Ah les grands bourgeois... L'autre jour j'étais invité à dîner chez Françoise, une amie française (comme son nom l'indique) qui vit en Batavie depuis une éternité. Et nous avons parlé des grands bourgeois, ceux qui nous font horreur par leurs prétentions, leurs privilèges et leur sentiment de supériorité.
Françoise m'a raconté qu'elle a fui la France à cause d'eux, et je soupçonne mon ami Bertrand, à Bruxelles, d'avoir fait la même chose. Et je ne parle pas de Samuel au Pays de Galle ou de Claire en Chine... Je ne peux nier que la maffia grand-bourgeoise m'a aussi dégoûté à jamais du monde universitaire français, mais aussi de son monde politique et culturel. Bref, nous sommes tous partis de l'Hexagone pour respirer un peu d'air libre ailleurs, que ce soit au Royaume Submersible, chez nos amis les Belges, à Helsinki ou chez les Chinois. Fuir l'ethnocentrisme de classe, le parisianisme, le gallocentrisme étriqué, le racisme, le sexisme et la xénophobie.
Mais, me direz-vous, quid de la grande bourgeoisie indigène? Je ne peux pas répondre pour Bertrand, mais Françoise et moi sommes tombés d'accord: la différence entre les classes dominantes française et hollandaise, c'est l'alibi intellectuel. Alors que les riches Hollandais se contentent de préserver leur troupeau et leur singularité avec des lois fiscales sur mesure, des vêtements de marques étrangères (ils savent rarement que le P.C. Hooft de la rue du même nom, haut lieu de leur shopping identitaire, est un poète batave classique) et un accent américano-arabe copié par tous les étudiants ouanabi, les Français ont développé l'idée du sabotage révolutionnaire pour justifier leur mainmise sur le pays.
Et c'est ça qui nous tue: plus on fait d'études, plus on se rend compte que le charabia de nos élites est un détournement d'idées plus ou moins construites mais associées à des auteurs qu'il est malvenu de critiquer, comme Foucault, Dérida, Marx, Freud, Lacan et tous leurs copains et ennemis jurés. Derrière ce fouilli idéologique et sémantique se cache la même violence, le même mépris, les mêmes personnes persuadées de leur supériorité.
L'égalité, la République, la laïcité ne font que légitimer le monopole économique et politique d'un groupe. Et c'est ça la grosse différence entre la Hollande et la France: les grands bourgeois kreukreux se contentent d'être relativement discrets, d'avoir l'air pauvres et toujours au travail. Les Français ont leurs armées d'intellectuels et de pitres médiatiques pour chanter leurs louanges, célébrer leur dictature éclairée, leurs prises de décisions difficiles pour écraser les pauvres, privatiser les institutions rentables et nationaliser leurs erreurs financières.
Et ce qui est dur, quand on revient, c'est de voir que personne n'est dupe, mais que plus personne ne semble vouloir y changer quoique ce soit. Et c'est en ça que la pression des élites prétentieuses françaises est insupportable: pourquoi s'obstinnent-elles à développer des armes de destruction massive d'opposition populaire si la population agite le drapeau blanc? Hein?
Bref, ce retour au pays tant rabâché, il n'est pas gagné d'avance...
Lien pour se sentir kreukreubourge: http://www.pchooftstraat.nl/
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Commentaire de Bertrand: "J'ai repensé à ce texte en me disant que sur certains points, tu n'avais pas tort en ce qui concerne mon désir de quitter la France mais je ne pense pas que les grands bourgeois en soient la raison principale. C'est aussi une certaine forme de curiosité qui me pousse à aller voir "ailleurs" comment on vit ailleurs. Mais c'est toujours intéressant de rencontrer des personnes de la même nationalité et de papoter de choses qui nous font horreur."
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Commentaire de Mathieu: "Je n'ai pas aimé ton texte revanchard mâtiné de pensée bourdivine. Pourquoi avoir fui? pour au final retrouver la même oppression sous une autre banière? Qui reste ici pour résister? Pas moi certes puisque je travaille activement à la répression de tout comportement déviant attentatoire aux droitx des dominants (quoique je constate que la violence de la délinquance quelle que soit sa forme s'exerce souvent contre les plus démunis, économiquement, intellectuellement..., mais passons ça ne rentre pas en ligne de compte dans les statistiques judiciaires).
Mais alors qui? La haine est une vertu de l'arrière disait Merlau-Ponty. "
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Réponse de Laurent: "Et bien Bertrand a raison, la recherche d'exotisme a été primordiale au début, mais à chaque fois que je rentre en France, malgré le fait que mon pays me manque, il me semble toujours plus évident que je deviens allergique à l'ethnocentrisme de classe et au parisianisme chauvin. Et, Mathieu, c'est vrai, si tout le monde déserte, on laisse les méchants gagner. Mais il faut savoir faire des choix difficile. Le mien est, au mieux, de vivre des choses intéressantes ailleurs qui éventuellement m'aideront à un retour harmonieux et utile, au pire de rester dans mon exil et d'y développer un culture en marge, culture dont Amsterdam s'est fait une spécialité (Thank God!)"