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dimanche 9 octobre 2005

Langue morte et moule asocial °

Ce qui me frappe quand je pense à la langue néerlandaise, c'est à la fois le dédain dans laquelle on la maintient, et sa vivacité réelle. La plupart des Néerlandais la parlent par habitude, mais bien peu l'aiment. La plupart en ont honte ("it'sh an ugly languash, hé?"), beaucoup la maltraitent en l'anglicisant à l'extrême (je n'ai rien contre les anglicismes, mais il faut quand même mesure garder!), et l'extrême majorité des Néerlandais n'a aucune culture littéraire. A part quelques comptines apprises durant leur enfance, ils sont incapables de citer un ou deux bouquin, ou même poème qu'ils adorent ou qui les a ému. Un série, oui, un film peut-être ("les films français ch'adore: Taxi 2 très bon!"), mais point d'ouvrage vaguement relié à leur langue.
Et pourtant, moi qui peine à apprendre cette langue, je trouve qu'elle fait preuve d'une vivacité étonnante pour un dialecte germanique parlé par, à tout casser, 20 millions de personnes (en comptant le flamand).
Le dernier concept en vogue: P.C. Hoofdstraat tractor. La P.C. Hoofdtraat, c'est la rue du shopping mondain, avec toutes les boutiques de luxe. S'y garent les femmes riches désoeuvrées, arrivées de 3 rues plus loin à bord de leur immense 4x4, voire un Humvee pour les plus tendance. Non seulement elles polluent et sont dangereuses, mais en étalant leur richesses elles deviennent asociales, la pire des insultes aux Pays-Bas.
La presse s'est emparée avec délectation du mot, vite remplacé par Asobak, contraction d'asocial et de bak, un terme large regroupant les concepts de bac, pot, bagnole et moule.
Tout ça vraiment rapidement, avec tellement d'humour, de sous-entendus et de créativité. Aah!

Il y a quelques années j'avais découvert le terme semi-turcophobe de Turkebak, qui désigne les mercedes les moins chères, et qui peut de traduire par moule à Turcs. D'autant plus drôle qu'il partait d'une observation sociologique assez fascinante. Il n'y a pas longtemps, j'avais avalé quelque chose trop chargé en ail, et Lewis avait repoussé mes bisous en criant: "je stinkt een uur in de wind", littéralement tu pues une heure dans le vent. En gros, dans ce pays venteux, quelque chose dont l'odeur reste après une bonne heure dehors est vraiment puant. Je ne vais pas faire la liste des expressions ou des créations qui me plaisent, il me faudrait presque écrire un petit livre là-dessus.
Mais vous m'avez bien compris: le kreukreu c'est plus rigolo que cela n'en a l'air!