Selon Anne-Ruth Wertheim, il existe deux types de racismes: un racisme d'exploitation (uitbuitingsracisme) et un racisme de concurrence (concurrentieracisme). Le premier est lié à la colonisation et l'esclavage, le second à la mise en concurrence des population sur le marché du travail ou de la production (par exemple le racisme antichinois en ce moment). C'est une dichotomie déjà expliquée par Wieviorka (voir plus loin).
Selon elle, les Pays-Bas sont passé du premier type au deuxième type, avec comme problème l'idée très répandue d'un complot pour prendre le pouvoir (par l'économie pour les Chinois qui ont donc remplacé les Juifs dans l'imaginaire collectif; par le terrorisme pour les Musulmans, voire via l'Europe pour les Français, Allemands et Polonais).
J'adhère en partie à son analyse. Cependant je pense que le racisme colonial (le racisme d'exploitation, comme elle l'appelle) n'a pas disparu pour autant. Elle avait écrit sur ce sujet il y a un an, et craignait que l'on soit témoin de violences encore plus grandes. Pour être en étroit contact avec de nombreuses personnes d'origine nord-africaine ou européenne (non-néerlandaise, donc), je peux vous assurer que dans bien des cas ce racisme colonial existe, et qu'il est renforcé par un racisme de concurence.
Résumé/critique trouvé sur le net, et très bien fait:
http://www.cjsonline.ca/reviews/racismefr.html
"Le schéma général proposé par Wieviorka afin de saisir théoriquement le problème du racisme est novateur et ingénieux. L'auteur établit d'abord une distinction marquée entre un racisme d'inégalité ou d'exploitation et un racisme fondé sur la différence culturelle et l'exclusion. Il construit ensuite un espace analytique structuré par deux logiques et quatre cas types. La première logique oppose, d'une part, la participation individuelle à la modernité à, d'autre part, l'appartenance à une identité collective particulière (ethnique, religieuse, etc). La seconde logique oppose des visions du monde universaliste et différencialiste.
Dans le premier cas, associé à la modernité triomphante, le racisme se définit en référence à l'idée du progrès universel ou du salut des âmes. Toute résistance est interpretée comme l'indice d'une infériorité biologique et raciale.
Dans un second cas, le racisme est exprimé par des groupes menacés de chute sociale. Ceux-ci prennent pour cible d'autres groupes socialement ou géographiquement voisins et leur reprochent leur ascension sociale et leurs privilèges qui sont, la plupart du temps, purement imaginaires. Wieviorka a déjà traité longuement de ce second cas de figure dans son ouvrage La France raciste (1992).
Dans le troisième cas, le racisme correspond à la mobilisation d'une identité collective contre la modernité et envers un groupe social dénoncé comme porteur privilégié ou manipulateur de cette modernité. Les Juifs, par exemple, ont souvent été accusés de personnaliser la commercialisation, le capitalisme, les médias corrupteurs, etc.
Dans le dernier cas, le racisme prend la forme d'une défense de l'identité culturelle propre sans référence particulière à la modernité ou à son contrôle. Le racisme peut alors même exister sans aucun contact réel avec le group racisé. Wieviorka donne en exemple le racisme vigoureux de certains habitants des campagnes alsaciennes où la population issue de l'immigration est bien rare et, parallèlement, de l'anti-sémitisme polonais contemporain. Wieviorka a d'ailleurs publié un ouvrage fort intéressant sur ce dernier sujet intitulé Les Juifs, la Pologne, et Solidarnosc (1984). "