La semaine dernière, Willem Bakker (Guillaume Boulanger en français), mon prof de kreukreu, m'avait gardé un éditorial mordant de Gerrit Komrij (photo) dans le NRC. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Komrij est un mec assez fascinant, une folle grincheuse et très mordante, très laid donc très drôle, auteur d'une anthologie de la poésie néerlandaise et de livres très agréablement désagréables. Il a même été nommé "poète de la patrie", titre qu'il revandique non sans une certaine ironie.
Mais revenons à notre bac à sable... Dans cet éditorial, Komrij revenait sur les mésaventures de Pechtold (D66), ministre des réformes administratives et des relations avec la famille royale. Ce dernier se plaignant de l'ambiance incestueuse à La Haye, un ténor de la Deuxième chambre lui avait lancé que s'il ne s'y plaisait pas, qu'il aille voir ailleurs.
Komrij s'est donc déchaîné contre les grands chefs du VVD, CDA et D66 (resp. libéraux, chrétiens-démocrates et centristes), qui trouvaient qui tout le monde était "leuk" (sympa), que l'ambiance au parlement était "leuk", qu'ils se trouvaient tous "leuk" les uns les autres... bref, qu'on était en plein copinage entre gens "leuk" qui ne pensaient qu'au pouvoir et qui se moquaient bien des débats, des crises liées au processus démocratique, voire des élections. Il les comparait à des mômes capricieux jouant dans leur bac à sable haguenois et n'acceptant pas un moufflet un peu différent.
J'ai trouvé cet éditorial d'autant plus réconfortant qu'il était écrit avec verve et ironie, ce dont semblent dépourvus les "leuke mensen" (gens sympas) dont Komrij parle. Mais pas seulement: à l'heure où l'on célèbre Theo van Gogh et Pim Fortuyn comme des héros (hérauts?) nationaux pour leur franc-parler et leur (involontaire) sacrifice, il ne faut pas oublier que la droite néerlandaise a gagné les élections en surfant sur les thèmes fortuyniens: intégration, réforme administrative et fin du copinage.
La politique d'intégration néerlandaise ressemble à la politique de l'UMP en France: répression, ghétoïsation et stigmatisation. La réforme administrative est passée à la trappe (le fameux Pechtold a dû avaler des couleuvres de la taille de plusieurs boas), et le copinage est redevenu à la mode si l'on en croit Komrij ou même des gens au sein du D66 et du VVD.
Quand les Néerlandais en auront marre de la monarchie héréditaire et pencheront pour la monarchie méritocratique, je propose que Komrij devienne la prochaine reine des Pays-Bas. On s'amusera beaucoup et il saura remettre les arrivistes et les populistes à leur place. Et les discours du trône seront certainement des monuments littéraires que les autres nations nous envieront. En vers, pourquoi pas.