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samedi 3 janvier 2009

Une crise plus grave aux Pays-Bas?



C'était probablement vers 2003 ou 2004. Je me rappelle de l'endroit, du bruit, des odeurs, de la discussion... c'était avec mon pote Laurent V, on parlait de l'économie alors qu'il me ramenait au Métro. Il jouait à la bourse, et disait déjà: "Je joue avec du vent. Ce qui se passe à la Bourse n'a aucun rapport avec la réalité économique. On va droit dans le mur mais tant que personne ne s'en rend compte, il ne va rien se passer. Je ne sais pas si ça va péter demain ou dans quelques années, mais ça ne va pas tenir, c'est impossible de continuer éternellement comme ça." Je voulais bien le croire, sauf que tout le monde disait le contraire, surtout aux Pays-Bas.

Depuis plus d'un an, on parle beaucoup des économies néerlandaises et islandaises avec mon pote X (qui souhaite rester anonyme, je me demande vraiment qui ça peut être...), qui est à Reykjavik depuis quelques temps déjà. On avait l'impression d'être deux paysans réactionnaires, à ne pas croire en la réalité du "miracle islandais" ou du modèle économique Polder. Même en étant très fort, en travaillant d'arrache-pied et en étant très futé, on ne peut pas passer aussi vite d'un mode de vie assez frustre à un tel débordement de richesse. "Je ne peux pas croire qu'ils aient trouvé la méthode miracle pour passer de la pêche et de l'agriculture de survie à un mode de vie californien avec Humvees et voyages autour de la terre plusieurs fois par an pour tous en une décennie."

De mon côté, je vois bien que l'enrichissement de beaucoup de Néerlandais ne provient nullement d'un travail accru ou d'une efficacité supérieure, mais pour beaucoup des miettes des différentes bulles spéculatives, et encore plus du crédit. Les politiques gouvernementales pour forcer les gens à placer leur retraite à la Bourse (qu'on le veuille on non, d'ailleurs) et acquérir leur logement a surtout eu pour conséquence de faire grimper les prix de l'immobilier, d'augmenter le taux d'endettement, surtout pour les classes moyennes et inférieures, et de faire perdre des centaines voire des milliers de milliards des retraites.
J'avais l'impression d'être un trotskiste anti-capitaliste primaire quand je trouvais que la confiance des Bataves en leur économie va bien au delà du raisonnable: "Laurent, tu vois tout en noir, l'économie financiarisée est vraiment moderne maintenant, on utilise des mathématiques de pointe. En plus l'économie néerlandaise est forte par essence. Il n'y a aucune raison que nous vivions une quelconque récession et les prix de l'immobilier ne vont pas baisser de sitôt."

Le culte que les Néerlandais vouent au Marché et à la fable libérale n'a cessé de me fasciner depuis la période du gouvernement de Wim Kok. Alors que leurs connaissances en économie sont plus que médiocres, ils s'obstinent à croire que le Marché est la réponse à tout, même lorsqu'il est plus qu'évident que ce n'est pas vrai: ils doivent désormais payer des fortunes sur 30 ans pour habiter les mêmes petits appartements en brique mal isolés qu'avant, leur santé s'est dégradée alors qu'ils payent plus que jamais des assurances privées qui ne remboursent presque rien, le système ferroviaire privatisé est mal entretenu, cumule les retards et coûte toujours plus cher, les fournisseurs d'énergie sont moins efficaces et plus chers qu'avant la privatisation, les fournisseurs télécoms (téléphonie, internet et télévision) sont reconnus comme des voleurs qui abusent les enfants, les pauvres et sont prêts à tout pour ne pas laisser le "Marché" pousser les prix à la baisse... Je ne parle même pas du fiasco de l'assurance maladie américaine ou du réseau ferré britannique dont tout le monde connaît l'histoire. Que faut-il donc qu'il arrive pour qu'on se rende compte que le Roi est nu?
Au risque de passer encore pour des Cassandres grincheuses, le dernier rapport du GEAB (lien) ne fait que confirmer nos intuitions de garçons modernes relativement éduquées en économie (tous les trois nous sortons d'un IEP): non seulement la crise au niveau mondiale durera au moins jusqu'à la fin 2010 (pour l'Asie et la zone Euro), mais pour les économies ultra-financiarisées (États-Unis et Grande-Bretagne) probablement jusqu'en 2018. Enfin, les pays ayant "investi" leurs retraites en Bourse auront un gros problème avec l'arrivée des baby-boomers à l'âge de la retraite, la plupart de ces "investissement" ayant été avalés par la crise.

Allez, en cadeau de début d'année, je vais jouer au Nostradamus franco-amstellodamois, et je vous livre mes intuitions, que j'espère fausses:
- Grosse montée du chômage en 2009, avec grosses catastrophes économiques aux États-Unis et au Royaume-Uni (grosses boîtes qui ferment, chute du marché immobilier, éventuellement banqueroute étatique plus ou moins contrôlée, forte baisse du Dollar et de la Livre) et un sale coup dur en zone Euro et en Chine
- Gros mouvements sociaux dans le monde. En Chine, soit une dérive fasciste ultra-nationaliste, soit des conflits sociaux très très violents. En Occident, beaucoup de tensions, et la naissance de plusieurs mouvements de protestation, probablement en France où la culture politique est plus développée qu'ailleurs. Si la gauche gouvernementale se réveille et canalise cela, on peut assister à une refonte de l'économie européenne et de l'État-providence. Sinon, gros conflits sociaux, violence étatique (aussi avec l'aide des nouvelles technologies) et délires d'extrême-gauche et d'extrême-droite en perspective.
- Baisse très forte de l'immobilier partout, peut-être plus limité dans les centre-villes historiques des grandes villes. On peut très bien imaginer beaucoup de faillites personnelles (comme en Angleterre il y a quinze-vingt ans) à cause de cette chute immobilière.
- Statistiquement, les périodes de "correction" sont facteur d'insécurité et on ne peut pas exclure des conflits armés, soit périphériques (en mode Israël/Palestine) pour occuper les peuples, soit interne, par exemple si les classes dirigeantes veulent maintenir leur train de vie à tout prix. Une Chine qui s'en prend à ses voisins pour canaliser la colère populaire est tout à fait envisageable. Ou des États-Unis maintenant un niveau de conflit raisonnable un peu partout pour justifier un complexe militaro-industriel bien trop cher financé par l'Europe et l'Asie...

Si quelques uns des kreukreusconautes souhaitent plus de détails, avec références et explications simples, vous savez comment me contacter, j'en ferai peut-être des messages ici-même, avec des chôlis schémas aussi clairs que possible. Les réactions intéressantes (même fortement divergentes) seront mises en ligne aussi, natuurlijk...