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vendredi 2 janvier 2009

Politique locale: peut mieux faire

Pour fêter la fin de l'année, le journal amstellodamois Het Parool a choisi de bitcher sur les arrondissements, souvent source d'irritation pour les habitants de la capitale. C'est en effet les collectivités locales amstellodamoises qui sont n°1 du Top 10 des irritations, devant le ligne de métro Nord/Sud (prévue pour 2007, elle sera finie, au plus tôt, en 2015), la politique d'intégration (inburgering), et le Zuidas (la "ville nouvelle" de gratte-ciels spéculatifs au Sud de la ville)



Je comprends totalement ces irritations, mais il faut expliquer aussi pourquoi...

- La seule chose pour laquelle Oud Zuid est cité est l'histoire du mec qui avait peint sa maison en rose et a été obligé de la repeindre. En fait, moi je connais l'autre version de l'histoire: le mec avait peint sa maison dans le mauvais rose (Lewis a tout de suite tiqué: «c'est quoi ce f#cking rose pas beau?»), et quand l'arrondissement lui a demandé de la repeindre, il s'est mis en colère. Les fonctionnaires et l'échevin lui ont proposé qu'il s'engage à choisir la bonne couleur lors de la prochaine peinte ou s'il revend le bâtiment, mais il les a pris de haut et leur a fait un procès. Manque de pot, ce n'est pas l'arrondissement qui décide des couleurs, il ne fait qu'appliquer un règlement décidé par la Commission d'esthétique, un truc indépendant dont les avis sont généralement respectés pour leur bon sens esthétique et architectural. L'affaire a été jusqu'au Conseil d'État, ce qui a débouché sur l'obligation pour l'arrondissement d'appliquer le règlement et de forcer le mec à repeindre sa maison rapidos. Les médias décrivent ce mec comme une victime des fonctionnaires psychorigides de l'arrondissement, alors qu'il n'a fait que s'enfoncer avec son arrogance et un avocat un peu présomptueux... Il s'agit d'ailleurs d'une bonne illustration de changement de mentalité dans l'arrondissement, où les gens éduqués et les nouveaux riches pensent qu'ils peuvent gagner tous leurs procès parce qu'ils ont une grande gueule. S'ils connaissaient le système judiciaire néerlandais, ils sauraient que la thune et une grande gueule ne suffisent pas. N'est pas O.J. qui veut (et encore, il a été rattrapé lui aussi)...

- Le niveau du personnel politique local néerlandais est encore plus faible que celui des députés, ce qui en dit long sur les conséquences que cette nullité peut avoir sur les décisions publiques. Apparemment, Oud Zuid est de loin l'arrondissement où l'ambiance est la meilleure et où le Conseil est le plus compétent. C'est vrai que certains de mes collègues sont des gens biens, avec un certaine vision du bien commun. Mais parfois, je suis effaré du manque de connaissance et de préparation de certain(e)s collègues. Les contacts que j'ai eus avec mes homologues d'autres arrondissements ont été en général décevants: aucun charisme, manque de travail et de connaissance du sujet, manque de sérieux, aucune vision d'ensemble... Je pense qu'il faudrait rendre les places plus chères (augmenter les indemnités pour rendre le poste attractif, diminuer le nombre de sièges) mais aussi pousser les partis à avoir des procédures de recrutement mieux réalisées (quitte à les faire aider par des cabinets spécialisés) et surtout un suivi un peu plus strict. En gros, aujourd'hui, une fois élu, on peut faire ce qu'on veut, dont ne jamais siéger, sans contrôle aucun. Je trouve ça un peu limite...

- Je ne m'y connais pas assez pour juger ce qui s'est passé sur la ligne Nord/Sud du métro, par contre je vois très bien ce qui a merdé pour la politique d'intégration et le Zuidas: incompétence, populisme et manque de responsabilité. La politique d'intégration (inburgering) est une catastrophe, aussi bien au niveau national qu'au niveau local, avant tout parce qu'elle est le produit du désir pulsionnel d'une analphabète de la politique, notre chère Rita Verdonk. Le fait que la plupart des partis n'ont aucune réflexion sur l'intégration (mon propre parti est d'une nullité effrayante sur la question) a laissé le champ libre à l'extrême-droite et on en paye aujourd'hui le résultat. Comme personne ne soit vraiment responsable de quoi que ce soit, le fiasco en devient encore plus irritant.
En ce qui concerne le Zuidas, je trouve qu'il s'agit d'un projet pour homme blancs arrogants et riches de plus de 50 ans, avec le mauvais plan de financement, une architecture catastrophique, une vision du développement urbain datant des années 1950 et une offre qui ne correspond pas à une demande réelle. Ce qui m'ennuie, c'est que les Amstellodamois risquent de payer longtemps pour ce flop urbain. Là encore, j'aimerais comprendre qui a pris la décision, comment, et sous l'influence de qui...

- Quand on voit la liste des "méfaits" causés par les arrondissements, cela reste très très gentil: un élu s'est fait choper en voiture avec trop d'alcool dans le sang, le Centre voulait couper l'arbre d'Anne Frank, Zeeburg n'a pas mis des barrières assez tôt le long d'un canal (un mort), disputes diverses entre élus dans plusieurs arrondissements... Je pense que les plus grosses fautes sont avant tout causées par des décisions prises à La Haye ou dans l'entourage de notre maire, Job Cohen. Là est, selon moi, la plus grande faiblesse d'Amsterdam: aucun contre-pouvoir au maire et aux hauts-fonctionnaires, une responsabilité diluée, et un manque de vision à long terme des dirigeants assez préoccupant. Le fait que personne ne confronte Lodewijk Asscher à sa conception pour le moins curieuse de la ville du futur (une apartheid moderne, voir ici) montre que le PvdA n'est toujours pas en état de penser clairement... 

Mais bon, la démocratie est un système imparfait, une utopie vers laquelle il faut tendre en se corrigeant continuellement. Le fait que Het Parool puisse aller fouiller dans les poubelles de la politique et offre les actions des élus à l'éventuelle opprobre populaire est la preuve que la démocratie amstellodamoise n'est pas totalement morte.