La presse néerlandaise revient sur le débat du Rode Hoed (forcément, puisqu'elle ne s'est pas rendue à celui organisé par l'Emcemo):
"Non, il n'y a pas de banlieues à l'échelle française aux Pays-Bas", écrit le Volkskrant (p.2) de ce matin. "Il n'y a pas de quartiers que la police et d'autres services publics évitent. Les Pays-Bas ne risquent donc pas directement une 'situation à la française'. Telle était la conclusion d'un forum qui s'est déroulé dimanche à Amsterdam, au centre de débat De Rode Hoed, dans la série de Volkskrant op zondag. Mais le phénomène de self-fulfilling prophecy existe bel et bien, a prévenu l'écrivain et économiste Fourad Laroui. Il y a deux semaines, le Telegraaf titrait sur toute la largeur de sa une : les incendies commencent maintenant ici aussi, comme à Paris. C'est solliciter des problèmes."
"Le chroniqueur du Trouw et ancien correspondant du journal français Libération Sylvain Ephimenco a également mis en garde contre la 'dangereuse' question de savoir si les déprédations à grande échelle dans les banlieues françaises pouvaient s'étendre aux Pays-Bas. Il a souligné le 'comportement imitateur' des jeunes et le rôle des médias qui reprennent sans réfléchir l'image de victimes que la jeunesse allochtone propage volontiers d'elle-même. 'Le racisme, la discrimination, ce sont des mots qu'ils apprennent par cœur, mais quand on compare leur situation avec celle des immigrés en France il y a cent ans, ces derniers étaient beaucoup plus misérables. Et il n'y avait pas d'émeutes dans les banlieues, à l'époque."
"'Une situation à la française ?', tel était le titre du débat auquel ont aussi participé le journaliste et ancien correspondant Philip Freriks et l'ancien commissaire de et ex-attaché de police à Paris Rob Hessing, sous la direction du commentateur pour l'étranger Paul Brill, du Volkskrant. Freriks a rappelé qu'il y a vingt ans il avait déjà fait un reportage sur la banlieue parisienne de Clichy-sous-Bois, où les incendies de voitures ont commencé il y a trois semaines, après l'électrocution de deux jeunes dans un transformateur. La situation ne s'est en tout cas pas améliorée là-bas."
"Les Pays-Bas avaient jusqu'à une date récente leur société multiculturelle dans laquelle chaque groupe pouvait être lui-même, la France son modèle républicain dans lequel chaque individu est égal devant l'Etat – 'et aucun des deux ne marche', ont dit Freriks et Ephimenco simultanément."
"Personne ne pouvait offrir une perspective réjouissante, ni pour la France, ni pour les Pays-Bas. Freriks a raconté l'accueil que lui avait réservé [la présentatrice de télévision] Sonja Barend il y a quinze ans, après que l'homme politique d'extrême-droite Jean-Marie Le Pen avait de nouveau obtenu un bon scrutin. 'Qu'as-tu encore à chercher dans ce pays fasciste ?', lui avait demandé Sonja Barend. 'Attends qu'on abatte quelqu'un ici ou qu'une figure charismatique se lève', avait répondu Freriks."
Par ailleurs, on cite Laroui dans le Volkskrant:
Dans le cahier het Betoog du Volkskrant de samedi, l'écrivain néerlandais Fouad Laroui, un des participants du débat au centre De Rode Hoed, assortit de commentaires critiques une pétition française datée du 19 janvier 2005, titrée "Nous sommes les indiens de la République" et qui "a eu des conséquences redoutables". "J'ai personnellement refusé de la signer, parce que je trouvais les formules employées peu claires ou fortement exagérées et parce que je n'étais pas d'accord avec les critiques radicales à l'encontre de la République. D'autres personnalités publiques ont également refusé de signer un texte aussi explosif, bien qu'elles fussent sensibles aux problèmes des jeunes immigrés de la deuxième et de la troisième génération." Certaines parce qu'elles ne voulaient pas que leur signature voisine avec celle de Tariq Ramadan.
"Cet homme élégant au langage modéré semble aussi bien passer aux Pays-Bas. Il a été très officiellement invité par les Affaires étrangères pour s'adresser aux fonctionnaires. En France, il est le symbole d'un danger dont les récents événements montrent qu'il n'est pas imaginaire : le danger que les islamistes abusent de la misère des jeunes d'origine étrangère."
"Je puis témoigner personnellement que j'ai entendu des jeunes crier 'Allah Akbar' à Clichy-sous-Bois, alors qu'ils démolissaient et incendiaient des voitures. Certains jeunes appelaient au jihad. Quelle extrême confusion ! Alors qu'ils devraient parler de travail, d'urbanisation, de transports, ils font appel à Dieu et annoncent la guerre contre les infidèles ! Voilà ce que c'est de se servir de formules extravagantes comme celles de la pétition du 19 janvier 2005. Tout a été mis en place sur scène pour la pièce de théâtre, ou plutôt le drame, qui s'est déroulée sous nos yeux les dernières semaines. Il ne s'agit ni plus ni moins d'un remake des indiens contre les cow-boys. Tariq Ramadan et ses amis ont-ils oublié un fait historique indéniable : que les indiens, hélas, ont définitivement perdu la guerre ?"
"Comme dans toute l'Europe, nous suivons aux Pays-Bas les événements de France avec un sentiment d'inquiétude. Nous avons de bonnes raisons pour cela : à Amsterdam, Rotterdam, Utrecht et La Haye les jeunes d'origine étrangères constituent une partie substantielle de la population. Et si les mêmes causes peuvent avoir les mêmes conséquences, il y a de quoi être préoccupé : le chômage et le sentiment de ne pas être vraiment accepté ne sont pas si différents à Clichy-sous-Bois et à Osdorp."
"Que se passera-t-il le jour où un Tariq Ramadan néerlandais se lèvera, séduisant et éloquent, parlant parfaitement la langue du pays, entouré par dix, vingt, cinquante associations, qui convaincra 40 000 jeunes qu'ils sont les indiens de la Randstad, opprimés par les colonialistes blancs de Wassenaar ?"