des ratios si faibles pour les minorités, alors qu'elles sont si nombreuses (40% des chiffres officiels, beaucoup plus si on tient compte des naturalisés et de ceux qui ne se sont pas inscrits, en particulier beaucoup d'Européens). Je pense que c'est dommage pour l'arrondissement et ses populations, mais aussi pour la politique néerlandaise, qui pourrait ainsi essayer de sortir de sa grisaille et de sa bureaucratie.
A lire aussi sur http://www.minorites.org/article.php?IDA=13757